Site icon Deloitte Société d'Avocats

La DGCCRF publie ses nouvelles lignes directrices relatives à l’encadrement des promotions et l’interdiction du terme « gratuit » et y intègre les apports d’Egalim 3

Le 23 octobre 2024, la DGCCRF a publié de nouvelles lignes directrices dans lesquelles elle explicite les conditions de son contrôle dans l’application des règles prévues en matière de limitation des offres promotionnelles. Elle en étend le champ d’application à tous les produits de grande consommation, prenant ainsi acte des modifications apportées par la loi Egalim 3.

Le mécanisme d’encadrement des promotions étendu aux produits de grande consommation

Pour lutter contre le recours croissant aux  promotions et ses effets néfastes (déséquilibrage des relations commerciales au détriment des producteurs de produits agricoles notamment), un mécanisme de double encadrement des promotions, en valeur et en volume, des denrées alimentaires ou des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie a été mis en place par l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018.

D’abord institué à titre expérimental pendant 2 ans, ce mécanisme a été prorogé une première fois (moyennant quelques assouplissements) jusqu’au 15 avril 2023 (loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 dite « ASAP »), puis une seconde fois jusqu’au 15 avril 2026 (loi n° 2020-221 du 30 mars 2023 dite « Descrozaille » ou « Egalim 3 »).

En plus de cette seconde prorogation, la loi Egalim 3 a étendu, depuis le 1er mars 2024, son champ d’application à tous les produits de grande consommation (i.e. « produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation » visés au I de l’article L.441-4 du code de commerce et listés à l’article D.441-1 dudit code). Désormais, en plus des denrées alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, les promotions sur les produits des rayons droguerie, parfumerie et hygiène (lessive, gel douche, couches, etc.) sont également encadrées.

Ce double encadrement concerne ainsi tout avantage promotionnel, immédiat ou différé, ayant pour effet de réduire le prix de vente au consommateur. Ce mécanisme concerne donc aussi bien les promotions initiées par les fournisseurs (les « NIP », nouveaux instruments promotionnels) que celles proposées par le distributeur. L’encadrement s’applique, par ailleurs, quel que soit le mode de distribution des produits concernés (grande distribution à prédominance alimentaire, réseaux de distribution sélective, etc.).

L’encadrement en valeur 

Les avantages promotionnels, le cas échéant cumulés, accordés au consommateur pour un produit déterminé ne doivent pas être supérieurs à 34 % du prix de vente au consommateur ou à une augmentation de la quantité vendue équivalente (article 125, II, B, de la loi ASAP du 7 décembre 2020). Cet encadrement en valeur ne concerne que les annonces de réduction chiffrées, c’est-à-dire les offres portant sur un produit déterminé, dont le prix est annoncé, par le distributeur, en baisse par rapport au prix de vente appliqué au consommateur, ou dont la quantité est augmentée par rapport au conditionnement habituel, sans augmentation de prix correspondante.

Notons que si un produit bénéficie de plusieurs offres promotionnelles de manière cumulative, il convient de prendre en compte l’ensemble des offres cumulées pour appliquer le seuil de 34 %, et que, d’après ses lignes directrices, la DGCCRF semble faire peser sur le distributeur la responsabilité de prendre en compte l’addition des différentes promotions.

La DGCCRF a établi une liste des opérations promotionnelles qui, selon elle, entrent dans le champ d’application de l’encadrement en valeur (par exemple : « moins X % », « dont X % offert », « plus X % offert », « 2+1 », avantages de fidélisation et de cagnottage affectés à un produit, bons de réduction, etc.), et de celles qui, toujours selon elle, en sont exclues (par exemple, cagnottage non-affecté à un produit déterminé mais à l’achat d’un montant donné sur une certaine période, « prix bas », etc.).

Si cette liste n’est pas exhaustive et ne présume pas des décisions qui pourront être prises par les juridictions, elle fournit néanmoins indications utiles aux acteurs du secteur ; et, même sans lier le juge, ce dernier ne pourra ignorer le fait que, le cas échéant, un distributeur a suivi les recommandations des pouvoirs publics.

