La révolution numérique connait une sensible accélération depuis déjà plusieurs années. Ce phénomène se caractérise par la mise en place de nouvelles technologies à l’instar des NFT (Non Fungible Token).
Un NFT, ou jeton non fongible, se définit comme un jeton cryptoactif disposé sur une blockchain. Il représente quelque chose d’unique, non interchangeable et non remplaçable. Cet aspect est symbolisé par un code d’identification unique, propre à chaque NFT. Cela le différencie d’un bien fongible, qui peut être remplacé par n’importe quelle autre chose du même genre ou de même nature.
Les NFT attirent notamment les entreprises qui souhaitent mettre en place un type de jeton non fongible qui permettra au détenteur d’accéder à leur application, tout en lui octroyant des avantages sur d’autres produits de la marque ou des accès à des contenus exclusifs.
L’objectif de cet article est de faire le point sur les règles fiscales qui entourent la cession de ces jetons non fongibles par leur propriétaire.
Une absence de règle fiscale claire
Le Code Général des Impôts (CGI) n’énonce aucune norme définissant le régime fiscal des NFTs ce qui créé une insécurité juridique tant pour les contribuables détenteurs de NFT que pour les émetteurs.
La Loi Pacte du 22 mai 2019 a introduit dans le Code Monétaire et financier la notion d’actif numérique et définit les catégories corollaires de monnaie virtuelle et de jeton numérique auxquelles la loi fiscale se réfère en matière d’imposition des plus-values de cessions à titre onéreux des particuliers aux articles 150 VH bis et 92, 2, 1 bis du CGI respectivement introduits par la loi de finances pour 2019 et la loi de finances pour 2022.
La question de la classification du NFT en tant qu’actif numérique
En cas de réponse positive, le régime applicable serait celui prévu par le CGI aux plus-values de cessions à titre onéreux d’actifs numériques réalisées par les particuliers.
L’inclusion des NFTs dans la catégorie des actifs numériques aurait pour conséquence d’assujettir les plus-values de cessions à titre onéreux réalisées par les particuliers dans un régime fiscal à double niveau.
Le premier niveau réside dans l’article 150 VH bis du CGI qui définit les modalités d’imposition des plus-values réalisées à titre occasionnel par les particuliers dans la gestion de leur patrimoine privé et les soumet au taux proportionnel de 12,8 %, ou, sur option, au barème progressif selon l’article 200 C mod du CGI qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023.
Le second niveau tend à appréhender l’activité spéculative des particuliers par la création d’un statut spécifique de quasi-professionnel du trading d’actifs numériques et dont les gains forment des BNC par détermination de la loi (article 92,2,1° bis du CGI).
Une inadaptation au régime fiscal des actifs numériques
Ces deux régimes, conçus pour des biens numériques fongibles, sont inadaptés aux spécificités des gains issus de la cession à titre onéreux de NFTs qui sont, par leur nature, non-fongibles. Cette inadaptation du régime fiscal des actifs numériques aux plus-values de cessions à titre onéreux de NFTs réalisées par les particuliers non-professionnels pose plusieurs difficultés.
A ce jour, l’imposition de la plus-value générée par la cession à titre onéreux de NFTs doit avoir lieu au moment de la sortie en économie réelle que ce soit par conversion de l’actif numérique reçu en échange en monnaie ayant cours légal ou d’un actif non numérique en contrepartie.
Ainsi la vente d’un actif numérique en contrepartie d’un autre cryptoactif n’est pas au nombre des faits générateurs de l’imposition de la plus-value occasionnelle. Dans la mesure où les plus-values occasionnelles sur les cessions de NFTs ne sont, si elles restent dans l’univers crypto, jamais fiscalisées.
Par ailleurs, l’inadaptation réside également dans ses règles d’assiette. En effet, l’assiette a été raisonnée en considération de biens fongibles alors que les NFTs sont des biens non-fongibles d’où l’application délicate de ce régime aux NFTs.
