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Cession d’une entité dépourvue de substance économique : absence d’abus de droit

Le Conseil d’État juge que la cession des éléments d’actifs nécessaires à l’exercice de l’activité opérationnelle d’une société n’est pas de nature, à elle seule, à conférer à la cession postérieure des titres de cette société un caractère artificiel dissimulant en réalité la liquidation de celle-ci. Il écarte, au cas d’espèce, l’existence d’un abus de droit.

L’histoire

Une société spécialisée dans le transport aérien cède, le 10 juin 2011, le seul avion dont elle disposait, et procède au licenciement de ses 2 pilotes salariés. Le produit de la vente est, pour partie, placé sur un compte au Liechtenstein. En novembre 2011, son certificat de transporteur aérien lui est retiré.

Le 16 décembre 2011, les associés de la société cèdent la totalité de leurs actions à un tiers, qui l’absorbe sans liquidation en juin 2012.

L’un des cédants, qui se trouvait être son gérant et associé majoritaire, a entendu bénéficier du mécanisme d’abattement spécifique prévu en faveur des dirigeants partant à la retraite (CGI, art. 150-0 D ter, dans sa rédaction alors vigueur), aboutissant, au cas d’espèce, à une exonération de la totalité de la plus-value réalisée dans le cadre de la cession des titres.

L’Administration a remis en cause l’opération sur le terrain de l’abus de droit par fraude à la loi.

Elle a considéré que la cession revêtait un caractère artificiel et procédait d’un montage visant à dissimuler la liquidation de la société, dans le double but de bénéficier (i) du régime d’imposition des plus-values de valeurs mobilières (versus une imposition dans la catégorie des RCM) et (ii) de l’abattement spécifique de l’article 150-0 D ter du CGI.

Elle en a déduit que le prix de cession devait s’analyser, après déduction des apports, comme un boni de liquidation, imposable dans la catégorie des RCM.

Le Comité de l’abus de droit fiscal a émis un avis favorable à la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit (avis n°2017-12, séance du 22 septembre 2017). Les juges du fond ont confirmé le redressement.

La décision du Conseil d’État

Dans un considérant de principe très ramassé, le Conseil d’État juge que la cession des éléments d’actifs nécessaires à l’exercice de l’activité opérationnelle d’une société n’est pas de nature, à elle seule, à conférer à la cession postérieure des titres de cette société un caractère artificiel dissimulant en réalité la liquidation de celle-ci et justifiant l’imposition d’un boni de liquidation entre les mains du cédant.

Il écarte l’existence d’un abus de droit au cas d’espèce, en réservant toutefois la question d’une possible remise en cause du bénéfice de l’abattement prévu à l’article 150-0 D ter du CGI.

Les conclusions du rapporteur public apportent des éléments de réflexion complémentaires. On notera notamment les 2 points suivants :

Cette solution est à rapprocher de précédentes décisions du Conseil d’État rendues, comme ici, du côté du cédant (notamment, CE, 7 juillet 2010, n°309009).

Rappelons, en revanche, que le Conseil d’État a retenu l’existence d’un abus de droit, côté acquéreur, à raison de l’acquisition de « coquilles vides » (affaires dites des « coquillards », notamment, CE, 17 juillet 2013, n°352989 – et tout récemment, CE, 29 novembre 2024, n°469012, Sté Hellier du Verneuil, voir ci-avant).

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