Les entreprises doivent redoubler de vigilance quant à l’application des règles de cumul des aides d’Etat.
Nombre d’entreprises perçoivent des aides d’Etat diverses sous des formes variées (subventions, avances remboursables, prêt à taux zéro, aides fiscales etc.).
Ce constat soulève une question pratique dont les enjeux sont très souvent méconnus : celle du cumul d’aides d’Etat différentes par une même entreprise.
Il existe en effet un certain nombre de règles dont la raison d’être est évidente. Le cumul indéfini d’aides d’Etat, quelles qu’en soient les formes, conduirait au dépassement des seuils au-delà desquels leur versement ne pourrait plus être valablement effectué. Les mesures d’aides qui méconnaîtraient ces règles de cumul constitueraient ainsi des aides irrégulières.
Or, les risques de mise en cause des aides irrégulières et des demandes de remboursement des sommes indûment versées tendent à se multiplier. Ceci résulte de ce que le contrôle des aides d’Etat a gagné en efficacité avec l’émergence de nouvelles obligations de transparence.
En conséquence, les obligations en matière du cumul d’aides d’Etat et les risques qui y sont associés doivent désormais se retrouver au centre des préoccupations des entreprises.
Les obligations en matière de cumul d’aides d’Etat
Les règles applicables
D’une manière générale, il y a lieu de souligner que, par principe, le cumul des aides d’Etat est autorisé. Cette autorisation est toutefois assortie de certaines limites qu’il est possible de présenter ainsi :
Aides individuelles distinctes relevant d’un même dispositif d’aide
En premier lieu, il convient d’envisager le cas d’aides individuelles distinctes, mais qui relèvent d’un même dispositif d’aide (aide autorisée par la Commission, ou d’une aide exemptée en vertu, par exemple, du Règlement n° 651/2014 du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ; ci-après : RGEC, Règlement Général d’Exemption par Catégorie), et dont le montant est, par définition, calculé sur la base des mêmes coûts éligibles.
Ces aides individuelles sont cumulables entre elles dans la limite du taux d’intensité ou du montant d’aide maximal prévu par le texte auquel elles se rattachent (régime d’aide établi sur la base du RGEC ou autorisé par la Commission).
A titre d’exemple, deux aides individuelles accordées par l’Etat et par une collectivité territoriale sous forme de subventions au titre du Régime-cadre exempté de notification n° SA.40207 relatif aux aides à la formation pour la période 2014-2020 peuvent être cumulées dans les conditions prévues par son paragraphe 5.5. Ainsi, deux subventions accordées sur le fondement de ce Régime en faveur de la formation d’un travailleur non défavorisé et non handicapé peuvent être cumulées par une entreprise de taille moyenne dans la limite de 60% des coûts admissibles (c’est-à-dire les dépenses assumées par le bénéficiaire et faisant l’objet de l’aide).
Aides individuelles relevant de dispositifs d’aides distincts
En deuxième lieu, des aides individuelles relevant de dispositifs d’aides distincts peuvent être cumulées.
A cet égard, l’article 8 du RGEC dispose, en ce qui concerne les aides exemptées, que si les coûts admissibles au titre de telles aides (relevant de dispositifs distincts) sont différents, celles-ci peuvent être cumulées indéfiniment (chacune de ces aides individuelles ne pouvant cependant être allouée que dans la limite des seuils lui étant applicable).
En revanche, dès lors qu’elles portent sur les mêmes coûts admissibles, ces aides individuelles relevant de dispositifs distincts pourront être cumulées dans la limite du taux d’intensité d’aide maximal ou du montant d’aide le plus élevé.
Ainsi, par exemple, deux subventions accordées respectivement au titre des régimes relatifs aux aides à la Recherche, au Développement et à l’innovation (RDI) et aux Aides à Finalité Régionale (AFR) afin de financer des dépenses relatives à des machines pourront être cumulées dans la limite du taux d’intensité d’aide maximal le plus élevé de ces deux régimes, soit 25% (à savoir le taux applicable au régime RDI).
