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La France et la Suisse trouvent un accord bienvenu pour les travailleurs frontaliers souhaitant bénéficier des nouveaux modes d’organisation du travail à distance

Le 22 décembre 2022, un communiqué de presse émanant du ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique nous annonçait que la Suisse et la France étaient prêtes à conclure, rapidement, des accords amiables afin de maintenir les règles actuelles d’imposition dérogatoires des revenus d’activité salariée quand bien même l’activité professionnelle serait en partie exercée en télétravail depuis le pays de résidence fiscale du salarié.

Un aménagement inédit et une volonté de procéder à une mise en place rapide

Ainsi, à compter du 1er janvier 2023, il sera possible d’exercer son activité professionnelle en télétravail dans la limite de 40 % du temps de travail, sans que cela n’ait d’impact fiscal ni sur le statut de frontalier (qui suppose un aller-retour quotidien entre le domicile situé en France et le lieu de travail situé en Suisse), ni sur les règles d’imposition qui en découlent : imposition exclusive dans l’Etat de résidence (via le prélèvement à la source – acompte contemporain). Cette nouveauté, qui sera mise en place par un premier accord amiable à venir, s’appliquera aux travailleurs frontaliers relevant de l’accord signé en 1983 entre la France et la Suisse (qui s’applique aux cantons de Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura).

Concernant les autres travailleurs, qui relèvent des règles prévues par la convention fiscale bilatérale signée en 1966 (applicable aux cantons de Genève, Argovie, Fribourg et Zurich), un accord a également été trouvé. Celui-ci prévoit de maintenir l’imposition dans l’Etat de situation de l’employeur (Suisse), si le travail effectué à distance depuis l’Etat de résidence n’excède pas 40 % du temps de travail. En contrepartie du maintien du droit d’imposer les revenus d’activité salariée dans l’Etat de l’employeur, une compensation adéquate est prévue en faveur de l’Etat de résidence de l’employé. Cet accord sera concrétisé par le biais d’un avenant à la convention fiscale précité. Dans l’intervalle, un accord amiable sera rapidement conclu afin que ces dispositions entrent en vigueur dès le 1er janvier 2023.

Une articulation avec le règlement européen en question

Une question reste toutefois en suspens, celle de l’articulation entre ces accords amiables et avenants à la convention fiscale franco-suisse sur le télétravail et le règlement européen 883/2004 du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Ce dernier prévoit, en effet, qu’un salarié qui exerce une partie substantielle de son activité professionnelle dans son Etat de résidence doit être affilié au régime de sécurité sociale de cet Etat. Le fait d’anticiper que le salarié exerce une partie de son activité en télétravail, à hauteur de 40 % de son temps de travail, aurait pour effet de faire basculer le travailleur frontalier vers le régime français de sécurité sociale, avec toutes les contraintes en découlant pour son employeur suisse. 

Si, dans le contexte pandémique exceptionnel, la France et la Suisse ont décidé de neutraliser les effets du règlement EU 883/2004 jusqu’au 30 juin 2023, on peut néanmoins s’interroger sur la discordance future qui va émerger entre l’accord fiscal annoncé dans le communiqué de presse du 22 décembre 2022 et le règlement EU 883/2004 du 29 avril 2004 et se demander quelle sera la décision de l’Union européenne à l’issue de la période dérogatoire : la dissymétrie ou l’alignement du règlement EU 883/2004 sur l’accord fiscal annoncé ?

La tendance voudrait que l’Union européenne procède à une uniformisation des règles fiscales et sociales, compte tenu de l’évolution et de la pérennisation du télétravail.

Affaire à suivre !

En attendant, il est recommandé aux employeurs de salariés frontaliers de mettre à jour leur accord de télétravail pour tenir compte de cet aménagement inédit.

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