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RSE et ESG pour le secteur associatif

Cet article a été publié sur la Revue Associations de Deloitte n°104 – janvier 2024 et est reproduit sur ce blog avec l’accord de l’éditeur.

La protection de l’environnement, le respect des droits sociaux et des droits fondamentaux et la lutte contre la corruption s’invitent dans les associations grâce à la responsabilité sociale des entreprises.

Le développement de la RSE – responsabilité sociale des entreprises – sur ses trois dimensions E, S et G – Environnement, Social-Sociétal et Gouvernance – s’accompagne d’un élargissement de son périmètre d’application, notamment vers le secteur non lucratif, plus ou moins directement concerné.

La RSE, concept non juridique initialement, fait l’objet de manière croissante de règles de droit (lois et règlements) constitutives d’obligations pesant sur tout opérateur économique. Ces règles poursuivent des objectifs :

Si les objectifs de la RSE, c’est-à-dire la concrétisation d’un modèle dit « des parties prenantes » (stakeholder model) pour le fonctionnement des organisations, se traduisent, juridiquement, par l’adoption d’instruments classiques (lois et actes règlementaires comme des décrets et arrêtés, directives et règlements de l’Union européenne), c’est également au travers du développement de la soft law (ou droit informel), c’est-à-dire de recommandations et de lignes directrices non contraignantes, et de la mise en avant de meilleures pratiques (best practices) comme le sont, par exemple, les codes de gouvernement des entreprises, ou bien à un niveau plus global, les recommandations émises par des organisations internationales, publiques ou le lobbying (dans l’acception positive de ce terme) privé.

E comme Environnement

Les associations et autres organismes non lucratifs ne sont généralement pas les plus exposés aux textes législatifs et règlementaires portant sur la protection de l’environnement, la réduction de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre (GES), etc. Pour autant, ils entrent dans le champ d’application de certains textes importants. Il en est ainsi, notamment, de la loi Elan (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 et, pour l’application de son article 175, du décret dit « tertiaire » (Dispositif Éco Énergie Tertiaire), ainsi que de la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) n° 2020-105 du 10 février 2020.

Le droit immobilier

Le droit immobilier intègre de plus en plus de préoccupations environnementales. Plusieurs règlementations ont ainsi été mises en place ces dernières années pour rendre l’immobilier plus responsable en termes d’impact écologique.

Parmi elles, certaines touchent directement le propriétaire et/ou l’occupant d’immeuble de bureaux qui se voient imposer un nombre croissant d’obligations et, notamment :

La loi AGEC, contre le gaspillage et pour une économie circulaire

Cette loi contient des dispositions sur cinq axes principaux : sortir du plastique jetable, améliorer l’information du consommateur, lutter contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire, agir contre l’obsolescence programmée et mieux produire. Elle présente une particularité pour le secteur associatif : il est, en effet, concerné par certaines dispositions de cette loi (obligations, interdictions…), au même titre que des entreprises ou d’autres acteurs, mais il en est également un des « bénéficiaires » puisque cette loi vise à promouvoir des activités notamment de tri sélectif, de recyclage ou de réutilisation actuellement souvent portées par des acteurs associatifs de l’économie sociale et solidaire. Certaines associations ont, en outre, pour objet certains axes de la loi AGEC (information et défense des droits des consommateurs, lutte contre l’obsolescence programmée, mieux produire…).

S Comme Social et Sociétal

Respect des droits fondamentaux

Les droits humains fondamentaux constituent peut-être, dans le champ de l’ESG, les textes les plus anciens qui ont largement précédé notre RSE actuelle. Prenons pour exemples quelques textes emblématiques. Il en est ainsi au plan international de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Déclaration des droits de l’enfant, adoptées par l’assemblée générale des Nations Unies, respectivement en 1948 et en 1959.

C’est aussi le cas de la liberté syndicale et du droit de grève dans de nombreux pays, par exemple, en France, avec la loi Waldeck-Rousseau de 1884. Ces textes ont été complétés et déclinés avec, plus récemment, des textes ciblés notamment sur l’inclusion, la non-discrimination, la diversité ou la parité.

Le respect des droits fondamentaux s’impose à toute personne, individu ou personne morale, de droit privé ou public, à but lucratif ou non. Les textes sont toutefois souvent formulés de manière très générale de sorte qu’ils imposent un comportement (ne pas porter atteinte à un droit fondamental), et non des obligations précises. Il existe toutefois, et de manière croissante, des textes précis qui visent à la protection de ces droits fondamentaux. Ainsi en est-il de la protection des données personnelles. Les obligations résultant du RGPD (Règlement général sur la protection des données) s’appliquent dès lors que l’on collecte et traite des données, indépendamment de la forme sociale de l’entité concernée, et sans tenir compte de son caractère lucratif ou non. Ainsi en est-il également des obligations de non-discrimination, notamment en matière de droit du travail (embauche).