Il en va également ainsi pour le cumul d’aides de l’UE octroyées par les institutions, les agences, des entreprises communes ou d’autres organes de l’Union avec des aides d’Etat. En effet, le montant total du financement public octroyé au titre des mêmes coûts admissibles ne doit pas excéder le taux de financement le plus favorable prévu par les règles applicables du droit de l’Union.
Ce principe est encore retenu pour le cumul d’aides aux coûts admissibles non identifiables. Dans ce cas de figure particulier (hypothèse de subventions dont le montant n’est pas déterminé au regard de coûts identifiables), les aides concernées peuvent être cumulées dans la limite du seuil de financement maximum.
Enfin, des obligations comparables sont prévues par d’autres règlements (Règlement n° 702/2014 du 24 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du TFUE ; Règlement n° 1388/2014 du 16 décembre 2014 déclarant certaines catégories d’aides aux entreprises actives dans la production, la transformation et la commercialisation des produits de la pêche et de l’aquaculture compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du TFUE).
Cumul d’aides impliquant une ou plusieurs aides de minimis
En troisième lieu, il convient de traiter le cas des cumuls d’aides impliquant une ou plusieurs aides de minimis.
Tout d’abord, il convient de souligner que différentes aides de minimis relevant du Règlement de minimis (Règlement n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis) peuvent être cumulées entre elles dans la limite de 200 000 euros sur une période de 3 ans.
Il en va de même s’agissant des aides de minimis relevant d’autres règlements de minimis « sectoriels » qui peuvent être cumulées entre elles dans la limite des plafonds qui leur sont applicables :
- Règlement n°1408/2013 du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture : 15 000 euros
- Règlement n°717/2014 du 27 juin 2014 concernant l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture : 30 000 euros
- Règlement n°360/2012 du 25 avril 2012 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis accordées à des entreprises fournissant des services d’intérêt économique général : 500 000 euros
Les aides de minimis relevant du Règlement de minimis peuvent également être cumulées avec des aides de minimis relevant d’autres règlements de minimis « sectoriels » à la double condition, d’une part, que chacune des aides de minimis cumulées ne dépasse pas le plafond qui lui est propre conformément au règlement de minimis dont elle relève et, d’autre part, que le montant global des aides cumulées n’excède pas le plafond le plus favorable (soit, par exemple, 200 000 euros, au titre du Règlement de minimis « général » ou 500 000 euros, au titre du Règlement de minimis SIEG, Service d’Intérêt Economique Général).
Enfin, les aides de minimis peuvent être cumulées avec des aides exemptées en vertu du RGEC ou autorisées par la Commission.
Mais ce cumul ne saurait excéder l’intensité d’aide maximale ou le montant d’aide maximum prévu par le RGEC ou la décision de la Commission autorisant l’aide. A cet égard, le montant d’aide pris en compte doit être déterminé au vu des mêmes coûts admissibles. Cependant, les aides de minimis dont le montant n’est pas déterminé au vu de coûts admissibles spécifiques peuvent être cumulées librement avec des aides d’Etat exemptées en vertu du RGEC ou autorisées par la Commission.
Synthèse
Cumul d’aides autorisées et/ou exemptées entre elles
- Aides relevant d’un même dispositif d’aide : cumul dans la limite dans la limite du taux d’intensité ou du montant d’aide maximal prévu par le dispositif
- Aides relevant de dispositifs d’aides différentes :
- coûts admissibles différents : cumul sans limite
- coûts admissibles identiques : cumul dans la limite du taux d’intensité d’aide maximal ou du montant d’aide le plus élevé
Cumul d’aides de minimis entre elles
- Des aides relevant d’un même règlement de minimis peuvent être cumulées entre elles dans la limite du plafond leur étant applicable
- Les aides de minimis relevant du Règlement de minimis peuvent être cumulées avec des aides de minimis relevant d’autres règlements de minimis « sectoriels » à la double condition :
- d’une part, que chacune des aides de minimis cumulée ne dépasse le plafond qui lui est propre conformément au règlement de minimis dont elle relève
- d’autre part, que le montant global des aides cumulées n’excède pas le plafond le plus favorable
Cumul d’aides autorisées ou exemptées avec des aides de minimis
- Aides dont le montant est calculé au vu des mêmes coûts admissibles : cumul dans la limite de l’intensité d’aide maximale ou le montant d’aide maximum prévu par le RGEC ou la décision positive de la Commission autorisant l’aide
- Aides dont le montant n’est pas calculé au vu de coûts admissibles : possibilité de cumul sans limite
L’application des règles
La mise en oeuvre des règles qui précèdent appelle différentes précisions.
