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Captive de réassurance luxembourgeoise et dispositifs anti-abus

La CAA de Versailles décide qu’en l’espèce, compte tenu de la particularité du secteur nucléaire et de la continuité d’exploitation de portefeuilles de réassurance, il ne saurait y avoir de montage artificiel, justifiant l’application combinée des articles 238 A et 209 B du CGI, du fait de la création et de l’utilisation d’une captive de réassurance luxembourgeoise.

Par application des règles fiscales locales, les captives de réassurance luxembourgeoises peuvent comptabiliser et déduire une provision pour fluctuation de sinistralité (PFS) couvrant l’ensemble des risques de la captive et réduisant significativement dans la plupart des situations le résultat soumis à l’impôt localement. Par opposition, les captives de réassurance installées en France sont réduites à la constatation d’une provision bien encadrée, la provision pour égalisation qui vise des risques bien spécifiques (articles 39 quinquies G et 39 quinquies GA CGI).

À l’occasion des vérifications de comptabilité des sociétés françaises actionnaires de captives luxembourgeoises, l’administration fiscale estime souvent que cette déductibilité intégrale de la PFS permet de constater l’existence d’un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A du CGI. Elle combine donc cette disposition avec l’article 209 B du CGI et considère la captive européenne comme artificielle en raison de l’absence de moyens matériels, techniques et humains, d’autonomie dans la conduite de son activité et ses prises de décisions.

L’histoire

À l’issue de la vérification de comptabilité d’une filiale française du groupe EDF portant sur les exercices 2010 à 2013, par application des dispositions des articles 209 B et 238 A du CGI, l’Administration a réhaussé le résultat fiscal du groupe au titre des exercices 2010 et 2012 à hauteur des revenus de capitaux mobiliers constitués par les résultats de deux filiales de la société vérifiée :

Selon l’Administration, les filiales étaient localisées dans un pays à fiscalité privilégiée au sens de l’article 238 A du CGI – en Irlande en raison du taux local de 12,5 % et au Luxembourg en raison de la déduction de la PFS.

Les filiales étant situées dans l’Union européenne, l’Administration a de plus considéré que ces dernières étaient constitutives d’un montage artificiel dont le but était de contourner la législation fiscale.

La situation de chacune des filiales a été analysée avec attention par le TA de Montreuil (TA Montreuil 11 oct. 2018, n°1706840 et 1706843, Sté EDF avec ses conclusions éclairantes) qui a reconnu le caractère artificiel de la captive irlandaise mais a refusé l’application des dispositions de l’article 209 B à la captive luxembourgeoise.

La décision

Seul le Ministre ayant relevé appel de la décision du TA, la CAA n’a eu à se prononcer que sur la situation de la captive luxembourgeoise.

Pour trancher du litige, tout en notant que la captive ne disposait d’aucun salarié, qu’elle prenait en location un bureau de 15 m2, qu’elle avait délégué l’ensemble de ses missions et que 2 de ses 3 administrateurs étaient des salariés de la société EDF, la CAA relève que :

Par conséquent, compte tenu de l’activité de captive de réassurance du groupe, elle juge que l’implantation de cette société au Luxembourg n’avait pas principalement pour objet d’échapper à l’impôt français et que la filiale luxembourgeoise ne pouvait être regardée comme constitutive d’un montage artificiel au sens de l’article 209-II B du CGI.

Elle confirme en ce sens le jugement du TA qui avait jugé que : « […] la société doit être regardée, dans le cas très particulier de l’espèce de continuité d’exploitation de portefeuilles de réassurance déjà localisés au Luxembourg, comme établissant que la localisation de son activité au Luxembourg répondait à des objectifs notamment opérationnels et n’avait donc pas pour but exclusif de contourner la législation fiscale française alors même que la société […] est dépourvue de substance en ne disposant pas de moyens propres pour son exploitation.»

À l’inverse, on notera en revanche que le TA avait estimé l’Administration fondée à soutenir que le fait de comptabiliser dans une société irlandaise des opérations d’assurance alors qu’aucune activité n’était réalisée en son sein, et qu’elle ne disposait d’aucune substance économique, relevait d’un montage artificiel dans le seul but d’éluder l’impôt. Il a ainsi considéré que c’est à bon droit que l’administration fiscale avait mis en œuvre les dispositions de l’article 209 B du CGI. Considérant l’appel incident de la société EDF irrecevable sur ce point, la CAA n’est pas revenue sur cet aspect du jugement de 1re instance.

Avis du praticien : Alice de Massiac

Cette affaire a été l’occasion tant pour le TA de Montreuil que pour la CAA de Versailles d’appliquer les critères de substance dessinés par la jurisprudence Cadbury-Schweppes dans le cas des captives d’assurance et de réassurance. On notera que la situation de la captive luxembourgeoise a été regardée comme non artificielle en raison du transfert en son sein du portefeuille auparavant géré par un tiers. La raison de la localisation de la captive a ainsi été considérée comme non critiquable du fait de cet historique et de la spécificité du secteur nucléaire. La sanction de la société irlandaise doit rappeler l’attention toute particulière à porter à ces captives et à leur substance.

Toutes ces problématiques verront peut-être la fin avec la réforme attendue, qui devrait être dévoilée à la fin 2021, du régime juridique et fiscal des captives d’assurance et de réassurance en France.

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