Près d’un an après la publication du 1er bilan de la loi relative à la lutte contre la fraude, l’Assemblée nationale a présenté le 16 septembre dernier un rapport d’information sur l’application de cette loi – i.e. état des lieux des textes d’application nécessaires à sa mise en œuvre.
La loi relative à la lutte contre la fraude fiscale, promulguée le 23 octobre 2018, a notamment prévu un renforcement des moyens de contrôle et des sanctions à disposition de l’administration fiscale, ainsi que du contrôle des opérations à l’étranger et l’articulation des procédures pénales et fiscales (Loi 2018-898).
Un rapport d’information – et non d’évaluation de la loi – a été déposé le 16 septembre 2020 par la Commission des finances de l’Assemblée nationale et fait état des textes règlementaires publiés et des circulaires édictées afin d’assurer la mise en œuvre de la loi (rapport d’une cinquantaine de pages).
Les dispositions qui n’ont pas encore fait l’objet de textes d’application nécessaires pour leur mise en œuvre sont listées. Ainsi, il est précisé que les articles 14 et 15 de la loi, relatifs à la procédure d’autorisation d’accès aux données de connexion par les administrations fiscales et douanières, n’ont pas encore pu être mis en œuvre et ne seront probablement jamais appliqués tels quels. Ils devraient faire l’objet de modifications dans le cadre du PLF 2021 – l’exercice de ce droit de communication serait désormais placé sous l’autorisation d’un contrôleur des demandes de données de connexion.
Le document ne dresse pas un bilan des effets de la loi – qui serait « prématuré » aux yeux des rapporteurs (pour un 1er bilan de la loi relative à la lutte contre la fraude dressé 1 an après son adoption). Il est toutefois accompagné de quelques chiffres, i.e. statistiques relatives aux condamnations pour fraude fiscale, à l’action pénale, à l’activité des officiers fiscaux judiciaires. Il détaille également les 1res conséquences de la mise en œuvre de 2 des mesures phares de la loi relative à la lutte contre la fraude : la création du Service d’Enquêtes Judiciaires des Finances (SEJF) et la suppression du « verrou de Bercy ».
Le SEJF, inauguré le 3 juillet 2019, est composé de 266 enquêteurs habilités (25 officiers fiscaux judiciaires ou « OFJ » et 241 officiers de douane judiciaires ou « ODJ »), spécialisés dans la recherche et la constatation du délit de fraude fiscale « complexe » (fraude réalisée via les paradis fiscaux, fraude recourant au faux ou à la falsification, fraude utilisant des domiciliations fiscales fictives ou artificielles). Bien que totalement opérationnel à ce jour, le service n’a enregistré aucun résultat financier significatif sur ses 4 dossiers clos. Selon le rapport, ces résultats s’expliqueraient par la complexité des dossiers à forts enjeux traités et la naissance relativement nouvelle de cette police fiscale. Les rapporteurs considèrent néanmoins qu’une réflexion doit être engagée sur l’élargissement du champ de compétence des OFJ afin de favoriser le désengorgement des parquets. Au 31 août 2020, 47 dossiers étaient en cours d’examen par des OFJ.
La suppression du « verrou de Bercy » (validé par le Conseil constitutionnel le 27 septembre 2019 dans une décision 2019-804 QPC) a conduit à la dénonciation obligatoire au parquet de 965 dossiers en 2019. L’Administration a par ailleurs déposé 41 plaintes pour présomption caractérisée de fraude fiscale. Au total, 1.826 dossiers ont été transmis à l’autorité judiciaire (soit, en pratique, une multiplication par 2 entre 2019 et 2018). Selon les rédacteurs du rapport d’information, cette réforme aurait modifié le rapport de force dans les discussions entre les vérificateurs et les grandes entreprises contrôlées et favorisé le règlement des dossiers dans un souci de mise en conformité visant à éviter la réitération de l’application des pénalités pour manquement délibéré (qui aboutiraient à la transmission automatique au parquet du dossier).
Cette nouvelle mesure aurait incité l’administration fiscale et les procureurs à plus de dialogue. Un équilibre doit encore être trouvé pour que ces échanges soient pertinents – possible revue du format et du contenu des notes accompagnant les transmissions notamment.
Les éléments suivants peuvent également être relevés :
- La pérennisation du système d’indemnisation des « aviseurs » : ce système a permis la mise en recouvrement de plus de 90 m€ de droits et pénalités, grâce à des informations délivrées par 4 « aviseurs » depuis son entrée en vigueur en 2017. Actuellement une soixantaine de demandes font l’objet d’enquêtes afin de confirmer/d’infirmer les éléments transmis
- Les obligations déclaratives des plateformes d’économie collaborative ont été aménagées en 2018 par la « loi fraude ». La transmission d’informations par les plateformes à la DGFiP a été réalisée pour la 1re fois en 2020, sur les revenus perçus en 2019 (déclarations effectuées par 120 plateformes concernant 0,4 million de professionnels et autres personnes morales et 1,2 million de particuliers)
- Le dispositif prévoyant l’automaticité de la peine complémentaire d’affichage et de diffusion de la décision de condamnation pour fraude fiscale des personnes physiques ou des personnes morales est entré en vigueur le 25 octobre 2018. En 2018, seules 6 % des condamnations prononcées ont été assorties d’une peine complémentaire de publication. Il faudra attendre des chiffres plus récents afin de mesurer l’impact réel de la mesure en raison de sa date d’entrée en vigueur.