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« Pacte Dutreil transmission » : aménagements apportés par la loi de finances pour 2019

Pacte Dutreil - Aménagements

Pour mémoire, sous certaines conditions, notamment de conservation des titres, les transmissions par décès ou entre vifs de parts ou actions d’une société ayant une activité économique sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit à concurrence de 75 % de leur valeur (CGI, art. 787 B). Les titres doivent ainsi faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de 2 ans, portant sur au moins 34 % des titres de la société (20 % pour les sociétés cotées), suivi d’un engagement individuel de 4 ans.

La loi de finances pour 2019 apporte des assouplissements s’agissant des seuils minimums de détention dans l’entreprise transmise ainsi qu’en ce qui concerne les cas de cession entre signataires du pacte ou d’apport de titres à une société holding en cours d’engagement de conservation. En outre, l’obligation annuelle de production d’une attestation est supprimée. En revanche, le législateur durcit les conditions de l’engagement de conservation dans l’hypothèse où les titres sont détenus par des sociétés interposées.

Abaissement des seuils de détention

Les seuils de détention dans l’entreprise transmise sont abaissés :

Cet aménagement concerne les engagements collectifs souscrits à compter du 1er janvier 2019 (pas d’application aux pactes en cours).

Assouplissement de l’engagement collectif de conservation

Jusqu’à présent, l’engagement collectif de conservation devait être souscrit par le défunt ou le donateur pour lui et ses ayant-cause à titre gratuit, avec un ou plusieurs autres associés, personnes physiques ou morales. À compter du 1er janvier 2019, cet engagement peut être pris par une personne seule. En pratique, cet aménagement permettra la transmission des sociétés unipersonnelles.

Extension de l’engagement « réputé acquis »

Le mécanisme du « réputé acquis » permet aux héritiers ou donataires de bénéficier de l’exonération partielle alors même qu’aucun engagement collectif n’a été souscrit avant la transmission. En pratique, l’engagement collectif de conservation de deux ans est ainsi réputé acquis lorsque les parts ou actions détenues depuis deux ans au moins par le défunt ou le donateur, seul ou avec son conjoint ou le partenaire par lequel il est lié par un PACS atteignent les seuils de détention requis, sous réserve que cette personne ou son conjoint ou son partenaire exerce depuis deux ans dans la société concernée son activité professionnelle principale ou certaines fonctions de direction.

Ce mécanisme est assoupli. Il s’appliquera désormais y compris en cas de détention indirecte (détention de titres d’une société détenant elle-même des titres éligibles au mécanisme Dutreil, un niveau d’interposition maximum). Il est également étendu de manière à tenir compte des parts ou actions détenues par le concubin notoire du contribuable.

Ces aménagements s’appliquent aux engagements collectifs réputés acquis à compter du 1er janvier 2019.

Assouplissements des conséquences en cas de cession ou d’apport des titres « pactés »

L’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit est susceptible d’être remise en cause lorsque l’engagement collectif ou individuel de conservation en cours n’est pas respecté du fait de la cession, de la donation ou de l’apport des titres soumis à l’engagement (sous réserve de quelques exceptions).

À compter du 1er janvier 2019, lorsqu’un signataire cède ou donne ses titres en cours d’engagement collectif, l’exonération partielle dont il a bénéficié ne sera remise en cause qu’à proportion des parts cédées ou données et non pour tous ses titres comme cela était le cas jusqu’à présent. L’exonération partielle des autres signataires demeure maintenue, pourvu que les seuils minima demeurent respectés.

Par ailleurs, le maintien de l’exonération partielle en cas d’apport de titres est étendu et assoupli.

Pour mémoire, le f de l’article 787 B du CGI permet, sous certaines conditions, aux héritiers, donataires ou légataires d’apporter à une société holding constituée à cet effet les titres de la société exploitante transmis avec le bénéfice de l’exonération partielle, sans remise en cause de cette exonération. Cette solution était jusqu’alors prévue par la loi seulement en cours d’engagement individuel. Toutefois, l’Administration en admettait également l’application en cours d’engagement collectif, sous conditions supplémentaires (Rép. Debré : AN 26 février 2013, n° 6014).

En tout état de cause, la holding bénéficiaire des apports devait avoir pour objet exclusif la gestion des participations qu’elle détenait dans la cible et dans les sociétés du même groupe ayant une activité soit similaire, soit connexe ou complémentaire, la société holding étant constituée uniquement à cet effet. Il fallait, en outre, qu’elle soit détenue en totalité par les personnes physiques bénéficiaires de l’exonération partielle.

