La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 20 décembre 2023 (n°22-17.612), vient rappeler les conditions dans lesquelles les loueurs en meublé professionnel peuvent être exonérés d’IFI.
Rappel sur la qualification de loueurs en meublé
Les logements meublés sont régis par les dispositions des article 25-4 et suivants de la loi du 6 juillet 1989 ainsi que par le décret n°2015-981 du 31 juillet 2015 qui fixe les éléments devant impérativement figurer dans le logement mis en location.
En effet, le logement meublé est un « logement décent équipé d’un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante. La liste des éléments que doit comporter ce mobilier est fixée par décret ».
Les enjeux sont importants car en cas de non-respect des éléments devant fournir un logement loué meublé, la location serait requalifiée en location « nue » impliquant un régime fiscal beaucoup moins favorable pour le bailleur.
Loueur en meublé professionnel : une qualification qui diffère selon l’impôt
Sur le plan fiscal, la loi distingue deux grandes catégories de loueurs en meublé : les loueurs dits « non professionnels » (LMNP) et les loueurs dits « professionnels » (LMP). Une sous-catégorie, non détaillée ici, différencie également les loueurs en meublé classiques (longue durée) et les loueurs en meublé « saisonniers ». Néanmoins, cette différence est sans conséquence au sens de l’IFI.
Pour les besoins de l’IFI, et depuis la suppression de la condition relative à l’inscription au RCS en février 2018 (Décision n°2017-689, QPC du 8 février 2018), les conditions pour qualifier de loueurs professionnels, lesquelles s’apprécient au niveau du foyer fiscal, sont au nombre de deux : des recettes annuelles tirées de l’activité de location meublée supérieures à 23 000 euros et une prépondérance des bénéfices tirés de l’activité de location meublée par rapport aux autres revenus imposables à l’impôt sur le revenu du foyer fiscal. Si le loueur ne remplit pas cumulativement ces deux conditions, il est considéré comme loueur en meublé non professionnel au sens de l’IFI.
En revanche, pour les besoins de l’impôt sur le revenu, le loueur doit également remplir ces deux conditions, à la nuance près que la prépondérance des revenus immobiliers s’apprécie en tenant compte des recettes tirées de la location meublée et non du bénéfice imposable comme c’est le cas pour l’IFI.
Il s’ensuit qu’un loueur peut être considéré comme loueur en meublé professionnel pour les besoins de l’impôt sur le revenu et ne pas l’être pour les besoins de l’IFI.
La qualification est importante car, si les conditions sont remplies, le loueur en meublé professionnel au sens de l’IFI peut bénéficier d’une exonération d’IFI sur les biens immobiliers mis en location meublée.
Appréciation de la prépondérance des revenus immobiliers
Dans cet arrêt, les contribuables soutenaient que la condition de prépondérance des revenus tirés de l’activité de location de meublés par rapport aux autres revenus du foyer fiscal, prévue à l’article 885 R du code général des impôts, devait s’apprécier au regard des recettes brutes tirées de l’activité de location meublée professionnelle, et non du bénéfice net dégagé par cette activité.
Contrairement à ce que soutenaient les contribuables, la Cour de cassation vient donc rappeler de façon très claire que pour « apprécier si la condition de prépondérance des revenus tirés de l’activité de location de meublés par rapport aux autres revenus pris en compte est remplie, il convient de retenir, non les recettes brutes tirées de l’activité de location meublée professionnelle, mais le bénéfice industriel et commercial net annuel dégagé par cette activité, afin de permettre la comparaison avec l’ensemble des revenus professionnels du foyer fiscal, y compris le bénéfice tiré de la location ».
Dans le cas d’espèce, l’activité de location meublée donnant lieu à une absence de revenu positif, voir même d’un déficit au titre d’une année, il a été jugé que l’activité de location meublée professionnelle n’a donné lieu à aucun revenu et ne pouvait donc qualifier d’activité de loueur en meublé professionnel au sens de l’IFI permettant une exonération.
Bien que la solution de cet arrêt ait été rendu sur le fondement de l’article 885 R du CGI, alors applicable en matière d’ISF, elle semble être transposable en matière d’IFI, cet article ayant été repris en substance au nouvel article 975 du CGI (applicable en matière d’IFI).
L’œil de l’expert : attention à l’effet d’aubaine de la qualification de loueur en meublé professionnel aux seules fins de l’IFI !
Outre l’exonération d’IFI dont peuvent bénéficier les contribuables à raison de leur qualité de loueurs en meublé professionnels, il ne faut pas laisser de côté les conséquences de cette qualification d’un point de vue « social », dans la mesure où la qualification fiscale diffère de la qualification sociale qui peut ne pas être neutre en termes de cotisations sociales.
Par ailleurs, il conviendra également de prêter attention aux investisseurs non-résidents fiscaux de France qui ne disposent pas, dans la plupart des cas, d’autres revenus imposables de source française que ceux tirés de leurs biens immobiliers détenus en France.