Site icon Deloitte Société d'Avocats

Faculté d’engager la responsabilité de l’Administration à raison de la délivrance trop tardive d’une attestation de résidence fiscale

Le Conseil d’État juge qu’est fondé à engager la responsabilité de l’administration fiscale le contribuable qui fait valoir qu’elle lui a délivré très tardivement (plus de 3 ans après sa demande) l’attestation lui permettant d’obtenir le bénéfice du taux réduit conventionnel sur des dividendes reçus d’une société suisse.

Rappel

Sur la possibilité d’engager la responsabilité de l’État

Depuis l’arrêt Krupa (21 mars 2011, n°306225) marquant l’abandon du régime de la faute lourde dans les opérations d’assiette ou de recouvrement, la responsabilité de l’administration fiscale peut être engagée pour faute simple dans tous ses domaines d’activité.

Ainsi, le Conseil d’État juge qu’une faute commise par l’administration fiscale lors de l’exécution d’opérations se rattachant aux procédures d’établissement et de recouvrement de l’impôt est de nature à engager la responsabilité de l’État à l’égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l’impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l’Administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d’existence dont le contribuable justifie.

Le Conseil d’État reconnaît tout de même que l’Administration peut invoquer le fait du contribuable sollicitant une indemnité, afin d’atténuer ou de s’exonérer de sa responsabilité (Conseil d’État, 26 juillet 2018, n°396976).

Convention franco-suisse : Bénéfice du taux de RAS conventionnel sur les dividendes

La convention franco-suisse prévoit, en son article 11, un partage de l’imposition des dividendes, avec un taux de RAS plafonné à 15 %, lorsque leur bénéficiaire effectif est une personne physique.

Pour en bénéficier, un résident de France bénéficiaire de dividendes de source suisse doit d’abord s’acquitter de la RAS prévue par le droit suisse. Il doit ensuite demander à l’administration fiscale suisse le remboursement de l’impôt suisse excédant le taux de RAS conventionnel de 15 % avec le formulaire spécifique « modèle n°83 » par lequel l’administration fiscale française atteste qu’il est bien résident de France au titre de la période considérée, que ces revenus sont passibles des impôts directs français, et qu’elle veillera à leur application (cf. échanges de lettres des 28 août et 26 novembre 2008 entre les autorités compétentes françaises et suisses).

Cette demande – accompagnée du formulaire n°83 – doit impérativement parvenir à l’administration fiscale suisse dans les 3 ans qui suivent la fin de l’année civile au cours de laquelle les revenus ont été soumis à la RAS en Suisse (BOI-INT-CVB-CHE-10-20-30, 12 août 2015, § 220).

L’histoire

En décembre 2011, un contribuable personne physique, résident de France, a indiqué à l’administration fiscale française avoir omis de déclarer des dividendes de source suisse, perçus de 2009 à 2011 et lui a adressé des déclarations de revenus rectificatives mentionnant ces dividendes.

En octobre 2012, le contribuable a demandé à l’Administration de compléter le formulaire de demande de remboursement n°83 destiné à obtenir de l’administration fiscale suisse le remboursement de la fraction de l’impôt suisse excédant le taux de retenue à la source de 15 % prévu par la convention fiscale franco-suisse.

L’Administration ne lui a toutefois retourné le formulaire certifié qu’en novembre 2015, soit bien après l’expiration du délai de 3 ans dont disposait le contribuable pour effectuer sa demande de remboursement auprès des autorités fiscales suisses, lesquelles ont en conséquence rejeté cette demande en raison de son caractère tardif.

Le contribuable a alors tenté d’engager la responsabilité de l’Etat, afin d’obtenir la réparation du préjudice résultant du retard de l’Administration à lui remettre le justificatif nécessaire à la restitution partielle de la retenue à la source acquittée en Suisse.

Les juridictions du fond ont refusé d’accéder à sa demande.

Bien qu’elles aient admis que l’administration française ne s’était pas acquittée de la requête du contribuable dans un délai raisonnable, elles ont toutefois mis en évidence les éléments suivants, estimant qu’ils étaient de nature à exonérer l’Administration de sa responsabilité :

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État censure pour erreur de droit l’analyse de la CAA de Nancy.

Il relève, à cet égard, que le visa du formulaire n°83 a pour seuls objectifs d’attester de la résidence fiscale des contribuables en France et de l’assujettissement des revenus y étant mentionnés à l’impôt en France, et précise que la recevabilité de cette demande n’est pas conditionnée par le fait que ces revenus aient été préalablement déclarés à l’administration fiscale française ou effectivement imposés en France.

Le Conseil d’État juge, par ailleurs, qu’il ne pouvait pas être reproché au contribuable d’avoir tardé à remettre à l’administration suisse le formulaire certifié, dès lors qu’à la date à laquelle il l’a reçu (novembre 2015), son droit à demander le remboursement partiel de la RAS acquittée en Suisse était forclos pour l’ensemble des dividendes concernés (depuis le 1er janvier 2015).

Il en conclut que l’Administration ne pouvait pas se prévaloir de la négligence du contribuable pour s’exonérer de sa propre responsabilité.

Il convient de souligner que l’exigence de dépôt de ce formulaire n°83 est spécifique à la convention franco-suisse (distinct du certificat de résidence fiscale n°731 mis à disposition des particuliers afin de leur permettre de justifier de leur résidence en France auprès d’administrations fiscales étrangères – nécessitant d’être complété par l’administration fiscale française).   

Exit mobile version