Garantie personnelle par excellence, la caution s’engage à exécuter l’obligation d’une autre personne « débiteur principal », bref, à payer au créancier ce que lui doit le débiteur principal s’il défaille. Acte considéré dangereux parce que la conscience de l’engagement (payer) n’est pas immédiatement perceptible par la caution, il n’a eu de cesse d’être assorti de règles protectrices. C’est ainsi que le cautionnement doit satisfaire aux conditions de validité du droit commun des contrats, mais aussi, et surtout, au droit spécial consumériste dès lors que le cautionnement est souscrit par une personne physique au profit d’un créancier professionnel.
C’était le cas en l’espèce. Il s’agissait en même temps d’un cautionnement intéressé, comme la jurisprudence l’identifiait il y a une vingtaine d’années, avant l’avènement d’une législation tatillonne.
Il ne fait désormais aucun doute que le cautionnement répond à des conditions strictes que la Cour de cassation examine régulièrement en raison d’un abondant contentieux, dont cet arrêt est une parfaite illustration. La Cour de cassation s’est montrée inflexible en annulant des cautionnements litigieux, à durée déterminée, en raison de la non-conformité de la clause de durée de l’engagement (Cass. Com., 13 décembre 2017 n°15-24.294 FS-P+B+I).
Pour contextualiser l’arrêt, une personne physique s’est portée caution des dettes de la société qu’elle dirigeait et dont elle était associée, envers les coassociés de celle-ci ; elle est par la suite appelée en paiement. Pour échapper à ses engagements, la caution a invoqué la nullité des actes de cautionnement en raison de leur non-conformité aux dispositions légales prescrites par le Code de la consommation relatives aux mentions manuscrites concernant la durée de l’engagement (C. Consom., art. L. 341-2 ancien, désormais L. 331-2). En effet, la clause de durée stipulait que les cautionnements étaient valables « jusqu’au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d’accord » entre le créancier et le débiteur principal, la durée était donc alternative avec un terme incertain. C’est cette mention prévoyant une durée alternative qui était au cœur du litige.
La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 3 juillet 2015 (n°15/07127) juge les dispositions de l’article précité non respectées : les cautionnements sont nuls. Les créanciers ont formé un pourvoi sur le fondement que ledit article n’impose aucune obligation quant à la manière dont la durée de l’engagement doit être déterminée et ne prohibe nullement le choix d’une durée alternative fixée au regard d’un événement futur précisément défini. Le pourvoi est rejeté par la chambre commerciale de la Cour de cassation jugeant que les mentions de durée de l’espèce « ne permettaient pas à la caution de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci ». Ainsi pour la Haute juridiction, une telle mention ne satisfait pas aux exigences textuelles et justifie la nullité du cautionnement. Elle approuve ainsi la cour d’appel de Paris qui avait jugé que la mention « pour la durée de […] » implique, pour un cautionnement à durée déterminée, l’indication d’une durée précise.
L’enseignement de cet arrêt est que si les parties optent pour un cautionnement à durée déterminée, la mention doit permettre à la caution de connaître la durée de son engagement. En revanche, cet arrêt paraît en contredire un autre de la même chambre datant du 15 novembre 2017 qui avait admis la conformité d’un cautionnement à durée indéterminée avec l’ancien article L. 341-2 précité portant exigence de certaines mentions manuscrites (Cass. Com., 15 nov. 2017, n°16-10.504 F-P+B+I). Cette relative souplesse pourrait s’expliquer du fait de la faculté unilatérale de résiliation dont bénéficie la caution lorsqu’elle s’est engagée à durée indéterminée.
Précisons en outre que la recherche de la qualité de dirigeant de la caution est inopérante, elle ne permet pas de présumer sa connaissance de l’étendue de son engagement, les mentions obligatoires prévues par le Code de la consommation restent applicables comme le rappelle la Cour de cassation conformément à sa jurisprudence antérieure (Cass. Com., 28 avril 2009 n°08-11.616). La réalité de la connaissance par la caution de la durée de son engagement, parce que, par exemple, c’est elle qui le détermine en sa qualité de dirigeant du débiteur principal, quand bien même elle serait démontrée par le créancier, ne modifie en rien la solution.
En attendant un éventuel assouplissement à intervenir lors de la réforme du droit des sûretés, actuellement au stade avant-projet, la vigilance doit rester de mise pour les créanciers quant au strict respect du formalisme des mentions manuscrites lors de la conclusion du cautionnement pour éviter tout échappatoire ultérieur de la caution sur ce fondement. En la matière, la forme l’emporte sur le fond.