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Management Package : abus de droit pour interposition d’une holding familiale belge sans substance économique puis requalification des gains de cession d’actions en traitements et salaires

Dans ce nouveau volet de la série jurisprudentielle Wendel-Editis, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de confirmer que l’interposition d’une société belge dépourvue de substance économique était constitutive d’un abus de droit au sens de l’article L.64 du Livre des procédures fiscales et affine sa jurisprudence tendant à requalifier les gains de BSA ratchet en salaires lors d’une opération de Management Package.

Les faits de cet arrêt font sensiblement écho à ceux que nous avions eu à traiter dans le cadre du jugement rendu par le Tribunal administratif de Paris le 5 janvier 2022 (décision n° 2009524, Naour). Il est question d’un dirigeant de groupe qui, dans le cadre d’une opération de Management Package, a acquis des actions d’une ManCo, les a revendus à leur prix d’achat à une société de droit belge qu’il avait créée peu avant, avec son épouse et ses enfants. La holding belge a ensuite cédé ses titres lors de l’opération de rachat du groupe Editis. Le gain substantiel réalisé lors de la cession par la holding belge a bénéficié d’une exonération totale d’imposition par application de la loi belge.

Contrairement aux faits du jugement rendu le 5 janvier dernier, l’administration fiscale a fait application de la procédure d’abus de droit à l’encontre des époux au motif que la holding belge était dépourvue de substance économique. Dès lors, l’interposition de la holding belge a pu être écartée, permettant ainsi la requalification du gain résultant de la cession des actions en traitements et salaires.

La reconnaissance d’un abus de droit 

Dans son arrêt, la Cour administrative d’appel a jugé que la holding belge était dénuée de substance économique, en relevant notamment qu’elle ne disposait ni de locaux, ni de moyens, ni de personnel, que les titres qui lui avaient été apportés dans le cadre du Management Package constituaient son seul patrimoine, et surtout qu’elle n’avait aucune autonomie de gestion sur ces titres. En outre, elle précise que l’achat de ces titres par la holding s’était fait par inscription au crédit du compte courant d’associé ouvert au nom du dirigeant et compte-tenu du pacte d’actionnaires conclu par les associés de la ManCo.

Ainsi, la création de la holding belge ne répondait pas à un motif économique, financier ou patrimonial.

Dès lors, la Cour n’a pas considéré que la création de la société belge était en soi constitutive d’un abus de droit mais a relevé qu’elle avait eu pour seul objectif de permettre au dirigeant de ne pas supporter les impositions auxquelles il aurait été normalement assujetti s’il avait lui-même vendu au cessionnaire ses titres. Ainsi, l’interposition de la holding belge était artificielle et n’avait eu pour but que de faire échapper la plus-value à l’imposition en France.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat relève que la Cour avait, à juste titre, écarté le moyen tiré de ce que l’apport des titres à la holding belge n’aurait pas conduit à modifier sa charge fiscale personnelle.

Le Conseil d’Etat confirme l’arrêt d’appel en ce qu’il a retenu l’existence d’un abus de droit à raison de la mise en place d’un montage artificiel.

Requalification en traitements et salaires

Dans les faits dont a eu à connaître le Conseil d’Etat, il était notamment question d’un mécanisme de BSA Ratchet et de la détention d’une Golden Share octroyant à la société cessionnaire des actions cédées par la holding belge un droit de véto.

En l’espèce, la ManCo avait acquis des actions auxquelles étaient attachés des bons de souscription d’actions (BSA) dits « Ratchet ». Chacun des bons permettait de souscrire une nouvelle action à l’occasion de la cession du groupe Editis. Le nombre de bons pouvant être exercés dépendait du taux de rentabilité interne (TRI) pour le groupe Wendel de l’opération d’achat et de revente du groupe Editis.

Dans cette affaire, le Tribunal administratif et la Cour d’appel ont statué avant que ne soient rendues les décisions du 13 juillet 2021 (n°428506, n°435452, n°437498), ce qui explique que la Cour ait motivé la requalification des gains de cession en salaires, en se fondant sur l’importance des gains réalisés et l’absence de risque d’investisseur supporté par le contribuable, ces gains se rattachant exclusivement aux fonctions exercées au sein du groupe.

Le Conseil d’Etat, dans la lignée des arrêts du 13 juillet 2021, conclut à la requalification des gains de cession d’actions et valide leur imposition selon le régime fiscal des traitements et salaires. Cette requalification se justifie du fait que les gains de cession ont été acquis, non à raison de la qualité d’investisseur du cédant, mais en contrepartie de ses fonctions de dirigeant dans le cadre d’un mécanisme d’intéressement particulier devant permettre à quelques cadres spécialement sélectionnés de percevoir une partie du prix de cession du groupe.

Cette décision impose une attention particulière dès lors qu’une opération de Management Package met en jeu notamment l’interposition d’une holding familiale, un élément d’extranéité, la présence d’une ManCo avec Golden Share et un mécanisme de Ratchet.

On ne peut que craindre les répercussions de telles décisions, marquant une forme d’hostilité envers des mécanismes économiques propres aux opérations de Management Package, sur le dynamisme du marché français en la matière.

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