Après la censure par le Conseil constitutionnel de deux mesures (publicité des aides d’Etat en matière fiscale et élargissement de l’accès au logiciel PATRIM), considérées comme des cavaliers budgétaires, la 2e loi de finances rectificative pour 2017 (loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017) a été publiée au Journal officiel du 29 décembre 2017. Nous vous en présentons les mesures les plus marquantes en matière de contrôle fiscal.
Pour une approche synthétique des mesures les plus marquantes en matière de fiscalité des entreprises et de fiscalité des personnes, nous vous invitons à consulter notre Stricto Sensu Spécial Loi de finances.
Renforcement de la clause de sauvegarde applicable hors de l’UE prévue à l’article 123 bis du CGI (art. 25)
Pour mémoire, l’article 123 bis, 1 du CGI, prévoit l’imposition des avoirs détenus à l’étranger par une personne physique fiscalement domiciliée en France, par l’intermédiaire d’une entité établie hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié et dont les actifs sont principalement financiers. Les bénéfices et les revenus positifs de cette entité sont réputés acquis par la personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu’elle détient dans cette entité et soumis à l’impôt sur le revenu sur une assiette majorée de 25 %, sans bénéfice des abattements.
Le Conseil constitutionnel a, en mars 2017, vidé de sa substance cette disposition en jugeant que la clause de sauvegarde, qui permet aux contribuables d’apporter la preuve, qu’en l’absence de montage artificiel, la localisation de l’entité dans un Etat à fiscalité privilégiée n’a pas pour objet ou effet de contourner la législation française, doit être étendue à toutes les situations, et non réservée aux seules entités établies dans l’UE (CGI, art. 123 bis, 4 bis, décision QPC n° 2016-614 du 1er mars 2017). La portée du dispositif avait ainsi été limitée aux situations dans lesquelles l’exploitation de l’entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l’entité juridique par la personne domiciliée en France constituait un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française.
Pour prendre acte de cette décision, deux aménagements viennent assurer la conformité du dispositif au droit de l’UE et au droit constitutionnel.
Lorsque l’entité juridique est établie ou constituée dans un Etat membre de l’UE, mais aussi dans un autre Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement et qui n’est pas non-coopératif, la clause de sauvegarde s’appliquera si l’exploitation de l’entreprise ou la détention de participation dans cette entité par le personne domiciliée en France ne peut pas être regardée comme constitutive d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française.
En dehors de ces situations, une clause de sauvegarde générale pourra être invoquée « si la personne domiciliée en France démontre que l’exploitation de l’entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de cette entité juridique a principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de bénéfices ou de revenus dans un État ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié ».
A défaut de précision, ces aménagements sont applicables au lendemain de la publication au JO de la loi de finances rectificative pour 2017, soit à compter du 30 décembre 2017.
Par ailleurs, on notera qu’en conséquence de la déclaration d’inconstitutionnalité précitée, le Conseil constitutionnel avait émis, par la même occasion, une réserve d’interprétation portant sur la fixation d’une valeur plancher au revenu imposable calculée de façon théorique (décision QPC n° 2016-614 du 1er mars 2017). A défaut de bénéficier de l’exemption issue de ladite déclaration d’inconstitutionnalité, le contribuable doit ainsi être admis à apporter la preuve que le revenu réellement perçu par l’intermédiaire de l’entité juridique est inférieur au revenu défini forfaitairement.
Néanmoins, ce volet de la décision du Conseil constitutionnel n’a fait l’objet d’aucune suite dans le cadre du vote de la 2e LFR pour 2017.
Réduction du taux de l’intérêt de retard et de l’intérêt moratoire (art. 55)
La réduction de moitié du taux des intérêts de retard et des intérêts moratoires répond à un objectif de mise en adéquation avec les taux d’intérêt actuels du marché.
Cette modulation à la baisse des taux d’intérêt s’inscrit dans le prolongement du débat public qui s’est tenu dans le cadre du contentieux ayant conduit à l’invalidation de la contribution de 3 % sur les dividendes. L’importance des intérêts moratoires dus par l’Etat (environ 1 Md€) a donné lieu à d’âpres discussions au Parlement.
