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REP formé contre un rescrit : conditions de recevabilité de la demande

La CAA de Versailles rappelle que le contribuable qui entend contester une décision de rescrit dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir doit être en mesure d’apporter la preuve, de manière étayée, des effets notables négatifs autres que fiscaux susceptibles de découler de la décision contestée.

Rappel

Par principe, les rescrits fiscaux ne peuvent pas être contestés dans le cadre d’un recours en excès de pouvoir (REP), compte-tenu de la possibilité d’un recours de plein contentieux devant le juge de l’impôt.

Cependant, en 2016, le Conseil d’État a introduit une exception à ce principe dans l’hypothèse où l’application de cette prise de position entraînerait pour le contribuable des effets notables négatifs, autres que fiscaux.

Il a précisé qu’il en irait notamment ainsi lorsque le fait de se conformer à la prise de position de l’Administration aurait pour effet, en pratique, de faire peser sur le contribuable de lourdes sujétions, de le pénaliser significativement sur le plan économique ou encore de le faire renoncer à un projet important ou de l’amener à en modifier substantiellement les termes.

En revanche, il a expressément conditionné cette faculté à la demande préalable par le contribuable d’un 2e examen par l’Administration sur le fondement de l’article L. 80 CB du LPF, indiquant que « la décision par laquelle l’administration fiscale prend position à l’issue de ce second examen se substitue à sa prise de position initiale » et que « seule cette seconde prise de position peut être déférée au juge de l’excès de pouvoir » (CE, 2 décembre 2016, n°387613, Ministre c/ Société Export Press ; pour une illustration toute récente, CAA Nancy, 17 octobre 2024, n°23NC03772).

L’histoire

Une société a pour activité la réalisation d’un village résidentiel pour les personnes âgées, comprenant une cinquantaine de maisons proposées chacune à la vente.

Dans ce cadre, chaque investisseur propriétaire conclut au profit de l’occupant, une personne physique, un contrat de location de logement meublé à usage de résidence principale, pour une durée d’un an, renouvelable tacitement.

Par un courrier daté de décembre 2019, la société a demandé à l’administration fiscale, par le biais d’une demande de rescrit, si les investisseurs, propriétaires d’un bien au sein de la résidence, pourraient bénéficier, lors de la cession de leur bien, du régime des PV immobilières privées (en application du régime applicable aux loueurs en meublé non professionnels).

En mars 2020, l’Administration a répondu par la négative. Insatisfaite de cette réponse, la société a sollicité un 2e examen dans le cadre des dispositions de l’article L. 80 CB du LPF.

Conformément à la délibération du collège territorial de 2e examen, l’Administration a confirmé sa position initiale. La société a alors introduit un REP contre cette décision.

La décision de la CAA de Versailles

Dans un premier temps, la Cour rappelle les conditions de recevabilité d’un REP formé contre une décision de rescrit – et notamment la nécessité, pour le contribuable, d’apporter la preuve que le fait de se conformer à cette prise de position entraînerait pour lui des effets notables négatifs autres que fiscaux.

Au cas d’espèce, elle considère que la société requérante n’apportait pas une telle preuve.

Celle-ci arguait que le fait de se conformer à la prise de position de l’Administration entraînerait un risque de mise en jeu de sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de ses investisseurs (les propriétaires ayant acquis des biens au sein de la résidence), un risque réputationnel pour sa société mère (qui poursuit d’autres projets similaires), et aurait donné lieu à un ralentissement de la commercialisation des lots.

La Cour relève cependant que la société requérante :

Aussi, elle ne pouvait pas être regardée comme ayant subi ou devant subir des effets notables négatifs autres que fiscaux si elle venait à se conformer à la prise de position litigieuse. La Cour en conclut à l’irrecevabilité de son recours.

Cette décision est en ligne avec la jurisprudence du Conseil d’État, et confirme l’exigence du juge de l’impôt en matière de preuve de l’existence d’avantages notables autres que fiscaux (pour une illustration récente, CE, 29 novembre 2024, n°497850).

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