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Remise en cause de la RAS de l’article 182 B du CGI (pré-LF 2022) par le CE : pas une circonstance de droit nouvelle justifiant la réouverture de l’instruction

Photo du Conseil d'Etat

Le Conseil d’État juge que sa décision, faisant pour la première fois application de la jurisprudence bien établie de la CJUE, qui remet en cause la conformité au droit de l’UE de la RAS de l’article 182 B du CGI (avant sa modification par la LF 2022), ne constitue pas une circonstance de droit nouvelle justifiant la réouverture de l’instruction.

Rappel

Pour mémoire, sous réserve de l’application des conventions fiscales internationales, l’article 182 B du CGI prévoit qu’une RAS – au taux standard de l’IS – est applicable aux produits perçus par les inventeurs ou au titre de droits d’auteurs (CGI, art. 92), ainsi qu’à tous produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés, lorsque ces sommes sont versées par un débiteur exerçant une activité en France à un bénéficiaire ne disposant pas en France d’ une installation professionnelle permanente.

La conformité de ce dispositif au droit de l’UE a cependant été remise en cause par le Conseil d’Etat (CE, 22 novembre 2019, n°423698, SAEM de gestion du Port Vauban), qui a jugé contraire au principe de libre prestation de services (TFUE, art. 56 et 57) la RAS due par une personne morale ou un organisme non-résident dans la mesure où cette RAS s’applique sur une assiette brute alors que dans la même situation, une personne morale française ou un organisme français serait imposable sur un bénéfice établi après déduction des charges supportées pour la conservation de ces revenus.

Tirant les conséquences de cette décision, la LF 2022 a aménagé l’article 182 B du CGI (LF 2022, art 24). Ainsi, les RAS dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2022, dues par des personnes morales ou organismes non-résidents, établies dans l’UE ou dans l’EEE, à raison de leurs revenus de source française bénéficient d’un abattement forfaitaire de charges de 10 %, appliqué lors du prélèvement de la RAS.

La LF 2022 a également instauré la faculté pour les bénéficiaires de produits soumis à la RAS de l’article 182 B du CGI, de demander la restitution de la différence entre la RAS prélevée et la RAS calculée à partir d’une base nette de charges réelles supportées pour l’acquisition et la conservation de ces revenus (CGI art. 235 quinquies du CGI).

L’affaire

En 2013 et 2014, une société française, qui édite et diffuse en France les œuvres d’artistes peignant de la bouche et du pied regroupés au sein d’une association dont le siège est au Liechtenstein, s’est acquittée de la RAS de l’article 182 B du CGI sur le montant des sommes versées à l’association en contrepartie de droits de reproduction.

Devant le Conseil d’Etat, la société française reprochait au juge administratif de ne pas avoir réouvert l’instruction après qu’elle ait produit un mémoire postérieurement à sa date de clôture (1) et revendiquait la restitution de la RAS acquittée (2). 

Sur l’absence de réouverture de l’instruction

Pour mémoire, le juge administratif dispose de la faculté de rouvrir l’instruction qu’il dirige (Code de justice administrative, art. R. 613-4). Cependant, lorsqu’il est saisi postérieurement à la clôture d’une instruction d’une production qui contient « l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire », le juge a alors l’obligation d’en tenir compte (CE, 5 décembre 2014, n°340943, Lassus).

En l’espèce, la société requérante a produit, postérieurement à la date de clôture de l’instruction devant la CAA, un mémoire mentionnant la décision du Conseil d’Etat SAEM de gestion du Port Vauban précitée, qui a remis en cause la conformité de la RAS de l’article 182 B du CGI au droit de l’UE (libre prestation de services).

Le Conseil d’Etat juge cependant que cette jurisprudence ne constitue pas « une circonstance de droit nouvelle justifiant la réouverture de l’instruction ». Pour trancher en ce sens, il relève que cette décision se borne à appliquer une jurisprudence bien établie de la CJUE (les articles 56 et 57 du TFUE s’opposent à une législation nationale prenant en compte, lors de l’imposition des non-résidents, les revenus bruts, sans déduction des frais professionnels, alors que les résidents sont imposés sur leurs revenus nets, voir en ce sens, CJCE, 12 juin 2003, aff. 234/01), dont la société requérante se prévalait déjà devant les juges du fond.

Il valide dès lors la position de la CAA de Nancy de ne pas procéder à la réouverture de l’instruction.

Sur l’absence de restitution de la RAS acquittée en vertu de l’article 182 B du CGI

Reprenant à l’identique le considérant de principe dégagé dans sa décision APBP de 2015 (CE, 18 mars 2015, n°366006, Sté d’édition APBP), le Conseil d’Etat rappelle que les produits perçus au titre des droits d’auteur au sens dub de l’article 182 B du CGI s’entendent de l’ensemble des produits que les auteurs d’œuvres de l’esprit ou leurs ayants droit tirent des droits patrimoniaux attachés à ces œuvres.

Il confirme ainsi la RAS appliquée aux sommes versées par la société requérante à l’association localisée au Liechtenstein, conformément au b de l’article 182 B du CGI, en ce qu’elles constituent la contrepartie des droits de reproduction des œuvres d’artistes membres de cette association.

On notera que pour valider le montant de la RAS litigieuse, la Cour d’appel avait notamment retenu les éléments suivants :

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