Par son arrêt du 5 novembre 2025 (Cour de cassation n° 23-19.780, chambre commerciale), la chambre commerciale de la Cour de cassation s’inscrit dans le sillage tracé par la première chambre civile (Cour de cassation n° 23-19.780 FS-D, 1re chambre civile, 21 mai 2025) et met un terme définitif à l’incertitude jurisprudentielle entourant la nature fiscale de l’exercice de la clause de préciput en excluant son assujettissement au droit de partage.
L’exercice de la clause de préciput : une prérogative exclusivement matrimoniale
La clause de préciput, fondée sur l’article 1515 du Code Civil, confère au conjoint survivant la faculté de prélever « avant tout partage » un ou plusieurs biens sur la communauté. Ce mécanisme, qui ne se conçoit que dans le cadre d’une communauté conventionnelle, trouve sa source dans la volonté des époux exprimée par leurs conventions matrimoniales lors de la rédaction du contrat de mariage préalable à sa célébration ou à l’occasion d’un changement de régime matrimonial au cours du mariage.
Il s’agit donc d’un droit très protecteur du conjoint survivant qui forme un avantage matrimonial en ce qu’il permet un enrichissement plus important que ce que le régime légal ne prévoit et sans contrepartie.
Le choix des biens concernés par le préciput – qu’il s’agisse d’immeubles, de meubles corporels ou même de liquidités – ainsi que la nature des droits transmis – pleine propriété, usufruit ou nue-propriété – relèvent d’une liberté de choix quasi-total, sous réserve, toutefois, des limites posées par l’action en retranchement lorsque subsiste un enfant non commun à protéger au titre de la réserve héréditaire.
L’origine et l’évolution du contentieux fiscal
Ces dernières années, un contentieux s’était cristallisé autour du traitement fiscal de cette opération. L’administration fiscale tentait en effet de la soumettre au droit de partage, arguant qu’il s’agirait d’une opération assimilable à un partage.
Différents cas d’espèce ont ainsi été portés devant l’autorité judiciaire. Certains juges du fond ont suivi la position administrative (Cour d’appel de Grenoble n° 23/01411, 24 septembre 2024), tandis que d’autres (Cour d’appel de Rennes n° 24/04419, 23 septembre 2025 et Cour d’appel de Douai n° 22/01865, 28 août 2025) ont conservé une lecture civiliste du droit de préciput estimant « qu’il n’était pas concevable de traiter le préciput comme une attribution dans le partage ».
Rappel de la loi : le préciput intervient avant tout partage
Face à cette incertitude, la décision de la Cour de cassation vient clore ce débat en consacrant le principe selon lequel l’exercice de la clause de préciput ne revêt nullement le caractère d’une opération de partage.
La haute juridiction rappelle que selon l’article 1515 du Code Civil, ce droit s’exerce avant tout partage, ne requiert aucune contrepartie et peut être exercé unilatéralement par le conjoint survivant.
Une pratique désormais sereine
Il découle de cette position une conséquence pratique : le recours à la clause de préciput échappe définitivement au droit de partage.
Les praticiens disposent ainsi d’un instrument efficace et juridiquement sécurisé pour organiser la transmission patrimoniale et assurer une protection fiable au conjoint survivant.
Charge aux praticiens de s’emparer, désormais en toute sécurité juridique, du droit de préciput et de l’utiliser dans une stratégie de planification successorale qui répond à la complexité des situations familiales de leurs clients.
