Refus de transmission d’une QPC : le Conseil d’Etat confirme l’exclusion de l’indemnité de non-concurrence au bénéfice du CIMR.
Rappel du contexte
Pour mémoire, lors de la mise en place du prélèvement à la source (PAS), afin d’éviter le versement en 2019 d’un double impôt sur les revenus (au titre du revenu 2019 dans le cadre du PAS et au titre du revenu 2018 dans le cadre du régime antérieur), le législateur a entendu accorder un crédit d’impôt (« crédit d’impôt de modernisation du recouvrement » ou CIMR) à raison des revenus non exceptionnels perçus en 2018 par chacun des membres du foyer fiscal, en fonction de la catégorie d’imposition à laquelle se rapportent ces revenus (traitements et salaires, revenus fonciers, bénéfices des travailleurs indépendants, rémunérations des dirigeants).
Les revenus exceptionnels ont été exclus du dispositif pour éviter des comportements d’optimisation fiscale de la part des contribuables consistant à concentrer la perception de leurs revenus lors de cette année dite « année blanche ».
A ce titre, rappelons que constituent des revenus exceptionnels de la catégorie « « traitements et salaires », les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail.
Par exception (à cette exception), l’article 60 II C 1° de la loi de finances pour 2017 énumère 4 types d’indemnités versées à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail qui entrent malgré tout dans le champ d’application du CIMR, à savoir :
- les indemnités compensatrices de congés ;
- les indemnités compensatrices de préavis ;
- les indemnités de fin de contrat de travail à durée déterminée ;
- les indemnités de fin de mission.
A l’occasion du présent litige, se posait alors la question des indemnités de non-concurrence perçues par certains salariés à l’occasion de la rupture de leur contrat de travail et non expressément visées par ces dispositions (l’amendement déposé en ce sens par le député M. Le Fur au cours de la 2e lecture du PLF2017 à l’Assemblée nationale ayant été rejeté – cf. Amendement II-744).
L’histoire
En raison d’une transaction conclue en 2016, un contribuable a perçu une indemnité de non-concurrence durant plusieurs mois au cours de l’année 2018.
Celui-ci a contesté l’exclusion de ces sommes du bénéfice du CIMR et a soulevé une QPC portant sur la conformité des dispositions de l’article 60 II C 1° de la loi de finances pour 2017 aux articles 6 (principe d’égalité devant la loi) et 13 (principe d’égalité devant les charges publiques) de la DDHC de 1789.
Cette QPC a été transmise au Conseil d’Etat.
La décision
Afin de trancher de la question, le Conseil d’Etat relève que l’indemnité de non-concurrence est certes de nature salariale, toutefois ses bénéficiaires ne se trouvent pas, pour la détermination du montant du CIMR, dans une situation identique à celle des bénéficiaires de revenus salariaux non exceptionnels.
De même, les 4 indemnités prévues par le Code du travail – congés/préavis/CDD et fin de mission – qui bénéficient du CMIR, peuvent être versées à l’ensemble des salariés (i.e. elles correspondent à des revenus qui auraient été perçus si le contrat n’avait pas été rompu ou sont destinées à compenser, pour un motif d’intérêt général, la précarité de la situation du salarié qui les perçoit), alors que l’indemnité de non-concurrence bénéficie à certains salariés uniquement, lorsqu’elle est prévue par les conventions collectives et les contrats de travail (voir en ce sens les conclusions du rapporteur public, Céline Guibé sous la décision : « L’étendue de l’obligation pesant sur le salarié est très variable, selon la nature des intérêts à protéger et des spécificités de l’emploi exercé. Par ailleurs, elle doit être limitée non seulement dans le temps, mais encore dans l’espace de manière à ne pas restreindre excessivement la faculté du salarié d’exercer normalement son activité professionnelle auprès d’un autre employeur »). Les bénéficiaires de ces différentes indemnités ne se trouvent donc pas dans une situation identique.
Dès lors, le Conseil d’Etat conclut qu’en excluant l’indemnité de non-concurrence du champ d’application du CIMR, le législateur s’est fondé sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but poursuivi, lequel ne se résume pas à la lutte contre l’optimisation fiscale.
Il juge ainsi que les dispositions contestées ne sauraient méconnaître les principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques, qui ne sont pas nouveaux, et ne peuvent être regardées comme soulevant une question sérieuse.
La QPC soulevée n’est donc pas renvoyée au Conseil constitutionnel.