Le Conseil d’État rappelle que la société mère d’un groupe d’intégration fiscale doit être informée préalablement à la mise en recouvrement des conséquences chiffrées sur le résultat d’ensemble du redressement d’une des sociétés membres de l’intégration fiscale, y compris lorsque la société redressée est la société mère elle même.
À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale notifie un rehaussement du résultat imposable des exercices 2006 à 2008 d’une société, membre et mère d’un groupe d’intégration fiscale. Préalablement à la mise en recouvrement des suppléments d’impôts générés par ce redressement, l’Administration porte à la connaissance de la société redressée les conséquences financières des redressements en sa seule qualité de membre du groupe intégré sans préciser les conséquences que ceux-ci emportaient sur le résultat d’ensemble du groupe.
Or, depuis le 1er novembre 2004, les dispositions de l’article R 256-1, al. 4 du LPF imposent à l’Administration d’adresser à la société mère un document l’informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable et qui résultent d’une procédure de rectification suivie à l’égard d’une ou plusieurs sociétés membres du groupe d’intégration fiscale. L’objet de cette obligation d’information est de permettre à la mère intégrante de comprendre les conséquences sur le résultat d’ensemble des rehaussements pratiqués au titre des résultats individuels des filiales.
La société conteste donc l’insuffisance de l’information qui lui a été adressée par l’Administration dans la mesure où elle se limitait à présenter les conséquences des rehaussements sur son résultat individuel. Par une décision du 9 octobre 2018, la CAA de Douai a considéré que cette omission n’était pas de nature à remettre en cause les suppléments d’impôts contestés dans la mesure où les éléments d’information communiqués à la société par le courrier en cause, lui auraient permis (i) d’identifier les montants retenus par l’Administration pour calculer l’assiette des suppléments d’impôts envisagés, (ii) de comprendre l’erreur qui avait conduit le service à les déterminer et (iii) de contester utilement ceux-ci – à tel point d’ailleurs que la société a pu obtenir un premier dégrèvement avant la saisine des premiers juges, puis un autre dégrèvement en cours d’instance devant le TA de Lille.
L’affaire est portée devant le Conseil d’État qui ne l’entend pas de cette manière et juge que l’administration fiscale a méconnu la portée de la garantie consistant, pour la société mère d’un groupe fiscalement intégré, à être informée des conséquences, sur le résultat d’ensemble, des redressements dont a fait l’objet une des sociétés membres du groupe, y compris ceux de la société mère elle-même en sa qualité de société membre du groupe intégré.
Il étend ainsi la position déjà retenue dans le cas d’une société membre au cas où ladite société membre est la tête d’intégration fiscale. En effet, le Conseil d’État a pu se prononcer à plusieurs reprises pour considérer que l’information de la tête de groupe doit comporter les conséquences chiffrées des redressements des filiales au niveau du résultat d’ensemble et non seulement au niveau des sociétés membres redressées (voir en ce sens CE, 21 octobre 2011, Sté Financière Snop Dunois, n° 325619).
La jurisprudence a, par le passé, déjà clarifié l’étendue de l’obligation d’information pesant sur l’Administration en application de l’article R 256-1 du LPF et notamment précisé :
- Sur le contenu de l’obligation : une référence aux procédures de rectification menées avec les sociétés membres doit être mentionnée et un tableau chiffré récapitulant les conséquences sur le résultat d’ensemble doit être joint (CE, 7 février 2007, min. c/ Sté Weil Besançon, n° 279588 et CE, 2 juin 2010, Sté France Telecom, n° 309114). La société mère doit, en outre, être informée du montant des pénalités appliquées ainsi que de leurs modalités de détermination (CE, 13 décembre 2013, EURL Pub Finance, n° 338133).
- Sur la forme de l’obligation : le courrier est une information non une notification de redressement devant suivre les règles procédurales de l’article L. 57 du LPF (CE, 19 novembre 2008, n° 298728).
- Sur la portée de l’obligation : seule l’information de la société mère est nécessaire, sans que celle-ci puisse se prévaloir d’un droit à présenter des observations (CE, 15 février 2019, n° 407694).
Par ailleurs, la CAA de Nantes a dernièrement refusé de prononcer la décharge des impositions subies par une filiale intégrée alors que l’AMR reçu ne faisait pas référence au document d’information reçu par la société mère, ainsi que le requièrent les dispositions du LPF. Dans la lignée de la décision de la CAA de Douai, elle a estimé qu’il s’agissait d’une simple erreur matérielle qui n’avait pas privé la société mère d’une garantie, ni de la possibilité de contester utilement les montants mis en recouvrement (CAA Nantes, 17 janvier 2019, n° 17NT01944, demande de pourvoi rejetée par le Conseil d’État). - Sur le délai d’information :
- Ce document doit être transmis à la société mère préalablement à la mise en recouvrement des rappels correspondant : pas de décharge d’imposition en cas de réception de l’information avant la notification de l’AMR à la société mère et de la proposition de rectification à la société contrôlée (CE, 15 février 2019, n° 407694).
- La réception de l’information concomitamment à l’AMR justifie la décharge des impositions mises en recouvrement (TA Montreuil, 1er décembre 2016, n° 1510172).