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Ancien dispositif « anti-hybride » – Cas où la société prêteuse renonce finalement au bénéfice d’un régime fiscal favorable

La CAA de Paris juge, au cas d’espèce, que la circonstance que la société prêteuse étrangère renonce rétroactivement au bénéfice d’un régime favorable (ayant eu pour effet de porter son    taux effectif d’imposition à moins de 25 % du taux standard français) ne permet pas de remettre en cause l’application à la société emprunteuse française de l’ancien dispositif « anti-hybride » (article 212, I-b du CGI, supprimé par la LF 2020).

Rappel

Pour les exercices ouverts avant le 1er janvier 2020, le b du I de l’article 212 du CGI subordonnait la déductibilité des intérêts afférents à des sommes laissées ou mises à disposition d’une entreprise par une entreprise liée au sens de l’article 39, 12 du CGI, à la condition que l’entreprise liée soit, au titre de l’exercice concerné, assujettie à raison de ces mêmes intérêts à un impôt sur le résultat dont le montant était au moins égal à 25 % de l’impôt français sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun.

Pour l’entreprise créancière domiciliée à l’étranger, ce taux s’entendait de celui dont elle aurait été redevable en France sur les intérêts perçus si elle y avait été établie. Dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration précisait que, pour effectuer cette comparaison, il convenait de déterminer « le taux effectif d’imposition sur ces intérêts, en tenant compte des dispositions de la législation de l’Etat de l’entreprise créancière afférente à ces sommes (mesures d’abattement par exemple) » (BOI-IS-BASE-35-50, § 80, 1er août 2018).

Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, la LF 2020 a instauré un nouveau dispositif de lutte contre les dispositifs hybrides susceptibles de produire des effets fiscaux asymétriques (Règles « ATAD 2 », codifiées aux art. 205 B, 205 C et 205 D du CGI). Le dispositif de l’article 212, I-b a été supprimé à cette occasion (loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019, de finances pour 2020, art. 45).

L’histoire

A l’issue d’un contrôle portant sur les exercices 2013 et 2014, l’Administration a rejeté la déductibilité des intérêts supportés par une société française au titre d’un prêt octroyé par sa société mère à 100 %, résidente fiscale de l’Île Maurice, sur le terrain de l’ancien dispositif anti-hybride de l’article 212, I-b du CGI.

L’Administration a relevé, à cet égard, que la société prêteuse était assujettie, au titre de l’exercice litigieux, à un impôt sur les bénéfices de 3 %, découlant de l’application d’un régime fiscal spécifique (« GBL1 ») prévoyant un abattement de 80 % de l’impôt calculé au taux de droit commun mauricien de 15 % – soit in fine un taux inférieur à 25 % du taux standard français (8,33 % à l’époque des faits).

Devant les juges d’appel, la société française a contesté l’application de l’ancien dispositif anti-hybride, faisant valoir que sa mère mauricienne avait ensuite rétroactivement renoncé au bénéfice du régime « GBL1 » et, à titre subsidiaire, sa compatibilité au droit de l’Union européenne, ainsi qu’à la convention franco-mauricienne.

La décision de la CAA de Paris

Sur l’application de l’ancien dispositif anti-hybride

Rappelons, à titre liminaire, que le juge de l’impôt a, à plusieurs reprises, jugé qu’il convient de se référer au taux effectif d’imposition de l’emprunteuse, et non pas au taux légal (CE, 13 juillet 2022, n°451533, SASU Thaï Union France Holding 2, plus récemment, CAA Toulouse, 26 septembre 2024, n°23TL00674).

Ici, la société requérante ne contestait pas l’application d’un taux effectif de 3 % au titre des années soumises à contrôle (2013 et 2014), mais faisait valoir, de manière étayée, que sa mère mauricienne avait rétroactivement renoncé, par un courrier daté de mai 2018, au bénéfice du régime « GBL1 », et qu’elle avait reversé, aux autorités mauriciennes, le complément d’imposition dont elle aurait été redevable si elle n’avait pas bénéficié de ce régime.

La CAA de Paris juge néanmoins que ces démarches – engagées postérieurement au déclenchement du contrôle fiscal diligenté par l’administration fiscale française de la société emprunteuse – ne permettaient pas pour autant de considérer qu’au cours des années 2013 et 2014, la prêteuse aurait été soumise à un impôt au moins égal à 25 % de l’impôt français.

Sur la compatibilité de l’ancien dispositif « anti-hybride » avec le principe de libre circulation des capitaux

La société française se prévalait de l’existence d’une restriction indirecte à la liberté de circulation des capitaux.

Pour mémoire, la liberté de circulation des capitaux fait obstacle aussi bien aux mesures introduisant une différence de traitement entre résidents et non-résidents (restrictions directes), qu’à celles qui, bien que s’appliquant indistinctement aux résidents et aux non-résidents, défavorisent, de fait, les situations transfrontalières par rapport aux situations purement internes (restrictions indirectes).

La CAA de Paris relève toutefois que l’ancien dispositif anti-hybride se bornait à prévoir un traitement différencié des sociétés concernées selon le niveau d’imposition du prêteur et non selon le siège de ce dernier (dans le même sens, CE, 13 juillet 2022, n°451533, SASU Thaï Union France Holding 2).

Sur la compatibilité de l’ancien dispositif « anti-hybride » avec la convention franco-mauricienne

La Cour confirme également que les dispositions de l’article 212, I-b du CGI n’établissaient aucune discrimination à raison de la nationalité ou du lieu de situation du siège de la société créancière et ne contrevenaient donc pas à la clause de non-discrimination figurant à l’article 25 de la convention franco-mauricienne (pour une analyse similaire s’agissant de la clause de non-discrimination de la convention franco-suisse, voir CAA Toulouse, 26 septembre 2024, n°23TL00674).   

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