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Confirmation du contrat : l’exécution d’un contrat de cession de droits sociaux potentiellement nul est considéré comme une confirmation tacite

L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 21 avril 2022 (Pourvoi n° 20-16.295) précise le régime de la confirmation d’un contrat de cession de droits sociaux frappé par la nullité pour cause de dol. La désignation d’un arbitre afin qu’il puisse déterminer la valeur des droits sociaux cédés, en application d’une stipulation contractuelle du contrat de cession en cause, est une exécution volontaire tacite dudit acte frappé de nullité. Pour la Cour de cassation, il faut y voir un acte de renonciation à se prévaloir de la nullité par la partie victime du dol. 

Une affaire classique

L’affaire est banale. Des parties à une cession de parts sociales d’une société immobilière avaient fixé contractuellement un prix provisoire à la cession des droits sociaux. Le contrat précisait que l’une ou l’autre des parties à la cession avait la possibilité de désigner un arbitre afin de faire fixer le prix définitif des parts sociales de la société civile immobilière devant être cédées.

L’acquéreur découvre ensuite, après la conclusion de la cession, plusieurs événements ayant eu un impact sur la valorisation des droits sociaux. En effet, la veille de la cession, des fonds sociaux ont été détournés par le cédant et huit mois plus tôt, une autre société dont l’un des cédants était le gérant avait déposé une marque sous le nom commercial sous lequel la société cible exerçait son activité et était connue aux yeux du public, faisant ainsi perdre la disponibilité de ce nom commercial.

Après la découverte par l’acquéreur de ces manœuvres, les actes frauduleux ont été régularisés : remboursement des fonds sociaux détournés, et dépôt de marque retiré.

Postérieurement, donc en ayant connaissance de tous ces éléments, l’acquéreur décide néanmoins de faire application de la stipulation contractuelle l’autorisant à désigner un arbitre afin de procéder à la valorisation des droits sociaux. L’arbitre ayant évalué les parts sociales à une somme inférieure à celle qui avait été fixée provisoirement dans l’acte de cession, l’acquéreur change de tactique et il intente une action en justice demandant l’annulation de la cession des droits sociaux pour cause de dol, sur le fondement de l’article 1137 du Code civil.

Les juges des différentes juridictions ne contestent pas la qualification dolosive de l’acte, qui en l’espèce, ne laissait peu de place au doute. En effet, le dol est un vice de consentement qui affecte la régularité de la formation du contrat et qui est constitué, dans le cadre d’une cession de droits sociaux, si les conditions suivantes sont réunies :

  1. l’auteur du dol est une des parties à l’acte de cession, ou un de ses représentants
  2. un acte positif (mensonge, escroquerie etc.) ou une dissimulation d’information considérée comme pouvant affecter la réalité du consentement de l’autre partie est réalisé 
  3. l’auteur du dol a l’intention de tromper la partie adverse et 
  4. la victime du dol, sans ces agissements, n’aurait pas contracté ou n’aurait pas contracté aux mêmes conditions.

Classiquement, l’acte dolosif peut être sanctionné sur le terrain de la nullité qui serait dans ce cas relative. Il en résulte que l’action n’est qu’à la seule partie à l’acte ayant un intérêt à requérir la nullité. 

Un arrêt inédit

Dans cette affaire, la cour d’appel (Cour d’Appel de Rennes, 3 mars 2020) confirme la nullité de l’acte de cession des droits sociaux prononcé en première instance car elle considère « que les manœuvres qui ont été menées par le cédant ont vicié le consentement de l’acquéreur, qui sans elles, n’aurait pas contracté. Le fait qu’après la cession ces manœuvres ont été régularisés n’a aucune incidence sur la gravité de ces manœuvres. »

Néanmoins, la Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel sur le fondement de l’article 1338 ancien du code civil, applicable à l’espèce, dont la teneur est reprise au nouvel article 1182 avec une rédaction plus contemporaine : « l’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation » (première phrase de l’alinéa 3 de l’article 1182).

En effet, la Cour retient dans son arrêt « que la partie à un acte dont le consentement a été vicié par erreur, violence ou dol peut renoncer à la nullité relative qui en résulte par une exécution volontaire de l’acte irrégulier, dès lors qu’elle connaissait le vice du contrat l’affectant ». Elle considère ainsi que l’acquéreur, qui en toute connaissance des manœuvres dolosives a exécuté volontairement le contrat en demandant l’exécution d’une de ses stipulations contractuelles (fixation du prix par un arbitre) entendait confirmer tacitement le contrat ; il avait donc renoncé à invoquer la nullité du contrat.

Cette décision n’est pas surprenante juridiquement puisque la partie victime d’un acte susceptible d’être annulé peut confirmer l’acte dolosif en exécutant volontairement l’acte, même tacitement, dès lors que la nullité n’est que relative.

La solution n’est pas nouvelle non plus, en ce sens que la Cour de cassation maintient sa jurisprudence en matière de confirmation implicite. Sans doute est-ce pour cela que l’arrêt demeure inédit, sans les honneurs d’aucune publicité.

Les enseignements à en tirer

En premier lieu, on décèle, sous-jacent à la décision, la volonté d’exiger des parties des stratégies cohérentes : il n’est pas possible d’opter pour des stratégies inconciliables juridiquement par pur opportunisme. C’est l’idée défendue par l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui que la Cour de cassation retenait en 2017.

En second lieu, et même si l’hypothèse est spécifique, il convient, afin de préserver les droits de l’acquéreur dans un tel cas, de d’abord intenter une action en nullité pour vice du consentement tout en demandant en parallèle une expertise avant dire droit sur la base d’un fondement légal et non contractuel. Dans ce cas, cela pourrait permettre à l’acquéreur d’obtenir une évaluation des droits sociaux réalisée par un expert indépendant tout en se gardant la possibilité de demander la nullité de l’acte de cession dans le cas où le résultat de l’évaluation des droits sociaux ne répondrait pas à ses attentes.

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