Plus intéressant encore, la DGCCRF indique dans ses lignes directrices que « les opérateurs pourront consulter la DGCCRF en cas d’interrogation sur des pratiques promotionnelles non répertoriées dans ce document ». En cas de doute, il est donc opportun pour les acteurs du secteur de se rapprocher de la DGCCRF pour l’interroger sur l’applicabilité du mécanisme de l’encadrement en valeur à certaines opérations promotionnelles. Il ne s’agit pas d’un « rescrit distribution » au sens strict, liant l’administration, mais c’est un élément important dont l’autorité publique, et le juge, tiendront compte.

L’encadrement en volume

La règlementation applicable (article 125, II, C, de la loi ASAP du 7 décembre 2020) prévoit qu’en principe, les avantages promotionnels, qu’ils soient accordés par le fournisseur ou par le distributeur, ne peuvent porter que sur des produits ne représentant pas plus de 25 % d’un volume ou d’un chiffre d’affaires déterminé à l’avance par les parties au contrat. En pratique, il s’agit donc d’un seuil maximal de 25 % soit :

Précisons que le champ d’application de l’encadrement en volume est identique à celui de l’encadrement en valeur.

Dans ses lignes directrices, la DGCCRF précise que ce sont les chiffres d’affaires ou volumes prévisionnels, tels qu’inscrits par les parties au contrat, qui constitueront l’assiette de vérification. Elle livre quelques précisions sur les modalités de calcul de ces chiffres d’affaires ou volumes prévisionnels. Notons qu’en tout état de cause, il convient de prendre en compte la valeur à l’achat des produits revendus en promotion entre le fournisseur et le distributeur (i.e. le « sell in », et non le « sell out » auprès du consommateur).

Enfin, les acteurs du secteur peuvent demander une dérogation à l’encadrement en volume des promotions (article 125, III, de la loi ASAP du 7 décembre 2020). A cet égard, a DGCCRF livre quelques précisions sur les conditions dans lesquelles cette demande de dérogation devra être formulée par les acteurs du secteur.

Contrôle et sanctions de la DGCCRF

Tout manquement aux obligations visées ci-dessus (encadrement en valeur et en volume des promotions) par le fournisseur ou le distributeur est passible d’une amende administrative maximale de 75 000 € pour une personne physique, ainsi que 375 000 €, ou la moitié des dépenses de publicité effectuées au titre de l’avantage promotionnel, pour une personne morale (article 125, II, E, de la loi ASAP du 7 décembre 2020).

Dans ses lignes directrices, la DGCCRF précise que, dans le cadre de son contrôle, elle pourra tenir compte, au cas par cas, de la situation particulière du fournisseur au regard de l’impact de l’encadrement en volume (situation financière, exploitation et continuité d’exploitation de son activité, etc.).

L’interdiction d’utiliser le terme « gratuit » comme outil marketing et promotionnel

L’on sait que l’article L.443-1 du code de commerce interdit aux opérateurs de vente d’utiliser le terme « gratuit » dans la promotion d’un produit alimentaire. Tous les produits alimentaires (denrées alimentaires et produits pour animaux de compagnie) sont concernés.

La violation de ces dispositions est sanctionnée par une amende de 15 000 € (article L.443-1 du code de commerce ).

Dans sa mise à jour, la DGCCRF conserve les quelques précisions déjà apportées à ce sujet dans ses lignes directrices de 2021. Elle précise notamment que ces dispositions sont « d’application stricte ». Selon la DGCCRF, il est donc tout à fait possible pour les acteurs d’utiliser des termes dérivés ou synonymes tels que, par exemple, « offert ».

La DGCCRF précise par ailleurs que cette interdiction s’applique à toute forme de communication et à tout support : catalogue promotionnel, emballage, affichage publicitaire sur les lieux de vente, etc.

S’agissant des opérateurs concernés, la DGCCRF indique que les « opérateurs de vente » au sens de l’article susvisé doivent s’entendre de l’ensemble des professionnels proposant à la vente des produits alimentaires, qu’ils contractualisent avec d’autres professionnels ou qu’ils vendent les produits aux consommateurs.

Enfin, la DGCCRF apporte un élément de précision intéressant : elle rappelle que le juge devra établir l’élément intentionnel de l’infraction. Elle indique en effet qu’il appartiendra au juge d’établir si l’auteur des faits a, ou non, volontairement commis l’infraction, pour lui infliger l’amende applicable.

Exit mobile version