En premier lieu, les mesures d’aides concernées par ces règles de cumul sont toutes celles qui relèvent des articles 107 et 108 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) et ce quelles qu’en soient l’origine (communautaire, nationale ou locale) et la forme (subventions, garanties d’emprunt, avantages fiscaux, prêts, avances remboursables, etc.).
En deuxième lieu, la vérification du cumul des aides d’Etat intervient nécessairement après le contrôle de la validité des mesures d’aides concernées permettant d’affirmer que celles-ci peuvent valablement s’analyser comme des aides notifiées à la Commission puis autorisées par celle-ci, des aides exemptées ou des aides de minimis.
En troisième lieu, les montants des aides pris en compte pour l’application des règles de cumul sont déterminés grâce au calcul de l’équivalent-subvention, lequel permet d’unifier la méthode de calcul du montant des mesures d’aides quelles que soient leur forme.
Il existe l’équivalent-subvention brut permettant de chiffrer le volume d’aide, et l’équivalent subvention net calculant l’avantage réel qui reviendra à l’entreprise après paiement de l’impôt. Le plus souvent, c’est l’équivalent-subvention brut qui est retenu pour l’application des règles de cumul. Il en va cependant différemment dans certains cas. Ainsi par exemple, pour l’application des règles de cumul de certaines aides à finalité régionale, il est tenu compte de l’équivalent-subvention net.
On ne saurait trop insister sur ce point puisque, s’il n’est pas possible de calculer précisément et préalablement l’équivalent-subvention brut, les règlements relatifs aux exemptions par catégories ou aux aides de minimis et, par conséquent, les règles de cumul que prévoient ces textes, ne sont pas applicables (RGEC, article 5 ; Règlement de minimis, article 4).
S’agissant, en dernier lieu, des aides notifiées à la Commission puis autorisées par cette dernière, ou des aides exemptées, des questions délicates n’ont pas été tranchées en ce qui concerne le niveau auquel les règles de cumul des aides doivent être appliquées. A titre d’exemple, les aides à comparer aux règles de cumul sont-elles celles qui se rapportent à une même activité, un même projet ou une même entreprise ?
Le RGEC est pour le moins imprécis sur ce point puisque celui-ci dispose dans son article 8 :
afin de déterminer si les seuils de notification fixés à l’article 4 et les intensités d’aide maximales fixées au chapitre III sont respectés, il est tenu compte du montant total des aides d’État octroyées en faveur de l’activité, du projet ou de l’entreprise considérés.
Le considérant 25 du RGEC n’est pas plus clair puisque celui-ci dispose :
afin de déterminer si les seuils de notification et les intensités d’aide maximales prévus par le présent règlement sont respectés, il convient de tenir compte du montant total des mesures d’aide d’État accordées pour l’activité ou le projet considérés.
Les choses sont plus simples s’agissant des règles de cumul des aides de minimis qui doivent être examinées au niveau de l’entreprise unique, cette notion visant toutes les entités contrôlées (en droit ou en fait) par la même entité (RGEC, article 2).
Les risques pesant sur les opérateurs économiques
Des obligations de transparence accrues
Le droit des aides d’Etat s’est récemment enrichi avec de nouvelles obligations de transparence qui concernent tant les administrations que leurs bénéficiaires.
S’agissant des obligations de transparence pesant sur les administrations, plusieurs observations doivent être formulées.
