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La théorie du risque excessif enfin remise en cause

La théorie du risque excessif enfin remise en cause

Dans une décision de principe, le juge l’abandonne dans une très large mesure en précisant que c’est au regard du seul intérêt propre de l’entreprise que l’Administration doit apprécier si des opérations correspondent à des actes relevant d’une gestion commerciale normale.

La théorie du risque excessif est une construction prétorienne du juge qui tendait à permettre à l’Administration de remettre en cause, sur le terrain de l’acte anormal de gestion, une opération qui, bien que de prime abord conforme à l’intérêt de l’entreprise, était susceptible d’entrainer des conséquences négatives trop importantes pour qu’elle soit regardée comme procédant d’un acte de gestion normal.

Genèse de la théorie

La notion de risque excessif est d’abord apparue dans le cadre d’une série de décisions relatives à des exploitants individuels et notamment en raison de l’impossibilité d’appliquer la théorie de l’acte anormal de gestion aux titulaires de bénéfices non commerciaux. Elle s’est déclinée ensuite dans les entreprises. Le caractère disproportionné du risque a ainsi été considéré comme constitué dès lors qu’il excède celui qu’un chef d’entreprise peut être conduit à prendre dans une situation normale pour améliorer les résultats de son entreprise sur la base des informations dont il dispose (CE 14 février 1979, n° 10812 et 28 septembre 1983, n° 3426).

Cette construction prétorienne, qui a mis du temps à émerger et qui a été progressivement cadrée, n’a jamais donné lieu à une application positive par le juge (notamment CE, 11 juin 2014, n° 363168, Société Fralsen Holding ; CE, 23 janvier 2015, n° 369214, SAS Rottapharm). Il n’y a que dans l’affaire « Loiseau » que cette théorie a pu être regardée comme ayant été mise en application effective pour rejeter la déduction de pertes (CE 17 octobre 1990, n° 83310), mais le conseiller d’Etat Olivier Fouquet, rapporteur dans cette affaire, n’a eu de cesse de faire valoir que le juge avait alors tranché en équité plutôt qu’en droit, et que l’on avait donné à cette décision une portée qu’elle n’avait pas (voir en dernier lieu sa note sous arrêt dans Rev. Dr. fisc. 2016 N° 36, comm. 464).

Cadrage de la notion de risque excessif

Le juge, s’il a accueilli le moyen soulevé par l’Administration, a progressivement tracé une grille d’application très rigoureuse. Il émerge ainsi de la jurisprudence que deux éléments sont requis pour que l’ampleur du risque pris caractérise un acte anormal de gestion. L’un est matériel, il consiste à établir l’existence du risque et son excès potentiel. L’autre est moral, il repose sur le fait que le risque d’une ampleur certaine a été pris en pleine conscience avec notamment l’utilisation de l’adverbe « manifestement » pour désigner le seuil de risque inacceptable.

Rappelant qu’il n’appartient pas à l’Administration de se prononcer sur l’opportunité du choix arrêté par une entreprise pour la gestion de sa trésorerie et que ce n’est qu’au regard de l’intérêt propre de l’entreprise qu’elle peut être critique, le juge a donné une grille d’analyse du risque financier. Son niveau devrait ainsi être apprécié au regard des critères suivants :

Portée de l’abandon de cette théorie

Dans une décision publiée au recueil Lebon, le juge abandonne désormais, sans ambiguïté aucune, la théorie du risque excessif. Dans l’affaire en cause, l’Administration, comme les juges du fond, avaient considéré que les importants et très nombreux concours financiers accordés par une banque à une entreprise en grande difficulté ne relevaient pas d’une gestion normale, dès lors qu’ils révélaient une prise de risque inconsidérée de la banque (CAA Versailles, 19 décembre 2013, n° 11VE04035, Société Monte Paschi Banque).

Le Conseil d’Etat casse la décision des juges du fond et considère que c’est au regard du seul intérêt propre de l’entreprise que doit être appréciée la normalité des opérations. En particulier, il n’appartient pas à l’Administration de se prononcer sur l’opportunité des choix de gestion opérés par l’entreprise et notamment pas sur l’ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats (CE, 13 juillet 2016, n° 375801, SA Monte Paschi Banque).

 IL N’APPARTIENT PAS À L’ADMINISTRATION DE SE PRONONCER SUR L’OPPORTUNITÉ DES CHOIX DE GESTION OPÉRÉS PAR L’ENTREPRISE.

Il réserve toutefois l’hypothèse particulière des détournements de fonds rendus possibles par le comportement délibéré ou la carence manifeste des dirigeants (CE, 5 octobre 2007, n° 291049, Sté Alcatel-CIT). En réalité, la jurisprudence en la matière a été rattachée à tort à la théorie du risque excessif alors qu’elle relève de l’acte anormal de gestion et traduit une entorse à l’absence d’immixtion de l’Administration et du juge dans les choix de gestion de l’entreprise. Par cette réserve, le juge entend faire savoir que cette jurisprudence reste d’actualité.

On relèvera ainsi d’une façon plus générale, que sauf exceptions formellement prévues par la loi (amendes pénales, corruption d’agents publics, etc.), un acte illicite ou amoral ne peut pas être en principe regardé comme un acte anormal de gestion dès lors qu’il est pris dans l’intérêt de l’entreprise.

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