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Justification du montant d’une provision : faculté d’invoquer une méthode alternative à celle initialement appliquée

Le Conseil d’État juge que, pour justifier du montant d’une provision comptabilisée et déduite fiscalement, une société peut invoquer devant l’Administration ou le juge de l’impôt une méthode alternative à celle initialement appliquée (solution rendue dans le contexte spécifique des provisions techniques du secteur des assurances, mais dont la portée nous semble générale).

Rappel

Si la décision d’une entreprise de constituer ou non une provision s’apparente à une décision de gestion qui lui est opposable (CE, 29 mai 1968, n°72043), ce n’est en revanche pas le cas du choix de la méthode retenue pour évaluer le montant d’une provision, à moins que celle-ci n’exerce une option qui lui est ouverte par la loi fiscale (CE, 11 février 1994, n°117302).

Le Conseil d’État admet ainsi de longue date qu’un contribuable puisse justifier devant le juge de l’impôt du bien-fondé de l’évaluation d’une provision, par une autre méthode que celle qu’il a primitivement suivie. Dans cette hypothèse il incombe au juge de se prononcer sur la méthode alternative ainsi avancée, avant de valider la méthode d’évaluation de la provision proposée par l’Administration (voir notamment CE, 21 novembre 2007, n°274912 et CE, 10 février 1989, n°73281).

L’histoire

Au titre de l’exercice clos en 2007, une société exerçant une activité de réassurance des caisses régionales du groupe auquel elle appartient a comptabilisé et déduit une provision pour sinistres à payer correspondant à des opérations d’assurances cédées par les caisses régionales.

Le montant de cette provision a été déterminé par l’application de 2 méthodes actuarielles : la méthode dite « Chain-Ladder » (méthode basée sur l’observation historique des cadences de règlements ou de charges, permettant d’appréhender la probabilité des sinistres à intervenir) et la méthode dite « Mack » qui venait majorer la provision déterminée via le recours à la seule méthode « Chain-Ladder ».

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a admis dans son principe la déduction de cette provision, mais elle a toutefois remis en cause la déduction de la fraction de provision déterminée selon la méthode « Mack » (i.e. composante « provision pour risques et incertitudes » de la provision pour sinistres à payer).

Les juges du fond ont confirmé le redressement.

La CAA de Paris a notamment écarté l’argument de la société, selon lequel celle-ci aurait « en tout état de cause » été fondée à déduire de son résultat fiscal les provisions pour sinistres à payer telles que déterminées par les caisses régionales, lesquelles étaient supérieures à sa propre évaluation de ces mêmes provisions augmentées de la provision pour « risques et incertitudes » en application de la méthode « Mack » (en l’espèce les caisses régionales avaient eu recours à la méthode « dossier par dossier », en application des dispositions prévues par l’article R. 331-15 du Code des assurances).

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État confirme sa jurisprudence admettant la faculté d’invoquer devant le juge de l’impôt une méthode de calcul alternative à celle initialement appliquée pour justifier le montant de la provision déduite.

Il relève l’argument avancé devant la CAA de Paris, selon lequel la société était en droit de déduire l’intégralité de la provision pour sinistres à payer litigieuse dès lors que son montant déterminé en application des méthodes « Chain-Ladder » et « Mack » était inférieur à celui qui aurait résulté de l’évaluation selon la méthode « dossier par dossier » prescrite par les dispositions de l’article R. 331-15 du code des assurances (voir en ce sens CE, 10 décembre 2004, n°236706, qui juge qu’une société peut constituer une provision d’un montant moindre de celui qui serait justifié).

Selon le Conseil d’État un tel argument devait être regardé, comme le recours par la société, « comme elle en avait la possibilité », à une méthode de calcul alternative à celle initialement appliquée. Il renvoie donc l’affaire devant la CAA.

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