Le constat de la forte diminution des taux d’intérêt intervenue durant les dernières années a entraîné la décision de réviser le niveau des intérêts réclamés aux contribuables n’ayant pas réglé leurs impositions dans les délais, comme de celui des intérêts moratoires dus par l’Etat aux contribuables ayant obtenu une décision de dégrèvement ou une décision de justice favorable.
Le taux d’intérêt applicable pour calculer les intérêts de retard et les intérêts moratoires est donc diminué de 0,4 % à 0,2 % par mois (CGI, art. 1727-III ; Code des douanes, art. 440 bis), c’est-à-dire ramené de 4,8 % à 2,4 % sur une année pleine.
Par ailleurs, le principe d’une symétrie au regard du taux applicable entre les intérêts appliqués aux contribuables redressés et à l’Etat sur les contentieux perdus est maintenu (LPF, art. L. 208).
La réduction du taux des intérêts de retard et moratoires s’applique aux intérêts courant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020 (et non pas, comme le projet de loi le prévoyait initialement, aux intérêts courant à compter du 1er janvier 2018, sans limitation de durée).
Cet amendement a été proposé en séance par le Gouvernement, faisant suite à celui déposé par le député Charles de Courson, qui souhaitait indexer le taux de l’intérêt moratoire sur le taux d’intérêt moyen donné chaque année par l’Insee, et ce afin de permettre une révision annuelle dudit taux, en fonction de l’évolution du marché.
Cette solution ayant été jugée trop complexe par le Gouvernement, il a finalement été proposé de fixer une date d’application limite (le 31 décembre 2020, donc) afin de prévoir une nouvelle révision de ces taux à la fin de l’année 2020. Il s’agit d’une sorte de clause de revoyure avec le Parlement.
S’agissant des intérêts moratoires, ils courent du jour du paiement des sommes indues par le contribuable jusqu’au jour du remboursement de ces sommes par l’Administration (LPF, arts. L. 208 et R 208-2).
Par conséquent, les contribuables ayant initié un contentieux avant l’entrée en vigueur de la mesure (portant par exemple sur la contribution de 3 % sur les dividendes) et se voyant rembourser des sommes indûment payées postérieurement à la date du 1er janvier 2018 bénéficieront de l’ancien taux de l’intérêt moratoire, soit 4,8 %, au titre des intérêts courus jusqu’au 31 décembre 2017. Les intérêts courant à compter du 1er janvier 2018 jusqu’au jour du paiement des sommes par l’Administration seront en revanche calculés sur la base du taux nouveau de 2,4 %.
Contrôle des informations sur les comptes financiers soumises à un échange automatique entre administrations fiscales (art. 56)
Conformément aux engagements pris par la France au plan international et européen en vue de garantir la pertinence des informations transmises dans le cadre de l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers à des fins fiscales, le contrôle de l’obligation d’identification des comptes, des paiements et des personnes est organisé.
Jusqu’alors, l’article 1649 AC du CGI imposait aux institutions financières de fournir à l’administration fiscale les données sur les revenus et les actifs financiers des contribuables.
L’article est ainsi aménagé en conséquence.
Ces obligations s’appliquent aux situations constatées à compter du lendemain de la publication de la LFR pour 2017, soit le 30 décembre 2017.
Informations requises de la part des titulaires de compte
Les titulaires de compte sont désormais tenus de remettre aux institutions financières les informations nécessaires à l’identification de leurs résidences fiscales et leurs numéros d’identification fiscale.
Dans le cas où le titulaire de compte est une entité non financière passive, le titulaire de compte doit également fournir les informations concernant les personnes physiques qui détiennent le contrôle de cette entité.
Il est néanmoins tenu compte des cas dans lesquels le titulaire d’un compte ou les personnes qui le contrôlent ne disposent pas d’un tel NIF, par exemple dans le cas où leur État de résidence n’en délivre pas.
En cas de non-respect de cette disposition, les titulaires de ces comptes s’exposent à une amende de 1 500 €.
