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Comptes bancaires étrangers : Conditions de mise en œuvre de la procédure de demande de justifications de l’article L. 23 C du LPF (avant 2019)

La Cour de cassation rappelle que l’Administration ne pouvait pas, avant l’intervention de la loi de lutte contre la fraude du 23 octobre 2018, mettre en œuvre la procédure de demande de justifications prévue à l’article L. 23 C du LPF, ni, par voie de conséquence, la taxation d’office en matière de droits d’enregistrement, sans caractériser une « utilisation » du compte bancaire étranger.

Rappel

Les personnes physiques, les associations, les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de communiquer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes bancaires ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger (CGI, art. 1649 A, al. 2).

Le défaut de déclaration est notamment sanctionné par l’application d’une amende forfaitaire d’un montant de 1.500 € (pouvant être porté à 10.000 € lorsque le compte est situé dans un Etat n’ayant pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative permettant l’accès aux renseignements bancaires). Surtout, les sommes, titres ou valeurs transférés à l’étranger ou en provenance de l’étranger par l’intermédiaire d’un compte bancaire non déclaré, constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables.

En outre, l’Administration peut demander aux personnes physiques n’ayant pas satisfait – au moins une fois au titre des 10 années précédentes – à cette obligation déclarative, des informations ou justifications sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs placés sur les comptes dissimulés (LPF, art. L. 23 C).

A défaut de réponse dans un délai de 60 jours (90 jours en cas de réponse insatisfaisante), les avoirs figurant sur le compte étranger sont réputés constituer, sauf preuve contraire, un patrimoine acquis à titre gratuit soumis à l’imposition au taux de 60 % (LPF, art. L. 71, CGI, art. 755 et 777).

Précisons enfin que, dans sa version antérieure au 1er janvier 2019, l’obligation déclarative ne portait que sur les comptes « ouverts, utilisés ou clos à l’étranger » – de sorte que les comptes inactifs et simplement « détenus » n’étaient pas concernés.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la présente affaire.

L’histoire

L’Administration avait obtenu du procureur de la République des informations lui laissant supposer qu’un contribuable français était titulaire de 2 comptes bancaires ouverts dans un établissement bancaire suisse.

L’Administration a adressé à ce contribuable, en application des dispositions de l’article L. 23 C du LPF, une demande de justifications sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs figurant sur ces comptes – au titre des années 2005 et 2007.

Estimant que les informations fournies n’étaient pas satisfaisantes, elle a mis en œuvre la procédure de taxation d’office en matière de droits d’enregistrement, prévue à l’article 755 du CGI.

Le contribuable s’est opposé au redressement, estimant que les comptes bancaires litigieux n’avaient pas été utilisés au titre des années considérées.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation confirme, sans difficulté, que dès lors que l’Administration n’avait pas caractérisé une utilisation des comptes litigieux au cours des années considérées, il ne lui était pas permis d’adresser au contribuable une demande de justifications sur le fondement des dispositions de l’article L. 23 C du LPF, ni, par voie de conséquence, de le taxer d’office.

Rappelons que la Cour de cassation a déjà jugé, par le passé, que ne constituent pas des opérations caractérisant une utilisation d’un compte à l’étranger, d’une part, les opérations de crédit qui se bornent à inscrire sur un compte les intérêts produits par les sommes déjà déposées au titre des années précédentes et, d’autre part, les opérations de débit correspondant au paiement des frais de gestion pour la tenue des comptes (Cass.com., 14 avril 2021, n°19-23.230, analyse partagée par le juge administratif, CE, 4 mars 2019, n°410492).

L’intérêt de cette décision est surtout contentieux dans la mesure où la loi relative à la lutte contre la fraude a étendu, depuis le 1er janvier 2019, l’obligation de déclaration des comptes à l’étranger aux comptes « détenus » pour y inclure également les comptes inactifs (loi n°2018-898 du 23 octobre 2018, art. 7).

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