L’ordonnance n°2020 321 du 25 mars 2020 a récemment été précisée par le décret n°2020-418 du 10 avril 2020 venant compléter les règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants, s’agissant des personnes morales et des entités dépourvues de personnalité morale de droit privé.
Pour ces personnes et entités (dont une liste indicative est mentionnée à l’article 1er de l’ordonnance n°2020-321 du 25 mars 2020), le décret précise ainsi qu’en cas de délégation de la compétence pour convoquer l’assemblée au représentant légal de la personne morale, l’acte de délégation doit être établie par écrit, préciser la durée de cette délégation, ainsi que l’identité et la qualité du délégataire (art. 2).
Si la possibilité d’un vote par correspondance est actée, l’organe compétent ou le représentant légal agissant sur délégation peut décider que les membres de l’assemblée peuvent adresser leurs instructions de vote à l’adresse électronique indiquée dans la convocation (art. 3). Si une représentation, vote par procuration, est permise, il peut tout autant décider que les membres de l’assemblée peuvent adresser leurs mandats à cette même adresse.
Le décret tue ainsi dans l’œuf une lecture restrictive de l’ordonnance qui commençait à se répandre, selon laquelle les associations et les SAS ne pouvaient pas procéder par voie de consultation écrite lors de leurs assemblées car la loi ne le prévoyait pas. L’ordonnance indiquait en effet, en son article 6, « lorsque la loi prévoit que les décisions des assemblées peuvent être prises par voie de consultation écrite de leurs membres… ». Or, le régime des assemblées des associations et des SAS est renvoyé à la… liberté contractuelle ; elle ne prévoit donc rien expressément. Une lecture téléologique s’imposait s’agissant d’un texte d’urgence destiné à adapter le droit usuel. Ce que certains écartaient donc au profit d’une lecture littérale. Il est pourtant facile de considérer qu’en renvoyant à la liberté contractuelle la loi « prévoit » bien, et sans s’y opposer, une consultation… ce qu’elle ne fait pas alors, c’est simplement organiser elle-même les modalités de cette consultation. En indiquant désormais qu’il suffit que les dispositions légales ou réglementaires le « permettent », cela valide pleinement d’y avoir recours pour les associations ou les SAS. La loi le permet, puisqu’elle ne s’y oppose pas !
Des précisions propres aux SARL et à certaines sociétés par actions
Le décret n°2020-418 du 10 avril 2020 permet, toujours au profit de l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou le représentant légal agissant sur sa délégation, de décider que les associés ou les actionnaires peuvent voter aux assemblées par des moyens électroniques de télécommunication. Ne sont ici concernées que les seules sociétés à responsabilité limitée (Sàrl) et sociétés anonymes (SA) ou autres sociétés de capitaux bénéficiant du régime prévu aux articles R. 223-20-1, R. 225-61 ou R. 228-68 (assemblées d’obligataires, de porteurs de titres participatifs et de porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital) du Code de commerce (art. 5). Cette possibilité de vote « électronique » est prévue par le règlement sans qu’une clause statutaire ne soit nécessaire.
Lorsque l’assemblée est convoquée dans un lieu où il est impossible de se réunir en raison d’une mesure administrative qui limite ou qui interdit tout rassemblement collectif (art. 4 alinéa 1er de l’ordonnance n°2020-321), le décret prévoit, pour l’actionnaire donnant mandat à l’une des personnes mentionnées à l’article L. 225-106 du Code de commerce, que les procurations données par voie électronique peuvent parvenir à la société jusqu’au 4e jour précédant l’assemblée générale (art. 6 du décret). Les instructions du mandataire, qui les adresse par message électronique, doivent également se faire dans ce même délai. En l’état, l’article 7 du décret n° 2020-293 « interdit sur le territoire de la République jusqu’au 11 mai 2020 », « tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert ».
L’article 7 du décret relatif aux assemblée et aux réunions des organes de gouvernance précise que l’actionnaire ayant déjà exprimé son vote à distance, envoyé un pouvoir ou demandé sa carte d’admission ou une attestation de participation, peut choisir un autre mode de participation à l’assemblée, si tant est que ce changement parvienne à la société jusqu’au 4e jour qui précède la tenue de l’assemblée. Cette disposition est bien comprise comme une dérogation au III de l’article R. 225-85 du Code de commerce, et ne nécessite pas la présence d’une clause statutaire à cet effet. Si une telle demande est faite, les anciennes instructions reçues doivent être révoquées.
Des apports concernant la présidence des assemblées et les scrutateurs pour les sociétés concernées
Le décret, à son article 8, précise que si l’assemblée d’actionnaires ne peut être présidée par le président du Conseil d’administration ou du Conseil de surveillance, ou à défaut par la personne prévue par les statuts, l’assemblée est « présidée par la personne désignée à cet effet » par l’organe convoquant, qui est choisie parmi ses membres (CA ou CS) ou à défaut, parmi les mandataires sociaux.
Cette disposition s’applique de manière restrictive aux seules SA, SCA, sociétés européennes, assemblées spéciales de porteurs de certificats d’investissement et assemblées de porteurs d’actions à dividende prioritaire sans droit de vote (art. 8, II). Les SAS en sont donc exclues mais leur régime étant, par essence, plus souple, cela ne constitue pas un obstacle.
Il est ensuite précisé (article 8, I, 2°) que l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou son délégataire doit désigner deux scrutateurs, choisis dans la mesure du possible parmi les actionnaires. En plus des sociétés et assemblées détaillées ci-dessus, cette disposition s’applique également aux assemblées d’obligataires, assemblées de porteurs de titres participatifs et assemblées de porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital.
L’ensemble des personnes désignées à cet article 8 (identité et qualité) doit faire l’objet d’une mesure d’information auprès des membres des assemblées (art. 8 III), le décret précisant que cela peut être réalisé par tous moyens et doit intervenir « dès que possible ».
D’autres éclaircissements en matière d’assurances
Par ailleurs, le décret distingue le cas de certaines personnes régies par le Code des assurances, à savoir le président du Conseil d’administration d’une association souscriptrice de contrats d’assurance de groupe sur la vie ou de capitalisation (art. L. 141-7 du Code des assurances), qui peut décider d’un vote par correspondance ou d’un vote électronique sous réserve du respect du secret du vote et de la sincérité du scrutin (art. 9). Aucune indication n’est donnée quant aux moyens qui satisfont à cette exigence de secret du vote et de sincérité du scrutin ; on en déduit donc qu’il faudra être attentif aux moyens déployés, mais qu’il n’y a là qu’une obligation de moyens.
Enfin, concernant les sociétés d’assurance mutuelle, il est indiqué que les sociétaires et les délégués peuvent, sur décision du Conseil d’administration, du directoire ou du Conseil de surveillance, voter par correspondance ou par procuration ; et ce toujours sous respect des principes de secret et de sincérité (art. 10). Cet organe peut de plus décider que les pouvoirs susceptibles d’être confiés à un même mandataire ne peuvent être supérieurs à dix. Cette précision déroge aux exigences de l’article R 322-58 du Code des assurances.
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