En ce qui concerne, par exemple, les aides exemptées, l’article 9 du RGEC prévoit que chaque Etat-membre assure sous sa responsabilité, la publication, sur un site Internet dédié (au niveau local ou national) :
- du texte intégral de chaque mesure d’aide et leurs modifications éventuelles ;
- et de certaines informations concernant les aides dont le montant excède 500 000 euros.
Le site Internet de la Commission doit également renvoyer vers les sites Internet indiqués ci-dessus. Ce site Internet doit également mentionner certaines informations succinctes concernant chaque mesure d’aide exemptée par le RGEC, ainsi qu’un lien fournissant l’accès au texte intégral de la mesure d’aide, et ce dans les 20 jours ouvrables qui suivent son entrée en vigueur.
Le considérant 27 du RGEC précise que :
Cette obligation doit constituer une condition de compatibilité de l’aide individuelle concernée avec le marché intérieur.
Des dispositions comparables concernent certains types d’aides telles que les aides sous forme fiscale, ou encore les aides exemptées en vertu d’autres règlements (Règlement n°702/2014 du 24 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides, dans les secteurs agricoles et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du TFUE ; Règlement n°1388/2014 du 16 décembre 2014 déclarant certaines catégories d’aides aux entreprises actives dans la production, la transformation et la commercialisation des produits de la pêche et de l’aquaculture compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du TFUE).
Par ailleurs, en ce qui concerne les aides relevant du Règlement de minimis, une alternative est prévue par son article 6. Le paragraphe 1 de cet article prévoit en effet que préalablement à l’octroi d’une aide de minimis, la personne publique concernée doit obtenir du bénéficiaire potentiel une déclaration mentionnant les autres aides de minimis perçues au cours des deux exercices fiscaux précédents et de l’exercice fiscal en cours.
Cette obligation de déclaration a été prise en compte par la circulaire du 14 septembre 2015 relative à l’application du Règlement n°1407/2013 de la Commission européenne du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.
Une telle demande est toutefois sans objet dès lors qu’un registre central des aides de minimis contenant des informations complètes sur toutes les aides de minimis octroyées a été mis en place pour une période excédant trois exercices fiscaux.
Enfin, les administrations ont l’obligation de conserver les dossiers d’aides contenant toutes les pièces justificatives concernées pendant un délai de 10 ans, lequel correspond au délai dans lequel la Commission peut demander aux Etats-membres qu’ils récupèrent les aides irrégulièrement attribuées (RGEC, article 12 et Règlement de minimis, article 6).
D’autres obligations pèsent directement sur les bénéficiaires des aides.
Par exemple, la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations prévoit dans son article 10 diverses obligations à la charge des bénéficiaires telles que la remise, à l’autorité ayant octroyé la subvention, d’un compte-rendu financier attestant de la conformité des dépenses effectuées à l’objet de la subvention, dès lors que le montant de cette dernière excède 23 000 euros (décret n°2001-495 du 6 juin 2001 pris pour l’application de l’article 10 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques, article 3). Ce compte-rendu doit comporter les informations prévues par l’arrêté du 11 octobre 2006 relatif au compte-rendu financier prévu par l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
De même, les dispositions de l’article 10 précité prévoient que tout opérateur économique bénéficiaire a l’obligation de déposer en préfecture son budget, ses comptes, la convention de subvention ou le compte rendu financier (sauf pour les associations ou les fondations).
S’ajoutent également à ces obligations celles qui procèdent de la circulaire du 26 janvier 2006 relative à l’application au plan local des règles communautaires de concurrence relatives aux aides publiques aux entreprises dont le paragraphe 2.2.2 prévoit qu’à l’occasion du dépôt d’une demande d’aide ou de la signature d’une convention, chaque entreprise est tenue de déclarer à l’administration concernée l’ensemble des aides reçues ou sollicitées pour le projet qu’elle présente et des aides perçues au cours des trois dernières années.
Un risque de remise en cause des aides irrégulières renforcé
Les obligations de transparence rappelées ci-dessus ont assurément pour effet de renforcer l’efficacité des contrôles menés par les administrations sur les conditions d’attribution et d’exécution des aides.
