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France-Luxembourg : à nouveau du retard dans l’application de la convention fiscale ?

Le mille-feuille juridique applicable aux salariés frontaliers France Luxembourg

Face aux multiples textes encadrant les régimes sociaux et fiscaux du salarié frontalier France Luxembourg, une attention particulière doit être portée à l’alignement entre ces deux régimes, tant pour le travailleur frontalier que pour son employeur luxembourgeois. Pour rappel, la France et le Luxembourg ont signé le 20 mars 2018 une nouvelle convention fiscale internationale dont voici les principaux contours :

 

A retenir !

Un travailleur frontalier exerçant son activité professionnelle à temps complet (218 jours) pourra travailler en télétravail depuis la France (hors locaux de l’employeur et/ou clientèle) :

    • jusqu’à 34 jours sans implication sociale et fiscale, sous réserve de la ratification du dernier avenant à la Convention par la France : les contributions de sécurité sociale et l’impôt sur le revenu ne sont dus que dans l’Etat où se situe l’employeur (Luxembourg);
    • jusqu’à 54 jours (< 25 %) sans implication sociale en France mais avec une imposition en France sur les 54 jours de télétravail via les modalités allégées du PASRAU pour l’employeur luxembourgeois;
    • jusqu’à 108 jours (< 50 %) sans implication sociale en France, sous réserve que l’activité en France soit exercée exclusivement en situation de télétravail (hors locaux de l’employeur et/ou clientèle) et en l’absence de voyages d’affaires : l’impôt sur revenu dû en France sur les 108 jours sera prélevé selon les modalités initiales du PASRAU avec une obligation mensuelle et annuelle pour l’employeur luxembourgeois;
    • au-delà de 109 jours (> 50 %) : la rémunération versée par l’employeur luxembourgeois doit être assujettie aux charges de sécurité sociale française et au prélèvement à la source, au prorata des jours travaillés hors du Luxembourg pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu: un bulletin de paie français doit être édité mensuellement.

Cette nouvelle convention modifie ainsi la méthodologie d’élimination de la double imposition afin de moderniser et d’harmoniser l’approche retenue du côté français, notamment pour les traitements et salaires et les pensions de source luxembourgeoise.

Cette modification entraine une bascule de l’exonération des revenus de source luxembourgeoise selon la méthode dite « du taux effectif » (ancienne Convention d’avril 1958), vers celle du « crédit d’impôt égal au montant de l’impôt français correspondant à ces revenus à condition qu’ils soient effectivement soumis à l’impôt luxembourgeois » (avenant du 10 octobre 2019).

Compte tenu de l’augmentation de la charge fiscale pour les foyers disposant concomitamment de revenus de source française et de revenus de source luxembourgeoise, l’administration fiscale française a accepté de manière dérogatoire et exceptionnelle, d’écarter l’application de la nouvelle méthode du crédit d’impôt pour l’imposition des revenus 2020, 2021 et 2022. En conséquence, la nouvelle Convention n’a pas encore montré ses pleins effets.

A ce jour, cette mesure correctrice et palliative n’a pas été reconduite pour l’imposition des revenus de 2023.

Un accord approuvé par le Luxembourg, en attente côté français

Un nouvel avenant du 7 novembre 2022 prévoit l’augmentation du seuil de tolérance à 34 jours pour les travailleurs résidents fiscaux de France, frontaliers avec le Luxembourg : ces derniers peuvent travailler jusqu’à 34 jours en dehors du Luxembourg sans que ces jours donnent lieu à une imposition effective en France. En deçà de ce seuil et sans autre source de revenu, le contribuable français échappera à l’impact négatif du changement de méthodologie pour l’élimination de la double imposition.

Le 3 mai 2023, la Chambre des députés du Luxembourg a donné son approbation à ce dernier avenant augmentant le nombre de jours de télétravail et de déplacement professionnel pour les travailleurs frontaliers français. Nous attendons encore la ratification de cet avenant du côté français.

Un impact fiscal encore incertain pour les travailleurs frontaliers

D’un point de vue social, l’accord-cadre (« Framework Agreement on the Application of article 16 (1) of Regulation (EC) N° 883/2004 in cases of habitual cross-border telework ») auquel la France et le Luxembourg sont parties, permet depuis le 1er juillet 2023 de travailler (uniquement) en situation de télétravail depuis la France au profit de son employeur luxembourgeois pour une durée n’excédant pas 49,9 % de son activité professionnelle totale (accord dérogatoire basé sur l’article 16 du Règlement (CE) n° 833/2004).

Du point de vue fiscal, il est possible pour un employeur luxembourgeois et son employé frontalier résident fiscal de France de bénéficier des formalités allégées du PASRAU dès lors que ce dernier n’est pas à la charge d’un régime obligatoire français de sécurité sociale en application de l’article 13 du Règlement (CE) n° 883/2004. Ne sont donc concernés que les frontaliers qui exercent moins de 25 % de leur activité professionnelle en France (soit moins de 54 jours pour une activité professionnelle standard à temps complet de 218 jours annuels). Dans ce cas, les obligations mensuelles pèsent sur la tête du contribuable personne physique résident fiscal de France qui doit s’acquitter de l’acompte contemporain depuis son compte bancaire personnel sur ses revenus professionnels imposables en France. Les obligations d’enregistrement et de déclaration annuelle des revenus professionnels demeurent à la charge de l’employeur luxembourgeois.

Enfin, nous attendons toujours l’évaluation complémentaire de l’impact fiscal pour les travailleurs frontaliers du fait du changement des modalités d’élimination de la double imposition de la nouvelle convention que le Gouvernement français avait envisagée dès 2020.

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