Pour mémoire, les organismes et associations relatifs à la profession d’avocat se sont émus de la question de la compatibilité du secret professionnel de l’avocat avec la transposition de la directive dite DAC6 / Mandatory Disclosure Regime (MDR).
Dans ce contexte, les juridictions belges ont eu à traiter des demandes de suspension totale ou partielle du décret flamand du 26 juin 2020 transposant la directive DAC6 /MDR. En substance, la Cour Constitutionnelle belge avait donc décidé :
- de poser une question préjudicielle à la CJUE quant à la conformité au droit de l’UE (art. 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE) de l’obligation de notifier un autre intermédiaire qui n’est pas le client de l’avocat (prévue à l’art. 8 bis ter §5 de la Directive « DAC6 /MDR »)
- de la suspension partielle des dispositions du décret flamand transposant la directive DAC6 /MDR en conséquence.
La CJUE vient tout juste de rendre sa décision.
Décision de la CJUE
En substance, la Cour juge que l’article 8 bis ter § 5 de la directive DAC6 / MDR est invalide au regard Charte des droits fondamentaux de l’UE (article 7 qui garantit le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients), en ce que son application par les EM a pour effet d’imposer à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire, lorsque celui-ci est dispensé de l’obligation de déclaration en raison du secret professionnel auquel il est tenu, de notifier sans retard à tout autre intermédiaire qui n’est pas son client les obligations de déclaration qui lui incombent [= ingérence dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients].
Elle relève notamment qu’une telle obligation « […] comporte nécessairement la conséquence que ces autres intermédiaires acquièrent connaissance de l’identité de l’avocat intermédiaire notifiant, de son appréciation selon laquelle le dispositif en cause doit faire l’objet d’une déclaration ainsi que du fait qu’il est consulté à son sujet. » (point 29 de la décision).
Et que « force est de constater qu’elle ne saurait, toutefois, être considérée comme étant strictement nécessaire » à la poursuite de l’objectif d’intérêt général de la Directive DAC6 /MDR visant à la prévention du risque d’évasion et de fraude fiscales (point 46 de la décision) [= ingérence non proportionnée].
On notera qu’elle écarte en revanche l’argument tiré de l’ingérence dans le droit à un procès équitable, garanti à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (cf. notamment points 65 de la décision).
Conséquences en droit français ?
Cette obligation de notification aux autres intermédiaires, prévue par la Directive DAC6 /MDR, a également été transposée en droit français :
- CGI, art. 1649 AE, I, 4° : « L’intermédiaire soumis à une obligation de secret professionnel dont la violation est prévue et réprimée par l’article 226-13 du code pénal souscrit, avec l’accord de son client, la déclaration mentionnée à l’article 1649 AD. A défaut de cet accord, l’intermédiaire notifie à tout autre intermédiaire l’obligation déclarative qui lui incombe… »
- BOI-CF-CPF-30-40-10-20, 21/07/2021, §170 et s.
Cette décision devrait donc également être prise en compte par les juridictions nationales/le législateur français.
Dans ce contexte il ne pourra pas être reproché à un avocat, non libéré de son secret professionnel par son client, de ne pas avoir notifié à un autre intermédiaire son obligation de déclaration.
C’est une bonne nouvelle pour la profession.