L’article 103 du Code des douanes de l’Union (« CDU »)1, relatif à la prescription du droit de reprise des droits de douane par l’administration, a été transposé dans la Loi de finance rectificative pour 2015 (« LFR 2015 »)2.
En vertu de l’article 103 du CDU, la dette douanière doit être notifiée au débiteur dans un délai maximum de trois ans, sauf si la dette est née par suite d’un acte qui, à l’époque des faits, était passible de poursuites judiciaires répressives, auquel cas le délai est porté au minimum à 5 ans et au maximum à 10 ans.
En France, l’introduction de l’article 103 dans le CDU avait suscité l’inquiétude des opérateurs en raison du caractère pénal de l’ensemble des infractions douanières, ce qui impliquait que le délai de reprise actuel de 3 ans, figurant à l’article 354 du Code des douanes national (« CDN »), allait nécessairement être allongé. A l’époque, les autorités françaises avaient fait savoir qu’elles limiteraient l’allongement de la prescription à une durée maximale de 5 ans.
La « LFR 2015 » insère dans le CDN trois nouveaux articles 354 bis, 354 ter et 354 quater. Ces articles portent le délai de reprise de 3 à 5 ans, lorsque l’acte est passible de poursuites judiciaires répressives, et de 3 à 10 ans pour les omissions ou insuffisances d’imposition révélées à l’occasion d’enquêtes préliminaires ou de flagrance, ou encore de poursuites judiciaires engagées par le ministère public, compte tenu de la gravité des fraudes ou droits et taxes révélées dans le cadre d’une affaire judiciaire.
La LFR 2015 prévoit, tout d’abord, que le délai de reprise passe de 3 à 5 ans pour tous les actes passibles de poursuites judiciaires répressives, tout en conservant le délai de reprise de 3 ans pour les autres actes. Etant donné que toute erreur dans une déclaration en douane constitue une infraction douanière passible de poursuites judiciaires répressives, la juxtaposition de ces deux prescriptions risque de créer une insécurité juridique très forte pour les opérateurs : en effet, selon notre compréhension, le délai de 5 ans s’appliquerait aux droits et taxes, alors que le délai de 3 ans s’appliquerait aux pénalités, sans que le texte ne le précise explicitement. Par ailleurs, les nouvelles prescriptions douanières se trouvent déconnectées de l’action pénale de l’administration des douanes en répression des infractions douanières, qui continuera à se prescrire dans les conditions de droit commun pour l’action publique (prescription de 3 ans, sans distinction entre les contraventions et les délits douaniers), puisque l’article 351 CDN n’est pas modifié.
La LFR 2015 prévoit, ensuite, que le délai de reprise est interrompu par la notification d’un procès-verbal de douane, jusqu’à la dixième année qui suit celle au titre de laquelle les droits sont dus.
Enfin, le nouvel article 354 ter CDN prévoit que les omissions ou insuffisances d’imposition constitutives d’infractions ayant pour objet ou résultat le non recouvrement de droits ou taxes, révélées par une procédure judiciaire ou par une procédure devant les juridictions administratives, peuvent être réparées par l’administration des douanes jusqu’à la fin de l’année suivant celle de la décision qui a clos l’instance et, au plus tard, jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.
En pratique, ces allongements de la prescription s’appliqueront aux faits générateurs intervenant après le 1er mai 2016 et à ceux non encore prescrits à cette date. En effet, pour les opérations ayant eu lieu en 2011 et 2012, la prescription de 3 ans restera acquise (sauf, bien sûr, si des procès-verbaux couvrant ces périodes ont interrompu la prescription). Ainsi, seules les opérations effectuées à compter de 2013 pourront commencer à tomber sous le champ d’application de la prescription de 5 ans, ce qui conduit à un allongement du délai de 3 à 5 ans. En revanche, la prescription de 10 ans, relative aux actes révélés lors de procédures devant les juridictions judiciaires ou administratives, pourrait bel et bien impacter des opérations ayant eu lieu avant l’expiration des délais de 3 ou 5 ans, selon les cas. En outre, il convient de noter que l’article 355 (1) CDN prévoit toujours une prescription trentenaire, quand il y a, avant les termes prévus, un acte de l’opérateur (demande formée en justice, condamnation, promesse, convention ou obligation particulière et spéciale relative à l’objet qui est répété).
Il est regrettable que l’ensemble de ces textes ait été fait à la hâte et sans concertation avec les praticiens !