Par ailleurs, si une institution financière se trouve dans l’incapacité d’identifier ces informations, elle ne doit pas établir de relation contractuelle avec ce client.
Transmission de la liste des titulaires de compte n’ayant pas remis les informations nécessaires à leur identification
Une liste des titulaires de compte n’ayant pas transmis aux institutions financières chargées de les recueillir les informations nécessaires à leur identification doit être communiquée par ces dernières à l’administration fiscale.
Le dépôt hors délai de cette liste sera sanctionné par une amende de 200 € par titulaire de compte omis sur la liste en cause (CGI, art. 1729 C bis).
Par ailleurs, le dépôt hors délai de la déclaration à laquelle sont tenues les institutions financières au titre de l’échange automatique d’information (déclaration relative aux comptes financiers, aux contrats d’assurance-vie et aux trusts – CGI, art. 1649 AC, I) sera également sanctionné d’une amende de 200 € par compte à déclarer (CGI, art. 1736, I, 5°). L’amende prévue à l’article 1736, I, 5° vise ainsi spécifiquement le dépôt hors délai de la déclaration mentionnée au I de l’article 1649 AC.
Dès lors que ces deux sanctions s’appliquent à des manquements distincts, elles pourront, le cas échéant, se cumuler.
Mise en place d’un dispositif de contrôle interne
Les institutions financières concernées devront désormais mettre en place un dispositif de contrôle interne chargé de veiller spécifiquement à la mise en place et à la bonne application des procédures internes assurant le respect de leurs nouvelles obligations (collecte des informations, alerte de l’Administration en cas de défaillance).
L’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) et l’AMF (Autorité des marchés financiers) sont chargées de veiller au respect de ce contrôle interne.
L’ACPR communiquera à l’administration fiscale les documents et informations nécessaires au respect des nouvelles obligations des institutions financières (LPF, L. 84 D, al. 2 nouveau). Elle pourra par ailleurs obtenir communication de l’administration fiscale des informations et documents nécessaires à l’exercice de cette mission (LPF, L. 135 ZI nouveau).
De même, l’AMF pourra obtenir des informations et documents afin d’assurer l’exécution de sa mission (LPF, art. L. 135 F). Elle devra par ailleurs communiquer à l’administration fiscale, sur sa demande, et sans pouvoir opposer le secret professionnel, tout document ou information qu’elle détient (LPF, art. L. 84 E).
Ces nouvelles compétences sont applicables aux contrôles engagés à compter du lendemain de la publication de la LFR pour 2017, soit le 30 décembre 2017.
Conservation des données pendant 5 ans
Autorité des marchés financiersPour les besoins de ce contrôle, les institutions financières devront conserver les données et éléments prouvant les diligences effectuées et nécessaires à l’identification des comptes, des paiements et des personnes, jusqu’à la fin de la cinquième année suivant celle au titre de laquelle la déclaration doit être déposée.
Cette obligation de conservation est applicable aux déclarations déposées (ou qui auraient dû l’être) à compter du lendemain de la publication de la LFR pour 2017 (sont le 30 décembre 2017).
Pas d’application dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord FATCA
Les obligations nouvelles ne s’appliquent pas dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord FATCA pour les échanges automatiques avec les Etats-Unis.
Généralisation progressive des procédures dématérialisées (art. 74)
Devront désormais nécessairement être soumises par voie électronique :
- la déclaration CIR (CGI, art. 244 quater B), à compter d’une date fixée par décret et au plus tard pour les déclarations devant être déposées à compter du 1er janvier 2020
- et les déclarations relatives à la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des entités juridiques (CGI, art. 990 E et F), à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020
Pour les résultats déclarés à compter d’une date fixée par décret et au plus tard au titre des exercices clos le 31 décembre 2019, la déclaration de résultats des SCI non soumises à l’IS par voie électronique (n° 2072), jusqu’alors applicable uniquement à certaines SCI, sera généralisée.
Pour mémoire, en cas de non-respect de l’obligation de souscrire une déclaration par voie électronique, une majoration de 0,2 % des droits correspondants aux déclarations déposées selon un autre procédé est applicable, sans que celle-ci ne puisse être inférieure à 60 €.
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