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Articulation entre le régime mère-fille et l’appréciation du caractère « privilégié » d’un régime fiscal au sens de l’article 238 A du CGI

Photo du Conseil d'Etat

Dans le cadre de l’application du dispositif anti-abus de l’article 123 bis du CGI, le Conseil d’État juge que l’appréciation du caractère « privilégié » d’un régime fiscal, au sens de l’article 238 A du CGI, doit se faire en considération de l’impôt sur les bénéfices ou les revenus dont la personne aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, lesquelles incluent le régime fiscal des sociétés mères.

L’article 123 bis du CGI prévoit que les personnes physiques domiciliées en France, qui détiennent directement ou indirectement au moins 10 % dans une entité étrangère à prépondérance financière et soumise à un « régime fiscal privilégié », sont imposées à raison de leurs droits sur les bénéfices ou revenus positifs dans cette entité au titre des RCM.

Ce dispositif n’est cependant pas applicable si l’entité est établie dans l’UE ou dans un État ayant signé une convention d’assistance avec la France et que la détention des titres ou des droits ne peut être regardée comme constitutive d’un montage artificiel dont l’objet serait de contourner la législation fiscale française (clause de sauvegarde).

La notion de « régime fiscal privilégié » est définie par renvoi à l’article 238 A du CGI. Dès lors, une personne est réputée soumise à un tel régime dans un État étranger lorsqu’elle n’y est pas imposable, ou lorsqu’elle y est assujettie à des impôts sur les bénéfices ou les revenus inférieurs de 50 % ou plus (dispositions applicables avant 1er janvier 2020) ou 40 % ou plus (dispositions applicables à compter du 1er janvier 2020) à ceux dont elle aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France si elle y avait été domiciliée ou établie.

Cette comparaison entre l’impôt acquitté à l’étranger et celui qui aurait été acquitté en France doit s’effectuer in concreto (CE, 21 mars 1986, n°53002). En pratique, il y a donc lieu de comparer, au titre d’un exercice donné, la charge fiscale effectivement supportée, au titre de ses bénéfices ou de ses revenus, par la structure établie hors de France à celle que supporterait dans les conditions de droit commun cette même structure, à raison des mêmes bénéfices ou revenus, si elle était établie en France (BOI-IS-BASE-60-10-10-20-20140627, § 120).

Par ailleurs, l’Administration a précisé, au titre de l’application de l’article 123 bis du CGI, que pour la détermination des résultats de l’entité étrangère, le régime des sociétés mères peut s’appliquer lorsque les conditions requises par l’article 145 du CGI sont remplies (BOI-RPPM-RCM-10-30-20-20-20120912, § 320).

L’histoire

À l’issue d’un ESFP au titre des exercices 2009 et 2010 et d’un contrôle sur pièces pour l’exercice 2011, les 2 associés résidents fiscaux français d’une société luxembourgeoise ont fait l’objet de rehaussements d’IR et des prélèvements sociaux sur le fondement de l’article 123 bis du CGI à raison des bénéfices réalisés par cette dernière. La société luxembourgeoise, est une société de participations financières, qui perçoit des dividendes de sa filiale unique, une société de droit français.

L’Administration, dont le raisonnement a été confirmé par les juges du fond, a ainsi considéré que les 2 contribuables ne pouvaient se prévaloir du régime des sociétés mères et filiales défini aux articles 145 et 216 du CGI pour apprécier le caractère « privilégié » du régime fiscal auquel était soumise la société localisée au Luxembourg.

La décision

Après avoir rappelé qu’en vertu des dispositions de l’article 238 A du CGI le caractère « privilégié » d’un régime fiscal doit être apprécié au regard de l’impôt sur les bénéfices ou sur le revenu dont la personne aurait été redevable en France dans les conditions de droit commun, le Conseil d’État précise que ces conditions de droit commun incluent le régime fiscal des sociétés mères défini aux articles 145 et 216 du CGI.

Il conclut qu’en se limitant, pour déterminer si la société luxembourgeoise relevait d’un « régime fiscal privilégié », à relever que la société luxembourgeoise ne pouvait se prévaloir du régime des sociétés mères au motif que ce régime est optionnel et qu’il relèverait d’une décision de gestion et en omettant de rechercher si cette même société aurait rempli les conditions pour bénéficier du régime des sociétés mères si elle avait été établie en France, la Cour a commis une erreur de droit.

Le Conseil d’État entérine donc la position de la doctrine administrative.

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