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Échanges de titres avec soulte et mécanismes de différé d’imposition

Une récente décision de la CAA de Bordeaux et plusieurs avis du CADF rendus au cours de l’automne dernier apportent des précisions sur ce sujet.

On sait que les dispositifs de sursis d’imposition et de report d’imposition applicable en cas d’apport à une société contrôlée permettent la rémunération de l’opération pour partie par une soulte, sous réserve que celle-ci n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus. Dans ce cas, la plus-value est placée en sursis ou en report, à l’exception, depuis le 1er janvier 2017, de la fraction correspondant au montant de la soulte reçue (CGI, art. 150-0 B et art. 150-0 B ter).

Une récente décision de la CAA de Bordeaux, et plusieurs avis du CADF, apportent des précisions sur ce point, s’agissant respectivement des mécanismes de sursis d’imposition et de report d’imposition en cas d’apport à une société contrôlée.

Sursis d’imposition en cas d’apport à une société non contrôlée (CGI, art. 150 0 B)

L’article 150-0 B du CGI prévoit, on le rappelle, un mécanisme de sursis d’imposition applicable de plein droit aux plus-values et aux moins-values résultant de certaines opérations d’échange, réalisées depuis le 1er janvier 2000, portant sur des valeurs mobilières ou des droits sociaux à l’occasion d’opérations d’offre publique, de fusion, de scission, d’absorption d’un FCP par une SICAV, d’apport de titres à une société soumise à l’IS non contrôlée par l’apporteur, d’opérations de conversion, de division ou de regroupement.

Toutefois, la soulte reçue par le contribuable ne doit pas excéder 10 % de la valeur nominale des titres.

La CAA de Bordeaux vient de juger que l’opération d’échange à l’occasion de laquelle le contribuable a reçu des obligations convertibles en actions pour un montant excédant 10 % de la valeur nominale des actions reçues par ailleurs est éligible au sursis d’imposition dès lors que les obligations convertibles en actions ne peuvent pas être regardées comme une soulte. La Cour justifie sa position en se fondant sur la lettre même des dispositions de l’article 150-0 B, lesquelles « ne font aucune distinction au sein des titres qu’elles visent entre les actions et les obligations convertibles en actions ». Elle relève, par ailleurs, que l’opération d’apport n’a dégagé aucune liquidité, les obligations ayant été converties postérieurement.

Cette solution nous semble transposable dans le cadre du régime de report d’imposition en cas d’apport à une société contrôlée (CGI, art 150-0 B ter).

Report d’imposition en cas d’apport à une société contrôlée (CGI, art. 150 0 B ter)

A l’instar du sursis d’imposition de l’article 150-0 B du CGI, le dispositif de report d’imposition en cas d’apport à une société contrôlée prévu par l’article 150-0 B ter du même code est subordonné à la condition que la soulte éventuellement reçue par l’apporteur n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus en échange.

Dans ses commentaires au BOFiP afférents au régime antérieur au 1er janvier 2017 (mais maintenus inchangés à ce jour), l’Administration indiquait qu’elle se réservait, dans le cadre de la procédure de l’abus de droit fiscal, le droit d’imposer la soulte reçue, s’il s’avérait que cette opération ne présentait pas d’intérêt économique pour la société bénéficiaire de l’apport, et était uniquement motivée par la volonté de l’apporteur d’appréhender une somme d’argent en franchise immédiate d’impôt et d’échapper notamment à l’imposition de distributions du fait de ce désinvestissement (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60, n° 170).

Cette position avait été déclinée sous la forme d’une fiche, figurant sur la « carte des pratiques et montages abusifs », l’Administration y qualifiant de « procédé de fraude » le fait, pour un contribuable, de réaliser un apport avec soulte à une société soumise à l’IS, lorsque la soulte – même inférieure à 10 % – faisait ensuite l’objet d’une inscription au crédit du compte courant de l’apporteur et que les dividendes perçus par la société bénéficiaire de l’apport permettaient de rembourser le montant de la soulte dû à l’apporteur.

Les commentaires administratifs, comme la fiche figurant sur la carte des radars fiscaux, ont vainement été attaqués dans le cadre d’un REP, rejeté par le Conseil d’État, lequel avait, à cette occasion, validé la faculté pour l’Administration de recourir à la procédure de l’abus de droit dans le cadre d’un échange de titres avec soulte, même inférieure à 10 % de la valeur nominale des titres reçus (CE, 12 juillet 2017, n° 401997).

Puis, le Comité de l’abus de droit avait appuyé un redressement opéré en ce sens par l’Administration, dans une affaire, où, à l’issue de l’opération d’apport, rémunérée par la création de parts de la société bénéficiaire des apports et par une soulte, d’un montant tout juste inférieur à 10 % de la valeur nominale des titres ainsi reçus en échange, la soulte avait été inscrite au compte-courant d’associé ouvert au nom de l’apporteur dans la société bénéficiaire des apports. Très peu de temps après, la société dont les titres avaient été apportés avait procédé à une importante distribution de dividendes, et la soulte inscrite au compte-courant d’associé avait été remboursée à l’apporteur et placée, pour une part importante, sur un contrat de capitalisation (CADF, séance du 1er février 2018, n° 2017-34).

Le Comité de l’abus de droit a ensuite durci un peu plus sa position, en retenant la qualification d’abus de droit, alors même qu’aucun remboursement de la soulte n’était, en réalité, intervenu. Dans la première affaire (séance du 14 février 2019, n° 2018-29), la soulte avait simplement été inscrite au compte courant d’associé de l’apporteur dans la société bénéficiaire de l’apport sans qu’aucun prélèvement ne soit opéré ; dans la seconde (séance du 14 février 2019, n° 2018 39), la soulte avait été portée au crédit d’un compte courant d’associé au nom de l’apporteur dans la société bénéficiaire, sous la dénomination « compte courant bloqué ».

Dans une nouvelle série d’avis, le Comité de l’abus de droit persiste, signe et confirme l’application de l’abus de droit en pareille hypothèse, qu’il y ait ou non remboursement de la soulte (dans certaines des affaires examinées, la soulte avait simplement été inscrite au crédit du compte courant d’associé de l’apporteur, dans d’autres, des prélèvements avaient été effectués après inscription au compte courant).

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