A cet égard, il y a lieu de rappeler que la nécessité d’un contrôle de l’octroi des aides est constamment rappelée, en particulier par le RGEC, dont le considérant 27 dispose qu’ : « étant donné que les aides d’Etat au sens de l’article 107 paragraphe 1, du traité sont, en principe, interdites, il est important que toutes les parties puissent vérifier si une aide est octroyée conformément aux règles applicables » (il convient d’ailleurs de souligner que les dispositions du considérant 27 précité visent plus généralement les « parties », c’est-à-dire aussi bien les administrations octroyant les aides, que les bénéficiaires, auxquels il revient, dès lors, de s’assurer également du contrôle de la régularité des aides qui leur sont versées).
De fait, des contrôles sont pratiqués par les administrations au stade de l’attribution et de l’exécution des actes et conventions sur la base desquelles ces dernières octroient des aides (s’agissant des aides distribuées par les collectivités territoriales, cf. : Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), article L1611-4).
Il peut également s’agir de contrôles externes menés, par exemple, par la Commission européenne, les chambres régionales des comptes (code des juridictions financières, article L211-4) ou l’inspection générale des finances (ordonnance n° 58-896 relative à des dispositions générales d’ordre financier du 23 septembre 1958, article 31).
Or, le renforcement du contrôle des aides par les administrations est de nature à multiplier les risques de remise en cause des aides irrégulières, notamment parce qu’elles méconnaissent les règles de cumul présentées ci-dessus.
Cette remise en cause pourra consister, notamment, dans le retrait de l’aide par l’administration concernée, un tel retrait ayant mécaniquement pour conséquence d’obliger l’opérateur économique bénéficiaire à rembourser les montants indument perçus.
Ce retrait de la décision d’attribution de l’aide ne doit pas nécessairement intervenir dans les 4 mois de son adoption comme c’est le cas pour les décisions à la fois individuelles, créatrices de droits et illégales (Code des relations entre le public et l’Administration, article L.242-1 ; CE ass., 26 octobre 2001, Ternon, req. n°197018). En matière de subventions, il semble en effet que l’Administration puisse retirer à tout moment la décision d’attribution à l’origine de leur octroi dès lors, notamment, que celle-ci méconnaît les règles qui lui sont applicables (Code des relations entre le public et l’Administration, article L.242-2 ; CE, 29 mars 2006, Centre d’exportation du livre français, req. n°274923 et CAA Paris, 15 juin 2015, Syndicat de traitement des déchets ménagers du Sud Est Seine-et-Marne, n°14PA030305), que les subventions en cause soient fondées sur un contrat ou un acte unilatéral (CE, 5 juillet 2010, CCI de l’Indre, req. n°308615).
A cet égard, la récupération ne saurait être tenue en échec par différents obstacles tirés par exemple de l’application du droit interne (prescription, absence de motivation du titre de recettes prescrivant l’exécution etc.). En réalité, seule une impossibilité absolue, telle que le rachat de l’entreprise bénéficiaire, est de nature à justifier l’absence de récupération (CJCE, 18 octobre 2007, Commission c/ France, aff. C-441/06 ; CJCE, 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimédia SpA, aff. C-328/99 et C-399/00, points 55 et s.).
Enfin, la remise en cause des aides irrégulières peut également être provoquée par les concurrents des opérateurs économiques bénéficiaires au moyen de recours formés devant la Commission (Règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, article 24) ainsi que les juridictions européennes (CJUE, 22 décembre 2008, British Aggregates c/ Commission, aff. C-487/06, point 30 ; CJCE, 22 novembre 2007, Espagne c/ Lenzing, aff. C-525/04, points 34 et s.) ou nationales (cf. par exemple, CAA Paris, 5 octobre 2004, Ministre de la culture et de la communication, n°01PA02717).
En définitive, le risque de remboursement des aides irrégulières doit bien conduire les entreprises concernées à agir de manière préventive en vérifiant que les aides dont elles sont bénéficiaires leur sont allouées dans le respect des règles cumul applicables.