Le champ sociétal

La protection des consommateurs, ainsi que celle des usagers pour des activités sanitaires ou médico-sociales, souvent gérées par des organismes sans but lucratif, font, depuis de nombreuses années, l’objet de textes législatifs et règlementaires dans les Codes de la consommation, de la santé, de l’action sociale et des familles et de dispositifs variés (institutions publiques de contrôle, acteurs privés de représentation, dispositifs d’agréments d’activités, de produits et services, systèmes de notation, capacité d’ester en justice, outils d’information participant à cette protection…).

G comme Gouvernance

Ce champ recouvre à la fois :

– des textes de droit positif visant, par exemple, la lutte anti-corruption ou la transparence de la vie publique en matière de représentants d’intérêts ;

– le droit informel touchant les pratiques en matière de gouvernance des entreprises par la mise en oeuvre de dispositifs de code d’éthique, de composition des organes de gouvernance, de parité et de diversité, de présence de personnalités qualifiées, de cartographie des risques…

La lutte contre la corruption

Les dispositifs de lutte contre la corruption, issus en droit interne de la loi Sapin 2 (loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016), trouvent à s’appliquer de manière variable aux opérateurs à but non lucratif.

L’AFA (Agence Française Anti-corruption) oeuvre pour prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme en vérifiant les mesures et dispositifs adoptés par des entités de droit privé à but lucratif (sociétés commerciales), l’administration publique et les collectivités territoriales ainsi que les associations et fondations reconnues d’utilité publique.

Cela entraîne l’obligation de mise en oeuvre de diverses mesures de prévention et de cartographie des risques de corruption. En revanche, les associations et fondations autres que celles reconnues d’utilité publique ne sont pas visées par les obligations de la loi Sapin 2. Elles n’entrent pas non plus dans les prescriptions de son article 17 (obligations de cartographie et de mise en place de mesures).

L’AFA considère toutefois que les associations et les fondations « exerçant une activité économique » sont concernées dès lors qu’elles dépassent les seuils légaux de soumission au dispositif anti-corruption (500 salariés, 100 M€ de chiffre d’affaires). Autre point de vigilance : lorsqu’une collectivité locale procède à une délégation de service public au profit d’une association, il convient de distinguer le fait de confier la gestion d’un service public industriel ou commercial (qui relève alors de la loi Sapin 2) des activités non marchandes (domaine usuel du secteur associatif) qui sont de nature sociale, socio-culturelle ou culturelle. Cela étant, l’application de la loi Sapin 2 sera généralement écartée car la notion de délégation suppose de confier la gestion intégrale à une entité qui est alors rémunérée substantiellement par les résultats de l’exploitation. Or, le plus souvent, une association, même recevant la gestion d’une activité marchande, n’a pas cette gestion intégrale, mais participe à l’exécution d’une mission de service public et son financement dépend largement de concours publics et subventions.

La représentation d’intérêts

La notion de « représentants d’intérêts », terminologie française du lobbying (lequel regroupe, à la fois, des activités de plaidoyer en défense de droits fondamentaux et des activités d’influence visant à défendre les intérêts « particuliers » notamment d’entreprises), peut trouver à s’appliquer aux associations et fondations, même si la loi exclut expressément certaines associations (article 18-2, c, d et e de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique). Les associations et fondations entrant dans le champ d’application de ce texte doivent transmettre diverses informations à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP).

… et A comme Associations !

Les associations et autres organismes non lucratifs entrent dans le champ de nombreux textes législatifs et règlementaires ayant trait à la RSE sur certaines dimensions de l’ESG. Par exemple, les associations sont tenues par des textes fondamentaux en matière sociale et sociétale, par des textes concernant l’environnement (décret tertiaire, Loi AGEC…), par des textes touchant à la gouvernance (Loi Pacte et ses dispositions anti-corruption), par des dispositions non contraignantes de type recommandations et bonnes pratiques en matière de gouvernance.

Pour autant certaines obligations, qui aujourd’hui contraignent les entreprises, ne visent pas nécessairement le secteur non lucratif : par exemple, la Directive européenne en matière d’obligations de reporting CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) ne vise pas les associations, fondations et autres personnes morales non lucratives. À ce jour, nous ne disposons pas de visibilité sur la portée de la transposition en droit national de cette directive : visera-t-elle ces organismes ? Quand la directive sera-t-elle étendue à ces organismes ? Pour autant, indépendamment de toute obligation explicite résultant des textes, d’aucuns pourraient s’étonner qu’un organisme non lucratif, ayant un objet d’intérêt général, s’exonère d’obligations qui, par nature, sont également d’intérêt général. Ainsi, les grands acteurs de ce secteur n’ont d’autre choix que de s’intéresser de près à ces questions quand bien même ils ne seraient pas toujours visés par ces textes.

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