Désormais, cette exception est expressément étendue par la loi aux apports en cours d’engagement collectif. Par ailleurs, la société bénéficiaire de l’apport ne devra plus être détenue exclusivement par les ayant-cause à titre gratuit (à hauteur des trois-quarts seulement, ces droits pouvant de surcroît être détenus aussi bien par les ayant-cause que par les signataires du pacte) et il ne sera plus exigé que son actif soit uniquement composé des titres apportés mais seulement à hauteur de 50 %.

Les autres conditions (apport pur et simple ou partiellement rémunéré par la prise en charge d’une soulte consécutive à un partage, engagement de la société bénéficiaire de conserver les titres apportés jusqu’au terme de l’engagement individuel et engagement pour les signataires de conserver durant la même période les titres reçus en contrepartie de l’apport notamment) sont en revanche maintenues.

Cette exception est également déclinée (sous réserve du respect des mêmes conditions) à l’apport de titres d’une société holding détenant elle-même directement des titres de la société objet du pacte. Dans ce cas, à l’issue de l’apport et jusqu’au terme des engagements de conservation (collectif et individuel), la valeur réelle de l’actif brut de la société bénéficiaire de l’apport devra être composée à plus de 50 % de participations indirectes dans la société soumise aux obligations de conservation.

Ces mesures d’assouplissement s’appliquent à compter du 1er janvier 2019.

Extension des opérations intercalaires aux OPE

Certaines opérations de restructurations de la société pendant les phases d’engagement collectif et individuel de conservation des titres sont autorisées sans remise en cause du régime de faveur (augmentation de capital, fusion ou scission, etc.) Il faut bien entendu que les titres reçus en contrepartie de l’opération soient conservés jusqu’au terme de l’engagement.

Une nouvelle hypothèse est ajoutée à cette liste d’opérations, à compter du 1er janvier 2019. Ainsi, il en ira désormais de même en cas d’offre publique d’échange préalable à une fusion ou à une scission, sous la même réserve. Toutefois, le maintien de l’exonération sera subordonné à la condition que la fusion ou la scission soit opérée dans l’année qui suit la clôture de l’OPE.

Portée de l’engagement de conservation et titres de sociétés interposées

Le dispositif du « Pacte Dutreil transmission » est également applicable aux parts et actions détenues par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés interposées, à la condition notamment que les participations soient conservées inchangées à chaque niveau d’interposition pendant toute la durée de l’engagement collectif. Il sera désormais exigé (à compter du 1er janvier 2019) que cette condition soit remplie également pendant la durée de l’engagement individuel.

On observera que si la mesure a été présentée comme une « clarification », elle vient en réalité conforter la doctrine administrative qui exigeait déjà que les participations demeurent figées également pendant la durée de l’engagement individuel de conservation (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, n° 350). Son adoption suit, de surcroît, de peu, un récent refus de transmission d’une QPC dans le cadre de l’ancien dispositif Dutreil-ISF (CE 5 mars 2018, n° 416838). Le Conseil d’Etat y avait jugé que la loi était dépourvue de toute ambiguïté et que la condition devait être satisfaite durant la seule durée de l’engagement collectif.

Suppression de l’attestation annuelle

Jusqu’alors, la société devait émettre une attestation certifiant que les conditions de l’engagement de conservation sont toujours remplies, et ce avant le 31 mars de chaque année. A défaut, le contribuable était susceptible de perdre les avantages qu’il peut retirer de la conclusion d’un pacte, même en l’absence de relance de l’Administration, et même si les conditions de fond sont respectées.

Dans le cadre des débats sur le projet de loi pour une société de confiance, les sénateurs avaient adopté un amendement prévoyant que, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018, le défaut de production d’une telle attestation ne conduirait pas à remettre le bénéfice du pacte Dutreil conclu en cause, pour autant que le contribuable soit en mesure de la produire dans le mois suivant la réception d’une mise en demeure de l’Administration.

L’arbitrage finalement retenu dans le cadre de la loi de finances diffère un peu. Le redevable ne sera désormais tenu de fournir cette déclaration qu’en début et en fin de pacte et, le cas échéant, sous trois mois, si l’Administration en formule la demande. Cette mesure est applicable depuis le 1er janvier 2019.

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