La CAA de Paris revient sur la notion d’établissement stable (prestataire) au regard de la TVA
Une société irlandaise exerce une activité de marketing digital en Europe, notamment par l’intermédiaire de sociétés sœurs, et en particulier via sa sœur française. En vertu d’un contrat de prestations de services intra-groupe, cette société française doit lui fournir un certain nombre de services d’assistance marketing. En contrepartie, elle est remboursée de ses frais et perçoit une rémunération égale à 8 % desdits frais.
L’Administration a considéré que la société irlandaise n’était qu’une entité de facturation et de signature des contrats passés avec les clients français et que l’activité marketing en France était réalisée par la société française, constitutive d’un établissement stable en France de la société irlandaise. Partant, la société irlandaise devait être regardée comme le redevable de la TVA afférente à l’ensemble des prestations facturées aux clients français, TVA qui avait été en pratique auto-liquidée par les clients assujettis en France.
On rappelle qu’un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d’un assujetti, que s’il présente un degré de permanence et une structure apte, du point de vue de l’équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées (CGI, art. 259 et 259 B et CJCE, 4 juillet 1985, C-168/84, Berkholz et 17 juillet 1997, C-190-95, Aro). La CAA de Versailles considère que tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce.
- Concernant l’existence de moyens humains : la Cour relève d’abord que les salariés français ne pouvaient décider seuls de la mise en ligne des annonces publicitaires, le lancement des programmes étant toujours subordonné à la signature préalable des contrats par les dirigeants de la société irlandaise, même si cette signature présentait un caractère d’automatisme et s’apparentait à une simple validation des contrats négociés et élaborés par les salariés de la société française.
- Concernant l’existence de moyens matériels : la Cour considère que les infrastructures nécessaires à la délivrance des services litigieux étaient regroupées dans des centres de données situés aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et en Suède et qu’aucun de ces équipements n’était situé sur le territoire français. Le parc informatique limité dont disposait la société française n’avait donc pas la nature d’un centre de données et n’était pas assez puissant pour permettre la prise en charge des traitements d’exécution des campagnes publicitaires.
Par conséquent, l’existence de moyens humains et matériels n’est pas démontrée.
L’avis du praticien : Marie Manuelli
Cette décision, favorable au contribuable, est intéressante d’un point de vue pratique. En effet, la notion d’établissement stable (prestataire) repose toujours sur un faisceau d’indices qu’il convient d’analyser pour déterminer la présence cumulée de moyens matériels/techniques et humains. Au cas présent, la cour a effectué une analyse détaillée des deux critères alors qu’il aurait été suffisant de constater l’absence de l’un d’eux pour démontrer qu’il n’existe pas d’établissement stable.