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Le devoir de loyauté d’un associé consiste à respecter l’intérêt commun (affectio societatis), un principe accepté en devenant sociétaire. Toutefois, ce devoir n’impose aucune obligation implicite de non-concurrence pour les associés de SARL et de SAS. En effet, seules des stipulations expresses (statutaires ou extrastatutaires) vont, sous certaines conditions, pouvoir imposer une obligation de non-concurrence.
Le devoir de loyauté des associés, émanation de l’affectio societatis
Au fondement de toute société se trouve la volonté réelle et sérieuse des associés de collaborer activement, dans un intérêt commun et sur un pied d’égalité (à situation comparable), à l’exploitation d’une société et à la réalisation de son objet social, chacun participant aux bénéfices et aux pertes de ladite société (Com. 3 juin 1986, n°85- 12.118).
Le Code civil pose ainsi cette exigence du droit commun des sociétés avec les articles 1832 et 1833 : les associés doivent « affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter », tout en « [contribuant] aux pertes », le tout dans l’« intérêt commun des associés ».
Le devoir de loyauté des associés n’est pourtant pas exigé de manière générale, que ce soit dans le Code civil ou dans le Code de commerce. Ce devoir est déduit par la doctrine et la jurisprudence considérant que l’intérêt commun des associés implique pour ces derniers une collaboration loyale envers la vie sociale, évitant tout conflit d’intérêt avec la société. Il est donc admis que le devoir de loyauté dicte le comportement et les agissements des associés, notamment en leur interdisant de réaliser tout acte déloyal à l’encontre de la société (dénigrement, parasitisme, désorganisation, etc.).
En conséquence, cette loyauté ne devrait-elle pas imposer une obligation de non-concurrence des associés envers leur société ? Si une telle exigence est concevable, la liberté du commerce et de l’industrie, ainsi que le principe de libre concurrence, interdisent une exigence générale, les associés de certaines sociétés n’étant pas tenus, au titre du devoir de loyauté, à une obligation de non-concurrence.
L’absence d’obligation implicite de non-concurrence pour les associés de SARL et de SAS
Alors qu’un certain nombre de dispositions législatives viennent imposer une obligation de non-concurrence aux associés en fonction du type d’apport réalisé (apport en industrie ou apport en fonds de commerce – article 1843- 3 du Code civil) ou en fonction de la forme de société (société civile professionnelle et société d’exercice libéral – respectivement article 4 de la loi n°66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et article 21 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales (A compter du 1er septembre 2024, articles 8 et 45 de l’ordonnance n°2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées.), la loi reste silencieuse quant à une obligation de non-concurrence des associés de SARL, SAS ou SA.
Confrontée à la difficulté pratique, la jurisprudence a pris position
Discuté en doctrine quant à la généralité d’une telle obligation, la Cour de cassation fut longtemps indécise, avant qu’elle ne décide de se prononcer, forme sociale par forme sociale, sur l’existence d’une obligation implicite de non-concurrence des associés.
Le cas des SARL
En matière de SARL, il a été jugé qu’il n’existait pas d’obligation implicite de non-concurrence : « sauf stipulation contraire, l’associé d’une société à responsabilité limitée n’est, en cette qualité, tenu ni de s’abstenir d’exercer une activité concurrente de celle de la société ni d’informer celle-ci d’une telle activité et doit seulement s’abstenir d’actes de concurrence déloyaux. » (Com. 15 novembre 2011, n°10-15.049)
Le cas des SAS
Concernant les SAS, la Cour de cassation s’est alignée, en deux temps, sur cette même position. En 2013, la chambre commerciale reconnaissait l’absence d’obligation implicite de non-concurrence pour les associés de SAS, ces derniers devant seulement s’abstenir d’actes de concurrence déloyale (Com. 10 septembre 2013, n°12- 23.888).
En 2023, elle reprend à l’identique la formulation utilisée pour les SARL, retenant l’absence d’obligation implicite de non-concurrence des associés de SAS et l’absence d’obligation pour l’associé d’informer la société d’une éventuelle activité concurrente qu’il entreprend (Com. 21 juin 2023, n°21-23.298),
Dès lors, tant les associés de SARL que de SAS doivent s’abstenir d’actes de concurrence déloyale à l’encontre de leurs sociétés mais ne sont tenus ni par une obligation implicite générale de non-concurrence, ni par une obligation d’informer leurs sociétés de toute activité concurrente.
Qu’en-est-il des associés de SA ?
Si la Cour de cassation ne s’est jamais directement prononcée en la matière, la doctrine suggère que les solutions retenues pour les associés de SARL et de SAS ont vocation à s’appliquer aux associés de sociétés de capitaux, donc aux SA. Rien dans la décision de 2023 précitée ne laisse penser un traitement différent en matière de non-concurrence due par un actionnaire de SA.
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