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Imposition de la PV immobilière réalisée par une SCI dont l’associé est un Etat étranger : pas de contrariété à la liberté de circulation des capitaux

Photo du Conseil d'Etat

Le Conseil d’État confirme l’application du prélèvement de l’article 244 bis A du CGI à la plus-value immobilière réalisée par une société de personnes française, au prorata des droits sociaux détenus par son associé non-résident, en l’espèce un État étranger (le Koweït) et juge que cet Etat étranger ne peut se prévaloir d’une restriction à la libre circulation des capitaux, au seul motif qu’il serait traité de manière moins favorable que l’Etat français qui effectuerait la même opération.

Rappel

Sous réserve des conventions internationales, les plus-values immobilières réalisées à titre occasionnel par des non-résidents sont soumises à un prélèvement spécifique (CGI, art. 244 bis A), dont le taux varie en fonction de la qualité du cédant et de sa résidence fiscale.

Sont visées les personnes physiques ou morales non-résidentes, mais également, depuis le 1er janvier 2005, les sociétés de personnes françaises dont le siège social est situé en France, au prorata des droits sociaux détenus par des associés qui ne sont pas domiciliés en France, ou dont le siège social est situé hors de France (CGI, art. 244 bis A, I-2-c).

Avant l’intervention de la LFR 2004, la question des modalités d’application de l’article 244 bis A aux sociétés de personnes avait soulevé de nombreuses difficultés, l’Administration ayant d’ailleurs fini par admettre qu’en pareille hypothèse, le prélèvement n’était pas exigible, la plus-value n’étant pas réalisée par un non-résident (l’associé étranger), mais bien par un résident (la société de personnes française).

Histoire et procédure

L’Etat du Koweït détenait, par l’intermédiaire de l’agence gouvernementale Kuwaït Investment Office, une SCI française. Lorsque cette dernière a cédé, en 2011, un ensemble immobilier localisé en France, l’Administration l’a assujettie au prélèvement de l’article 244 bis A du CGI.

La SCI a alors revendiqué le bénéfice de l’exonération spécifique ménagée par l’article 244 bis A en faveur des États étrangers.

L’affaire a été portée devant les juridictions, avant que le Conseil d’Etat n’en soit, une 1re fois, saisi (CE, 22 janvier 2020, n°423160). Il a alors confirmé, en 1er lieu, le principe de l’application du prélèvement de l’article 244 bis A dans l’hypothèse où l’associé de la société de personnes française se trouve être un État étranger.

En revanche, il a considéré que la SCI ne pouvait, pour autant, bénéficier de l’exonération prévue en faveur des États étrangers, à proportion des droits détenus par l’État du Koweït. Il a jugé, à cet égard, qu’il résulte de la lettre même des dispositions de l’article 244 bis A que « l’exonération bénéficie aux États étrangers mais qu’elle ne s’étend pas aux sociétés de personnes dont ils sont les associés ».

Si cette solution est sévère, elle est toutefois fondée sur une interprétation littérale du texte.

Devant la juridiction de renvoi, l’Etat du Koweït a changé d’angle d’attaque, pour se placer cette fois sur le terrain de la liberté de circulation des capitaux.

Il faisait valoir que la plus-value de cession d’un bien immobilier réalisée par une SCI dont l’Etat français serait associé dans les mêmes proportions ne serait pas imposable à l’IR à hauteur du prorata de détention de son capital par l’Etat français, dès lors que ce dernier, qui n’est pas une personne physique, n’entre pas dans le champ d’application de cet impôt.

La CAA de Marseille a accueilli favorablement l’argument (décision du 17 mars 2022, n°20MA00392).

Le Conseil d’Etat a été saisi d’un nouveau pourvoi, qui l’a désormais conduit à statuer au fond.

La décision du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat écarte l’existence d’une restriction à la liberté de circulation des capitaux, dès lors qu’un Etat étranger et l’Etat français ne sont pas, en tout état de cause, à raison de l’application de la loi fiscale française, placés dans une situation comparable.

Par suite, un Etat étranger qui conteste la charge fiscale qu’il supporte à raison d’opérations qu’il effectue en France, ne peut se prévaloir d’une restriction à la libre circulation des capitaux au seul motif qu’il serait traité de manière moins favorable que l’Etat français qui effectuerait la même opération.

Rappelons que le Conseil d’Etat avait déjà posé le principe selon lequel les revenus tirés par un Etat étranger (en l’espèce, une fois encore, le Koweït) de la location d’un bien immobilier pouvaient y être taxables (CE, 22 janvier 2020, n°421913).

Il confirme, par ailleurs, le refus de l’Administration d’accorder à la SCI le bénéfice de l’exonération prévue en faveur des États étrangers, à proportion des droits détenus par l’État du Koweït.

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