Une autre difficulté réside dans la globalisation du portefeuille d’actifs numériques du foyer fiscal.
Comment le responsable d’un foyer fiscal pourra-t-il recenser les transactions effectuées par son enfant afin de déterminer la plus-value nette globale du foyer fiscal et, ainsi, s’acquitter de ses obligations déclaratives auprès des autorités fiscales françaises ?
Le maintien de l’obligation d’information pesant sur les plateformes en ligne d’intermédiaire électronique devrait faciliter l’exécution de ses obligations par le contribuable.
Le législateur a prévu un certain nombre de dispositions spécifiques qui entreront en vigueur le 1er janvier 2023 :
- La plateforme devra informer le contribuable, à l’occasion de chaque transaction, de ses obligations fiscales mais également transmettre annuellement, par voie électronique, un document récapitulatif mentionnant notamment le nombre et le montant brut des transactions (article 242 bis mod et 1649 ter A et s) sous peines d’amendes codifiés à l’article 1736 III et XI, mod du CGI.
- Les opérations d’échanges de bien seront soustraites (article 1649 ter A, I et 1649 ter C nouveau)
- L’abaissement des seuils de dispense de 30 à 20 opérations de vente de biens pour un montant total de 2000 € (article 1649 ter C, II, 4° nouveau)
Cette dernière disposition laisse subsister une discordance avec le plafond d’exonération du contribuable de 305 € valant pour l’ensemble des plus-values de cessions d’actifs numériques imposables du foyer (article 150 VH bis, II B).
Le NFT et son sous-jacent : une règle fiscale en mutation
Un autre réflexe serait d’assimiler le NFT à son sous-jacent, qu’il soit une œuvre d’art, de l’immobilier dans le metaverse, de l’immobilier réel tokénisé, des parts ou actions de sociétés, un nom de domaine dans le Web3, etc.
En effet, le NFT est un certificat numérique qui permet d’authentifier son contenu, soit le bien sous-jacent.
En matière d’œuvre d’art par exemple, la législation a permis d’acheter une œuvre incorporelle lors d’une vente aux enchères, ouvrant ainsi l’acquisition de NFTs d’œuvres numérisées (loi du 28 février 2022). Ainsi, en cas de cession de ces œuvres numérisés la question de la fiscalisation émerge.
Si le jeton numérique en lui-même n’est pas considéré juridiquement comme une œuvre d’art, l’objet de la cession reste bien son contenu. Dès lors, le jeton peut-il être assimilé à son actif sous-jacent ou doit-il être dissocié par la création d’un régime ad hoc ?
Un amendement avait été déposé lors de l’avant-projet de loi budgétaire de 2022 afin d’imaginer ce que serait la définition légale des NFTs et, à finalement exclure ces derniers du régime général des plus-values de cessions d’actifs numériques en créant un régime ad hoc aux jetons non-fongibles, mais plus proche de celle de leur actif sous-jacent (œuvre d’art, carte à collectionner, musique, etc.)
Un nouvel amendement a été déposé le 4 octobre 2022 dans le cadre du projet de loi de finance 2023.
Cet amendement suggère d’appliquer le régime fiscal des actifs numériques du 150 VH bis du CGI lorsque le sous-jacent du jeton non-fongible est un bien numérique par opposition avec un bien physique ou un bien faisant l’objet d’une définition plus spécifique tel qu’un instrument financier.
Le dispositif prévoit en parallèle d’appliquer le régime fiscal du sous-jacent représenté par le jeton non fongible lorsque celui-ci est un bien physique (ex : une œuvre d’art).
A ce jour cet amendement a été retiré mais démontre une volonté d’adaptation du régime actuel ainsi qu’une avancée sur la distinction entre le jeton non fongible et son sous-jacent.
Nous ne sommes donc bien au début d’une nouvelle ère fiscale que nous suivrons dont nous vous partagerons les différentes évolutions.