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Aides d’État et affaire du « goodwill espagnol » : Suite et fin ?

La CJUE confirme la validité du régime fiscal d’amortissement du goodwill dans sa version applicable à compter de 2012 [par l’annulation de la décision de la Commission européenne du 15 octobre 2014, qui avait déclaré illicite le régime fiscal d’amortissement du goodwill dans cette mouture, au motif que celle-ci viole les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime].

En 2002, l’Espagne a introduit un régime permettant la déduction de la base imposable à l’IS, sous forme d’amortissement, de la survaleur résultant d’une prise de participations d’au moins 5 % par une entreprise résidente, dans une société étrangère, sous réserve que la détention de cette participation reste ininterrompue pendant au moins un an (régime dit de l’amortissement du « goodwill espagnol »).

Par des décisions du 28 octobre 2009 (relative aux prises de participation dans des sociétés établies au sein de l’UE) et du 12 janvier 2011 (relative aux prises de participation dans des sociétés établies hors de l’UE), la Commission européenne a déclaré que ce régime était constitutif d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107 du TFUE et a imposé à l’Espagne de récupérer auprès des entreprises concernées les aides ainsi accordées (Décisions 2011/5/CE de la Commission, du 28 octobre 2009, C-45/07 et 2011/282/UE de la Commission, du 12 janvier 2011, C-45/07).

Dans le cadre de ces 2 décisions, la Commission a toutefois admis que le régime litigieux pourrait continuer à s’appliquer dans des cas limitativement prévus, tels que des prises de participations opérées/irrévocablement engagées avant la publication au JOUE de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen par la Commission (i.e. 21 décembre 2007) ou des prises de participations majoritaires dans des entreprises étrangères établies dans des pays tiers dans lesquels des obstacles juridiques précis ont été identifiés.

Ces 2 décisions furent le début d’un long contentieux devant les juridictions européennes, qui a pris fin en octobre 2021, avec 6 arrêts de la CJUE confirmant l’analyse de la Commission en jugeant que la mesure litigieuse constituait bel et bien une aide d’État incompatible avec le marché intérieur (CJUE, 6 octobre 2021, C-50/19 P, C-51/19 P, C-52/19 P, C-53/19 P, C-54/19 P, C-55/19 P).

Parallèlement, tirant les conséquences des 2 décisions de la Commission, l’Espagne a adopté, en 2012, une nouvelle interprétation administrative de son régime de déduction des prises de participations dans des sociétés étrangères.

En 2014, la Commission a estimé, à l’issue d’un examen, que la nouvelle interprétation administrative, dans la mesure où elle étendait le régime litigieux à « la survaleur financière résultant de la prise de participations indirectes » dans des entreprises étrangères par l’intermédiaire d’une prise de participations dans une holding, constituait également une aide d’État incompatible avec les règles de l’UE en matière d’aides d’Etat (IP/14/1159 du 15 octobre 2014).

Saisi de plusieurs recours en annulation introduits par l’Espagne et par des entreprises espagnoles, le Tribunal de l’UE a annulé cette décision de la Commission européenne en septembre 2023 (27 septembre 2023, notamment affaires T-12/15, T-158/15 et T-258/15).

Il a relevé, à cette occasion, que la décision de la Commission de 2014 ordonnant la récupération de l’intégralité des aides octroyées en application du régime litigieux équivalait à un retrait des décisions initiales de la Commission de 2009 et 2011 dans la mesure où ces dernières couvraient déjà les prises de participations tant directes qu’indirectes.

Il a ainsi jugé que la Commission ne pouvait pas retirer ses décisions initiales, sans violer les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime (i.e. par ces deux décisions, la Commission a fourni aux bénéficiaires des aides des assurances précises inconditionnelles et concordantes de nature à faire naître une attente légitime de leur part), dès lors que celles-ci ont conféré :

La Commission européenne a attaqué ces décisions devant la CJUE.

La CJUE vient de rejeter ces pourvois. 

Elle juge qu’il ressortait explicitement des décisions initiales de la Commission que les exceptions aux obligations de cessation et de récupération concernaient les prises de participations aussi bien directes qu’indirectes. Ces 2 types de participations sont donc protégés par la confiance légitime reconnue par la Commission européenne dans ses décisions initiales.

Elle ajoute que le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que la Commission qualifie les déductions fiscales de la survaleur financière résultant des prises de participations indirectes en tant que nouveau régime d’aides d’État mis en œuvre illégalement.   

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