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Convention fiscale franco-tunisienne : non-application de la règle du butoir au titre de CI forfaitaires sur redevances de brevets

Le Conseil d’Etat vient de juger que l’imputation des crédits d’impôt issus de retenues à la source prélevées en Tunisie sur des redevances de concession de licences d’exploitation de brevets n’est pas plafonnée au montant de l’impôt français déterminé sur ces mêmes redevances (i.e. non-application de la règle du butoir, CE, 19 février 2024, n°469407).

Rappel

La convention fiscale franco-tunisienne de 1973 rattache l’imposition des redevances provenant de la concession de licences d’exploitation de brevets à l’État de destination (art. 19 § 2 de la convention). Elle plafonne le montant de la retenue à la source applicable dans l’État de la source des redevances à 15 % de leur montant brut (art. 19 b de la convention).

L’article de la convention visant à éliminer la double imposition, prévoit de façon classique une exonération en France des revenus soumis exclusivement à l’impôt en Tunisie, et une imposition en France avec imputation d’une réduction d’impôt égal à l’impôt prélevé en Tunisie pour les autres revenus, dont les redevances (art. 29 § 1 de la convention). De façon dérogatoire, un crédit d’impôt forfaitaire de 20 % de leur montant brut est disponible en France au titre des redevances reçues par un résident fiscal français d’un résident fiscal tunisien et provenant de la concession de licences d’exploitation de brevets (art. 29 § 1 d de la convention).

Le présent litige, relatif aux crédits d’impôt imputables en France au titre des redevances provenant de la concession de licences d’exploitation de brevets en provenance de Tunisie, a conduit le Conseil d’Etat à trancher la question de l’application de la règle du butoir à ces redevances dans le cadre spécifique de la convention Franco-tunisienne.

L’histoire

Au cours des exercices 2014 à 2016, une société française a perçu des redevances d’origine tunisienne au titre de la concession de licences de brevets. Ces redevances ont été soumises à une RAS de 15 % en Tunisie (plafond de l’art. 19 § 2b de la convention franco-tunisienne précitée) et à l’IS en France au taux de 15 % applicable à l’époque (CGI, art. 39 terdecies).

Afin de déterminer le montant des crédits d’impôts imputables sur l’impôt français, la société a, dans un premier temps, plafonné le montant du crédit d’impôt imputable (20 %) au montant de l’IS afférent à ces redevances (15 %).

Elle a par la suite estimé avoir appliqué à tort cette règle du butoir et a demandé à l’Administration, par voie de réclamation, un dégrèvement d’impôt à hauteur des 5 % complémentaire.

Le litige a été porté devant la CAA de Versailles qui a tranché en faveur de la société (CAA de Versailles, 4 octobre 2022, n°20VE02187, Sté Somfy). Elle a jugé que le crédit d’impôt attaché aux redevances de concession de licences d’exploitation de brevets d’origine tunisienne n’était pas plafonné au montant de l’impôt français déterminé sur ces mêmes redevances (i.e. non-application de la règle du butoir).

La décision du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat confirme l’arrêt d’appel. Il juge que les redevances versées à une société résidente de France, provenant de la concession de licences d’exploitation de brevets et imposées à la source en Tunisie ouvrent droit à un crédit d’impôt égal à 20 % de leur montant brut, sans que soit pris en compte le montant de l’impôt payé en France correspondant à ces revenus.

Le Conseil d’Etat estime en effet qu’il ne résulte pas des stipulations conventionnelles que le montant du crédit d’impôt imputable en France qu’elles prévoient serait limité à celui de l’impôt français correspondant à ces redevances.

Il précise qu’est sans incidence à cet égard la circonstance que l’objet principal de l’article 29 de la convention bilatérale est l’élimination des doubles impositions dès lors que cet objet n’implique pas que le montant du crédit d’impôt imputable en France soit nécessairement limité à celui de l’impôt français correspondant aux revenus susceptibles d’être imposés par chacun des Etats partie à la convention.

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