Nos experts vous proposent un panorama des actualités fiscales et juridiques en République du Congo. Ce rendez-vous régulier vous propose différents points d’attention et de vigilance à garder à l’esprit, ainsi qu’un détail des nouveautés législatives mises en place récemment.
A lire également, les actualités fiscales des autres pays de l’Afrique francophone
Cliquez ici pour se renseigner de l’actualité fiscale des pays d’Afrique
Le projet Loi de finances pour 2023
Le projet de Loi de Finances pour 2023 présenté au Parlement le 28 octobre 2022 contient de nouvelles mesures fiscales.
Déduction des charges
Le projet de Loi ajoute des conditions que devraient remplir les charges comprises dans la détermination du bénéfice net imposable pour être déductibles.
Ainsi, pour être déductibles ces charges devraient satisfaire au préalable aux conditions générales suivantes :
- être exposées dans l’intérêt direct de l’exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l’entreprise
- correspondre à une charge effective et être appuyées par des pièces justificatives
- se traduire par une diminution de l’actif net de l’entreprise
- être comprises dans les charges de l’exercice au cours duquel elles sont engagées
- ne pas être exclues des charges déductibles par la Loi
- ne pas être considérées comme un acte anormal de gestion (et notamment des versements sous forme de majoration ou minoration d’achats ou de ventes, des paiements de redevances excessives ou sans contrepartie, des renonciations à recette, des abandons de créances ou de commissions, des remises de dettes, et de manière générale, des avantages hors de proportion avec le service rendu ou sans contrepartie.
Non-déductibilité des frais facturés par une entreprise liée dans le cadre d’un contrat de prêt de main d’œuvre exclusif
Les frais facturés par une entreprise à une autre entreprise du même groupe dans le cadre d’un prêt de main d’œuvre exclusif ne seraient pas totalement déductibles lorsqu’ils couvriraient un but lucratif.
Un prêt de main d’œuvre exclusif est considéré comme étant à but lucratif dès lors que le montant facturé à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ne correspond pas, au franc le franc, au montant des rémunérations et des charges professionnelles rattachées au salarié prêté pour la durée de sa mise à disposition (facturation au-delà du coût de revient).
Les frais relatifs à un prêt de main d’œuvre exclusif facturé par une entreprise à une autre entreprise du groupe ne seraient déductibles du bénéfice imposable de l’entreprise utilisatrice que dans la limite du coût de revient (montant des rémunérations et des charges professionnelles rattachées au salarié prêté si leur montant est connu).
La fraction des frais facturés supérieure au coût de revient sera présumée distribuée, et donc non-déductible et soumise par ailleurs à l’impôt de distribution.
Limitation de la déductibilité des intérêts versés par les entreprises congolaises
Les intérêts versés par une société, soit à ses associés ou actionnaires, soit à des sociétés ou établissements financiers, membres d’un même groupe, à raison de somme qui lui sont mises à disposition, ne seraient déductibles que dans la limite des intérêts calculés au taux des appels d’offre de la Banque Centrale, majoré de 3 points, et à la condition que le capital social de l’entité ait été entièrement libéré.
En outre, la déduction ne serait admise, en ce qui concerne les sommes versées aux associés, ou actionnaires, possédant en droit, ou en fait, la direction de l’entreprise, que dans la mesure où ces sommes n’excèderaient pas, pour l’ensemble des associés ou actionnaires, la moitié du capital social.
Non-déductibilité des intérêts d’emprunts contractés auprès d’un tiers non-résident dont l’identité et les montants n’ont pas été déclarés
Les intérêts d’emprunts versés aux non-résidents mais non-déclarés auprès des services compétents du Ministère en charge des Finances (dans le respect de la Réglementation des changes de la CEMAC) ne seraient pas déductibles du résultat soumis à l’impôt sur les sociétés.
De même, les sommes payées, à partir d’un compte en devises, à l’intérieur et hors de la CEMAC, sous réserve d’une autorisation expresse de la BEAC, ne seraient pas déductibles des bénéfices imposables à l’impôt sur les sociétés.
Obligations en matière de prix de transfert
Les personnes morales qui sont sous la dépendance, de droit ou de fait, d’entreprises, ou groupes d’entreprises, situées hors du Congo devraient transmettre spontanément et annuellement à l’Administration fiscale, dans un délai de 6 mois suivant la date limite de dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice, une déclaration selon le modèle prescrit par l’Administration fiscale accompagnant la documentation de prix de transfert.
Les déclarations de prix de transfert devraient être accompagnées par une déclaration pays par pays (CbCR). La déclaration pays par pays devrait contenir :
- les informations agrégées sur le chiffre d’affaires, le bénéfice ou la perte avant impôts, les impôts sur les bénéfices acquittés, les impôts sur les bénéfices dus, le capital social, les bénéfices non-distribués (en précisant les exercices de rattachement), les effectifs et les actifs corporels hors trésorerie, ou équivalent de trésorerie, pour chacune des juridictions dans lesquelles le groupe d’entreprises multinationales exerce des activités
- l’identité de chaque entité du groupe multinational qui a eu une transaction contrôlée avec l’entité locale, en précisant la juridiction de résidence fiscale de chaque entité contrôlée, la nature de son activité ou de ses activités commerciales principales
Le défaut de production de la documentation et/ou de la déclaration visées ci-dessus, serait sanctionné par une amende de 5 millions de FCFA, après une mise en demeure de 8 jours restée sans réponse.
Le défaut de mise à disposition de la documentation complète de prix de transfert à la date de l’engagement de la vérification de comptabilité serait sanctionné par une amende de 25 millions de FCFA.
La production tardive de la déclaration pays par pays ou de la déclaration accompagnant la documentation de prix de transfert serait sanctionnée par une amende fiscale de 5 millions de FCFA.
Le défaut de production de la déclaration pays par pays, constaté après une mise en demeure de 8 jours, entraînerait la remise en cause des prix de transfert pratiqués dans le cadre des transactions contrôlées sur la période.
Non déductibilité des primes versés à des captives d’assurance non-congolaises
Les primes versées à une captive d’assurance appartenant à un groupe ou à une filiale d’une entreprise seraient admises en déduction uniquement dans le cas où la captive constituerait une entreprise exploitée au Congo.
Obligations de certification en matière de déclarations fiscales
Le projet de Loi de Finances pour 2023 prévoirait l’obligation de faire certifier par un conseil fiscal agréé CEMAC toutes les déclarations fiscales sous peine d’irrecevabilité.
Élargissement du champ de la RAS de 10 % (art 183 CGI tome 1)
Le champ de la retenue à la source serait étendu :
- aux institutions et aux administrations publiques, aux collectivités locales et aux établissements publics qui versent aux personnes physiques des sommes à titre de primes, émoluments, indemnités, honoraires
- aux sommes versées aux sociétés de trading par les opérateurs pétroliers et les membres du contracteur, au titre des frais de commercialisation d’hydrocarbures
Aménagement des dispositions relatives à la retenue à source – harmonisation avec la nouvelle convention fiscale CEMAC
Les sommes, ou redevances, payées par un résident congolais à un résident d’un autre état de la CEMAC en contrepartie des prestations de services feraient l’objet d’une retenue à la source de 10 %.
Modification de l’article 126 quater B du CGI
En l’absence de justification d’une installation professionnelle, par une société étrangère sous-traitante exerçant au Congo, sans établissement stable, le taux de l’impôt applicable est de 20 %.
Ce taux s’appliquerait également aux sociétés étrangères n’ayant ni domicile, ni résidence fiscale au Congo, même en cas de justification de l’ATE (Autorisation Temporaire d’Exercice).
Procédures fiscales
A compter de l’exercice 2023, certaines procédures fiscales changeraient.
Les obligations fiscales relatives aux impôts des tiers incombant au redevable légal seraient imprescriptibles, et ne pourraient donc pas faire l’objet de compensation avec les impôts du redevable légal.
L’action en recouvrement des créances fiscales du Trésor Public serait prescrite à l’expiration de la sixième année qui suit celle de la mise en recouvrement, si aucun acte n’est venu interrompre la prescription.
Les paiements en espèces des impôts, droits et taxes ainsi que des pénalités, majorations, intérêts de retard s’y rattachant seraient limités à 200.000 FCFA à partir de janvier 2023.
Enfin, la possibilité serait donnée au comptable public compétent d’affecter au paiement des impôts, droits, taxes, pénalités ou intérêts de retard dus par un contribuable, les remboursements de TVA, les dégrèvements ou restitutions d’impôts, droits, taxes, pénalités ou intérêts constatés et validés par l’Administration fiscale au bénéfice de celui-ci.
Modifications des dispositions douanières
Le secteur douanier serait affecté par plusieurs modifications.
Tout d’abord, le matériel placé en admission temporaire normale aurait une durée d’un an (y compris le temps passé en entrepôt ou en relâche) et pourrait être prorogé une fois par le Directeur Général des Douanes. En cas de dépassement des délais réglementaires, ledit matériel devrait être mis à la consommation ou placé en admission temporaire spéciale.
De plus, le matériel importé par les filiales des entreprises étrangères établies en République du Congo, qui ont le statut de succursale, ne serait plus éligible au régime d’admission temporaire normale à l’expiration des délais règlementaires accordés audit statut. En cas d’inobservation de cette disposition, l’administration des douanes procèderait par une régularisation d’office, suivie des sanctions prévues par le code des douanes CEMAC.
Enfin, les infractions à la réglementation douanière, lorsqu’elles occasionnent des droits et taxes compris ou éludés, entraineraient la perte d’office du bénéfice des régimes de franchise, d’exonération ou de taux réduit pour toutes opérations éligibles auxdits régimes.