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Imposition des redevances de source chinoise pour l’application de la convention franco-chinoise

Le TA de Montreuil juge, de manière inédite, qu’en application du protocole annexé à la convention franco-chinoise, les redevances payées pour l’usage ou le droit d’usage d’un équipement industriel, commercial ou scientifique, sont imposées sur 60 % de leur montant brut, « dans les 2 Etats contractants, et non pas uniquement dans l’Etat de source des revenus ». Il apporte également des précisions d’intérêt sur la portée des travaux parlementaires d’une loi de ratification d’une convention fiscale internationale.

Eléments de contexte

En application de la convention franco-chinoise du 26 novembre 2013, les redevances font l’objet d’une imposition partagée entre l’État de source et l’État de résidence de leur bénéficiaire effectif, étant précisé que l’imposition à la source est limitée à 10 % du montant brut des redevances (art. 12).

Le protocole annexé à ladite convention prévoit, en son point 6, que « les redevances payées pour l’usage ou le droit d’usage d’équipements industriel, commercial ou scientifique seront imposées à hauteur de 60 % du montant brut de ces redevances ».

Précisons que le protocole de l’ancienne convention franco-chinoise (datée du 31 mai 1984 et remplacée par la nouvelle convention de 2013, entrée en vigueur le 28 décembre 2014) comportait les mêmes précisions.

L’histoire

Une société française a perçu, au cours des années 2012 à 2015, des redevances provenant de Chine, rémunérant des contrats de crédit-bail consentis à ses filiales situées en Chine.

Se prévalant des dispositions du protocole annexé à l’ancienne et à la nouvelle convention chinoise (selon les années d’imposition en litige), la société française arguait que les redevances ainsi perçues n’étaient imposables en France qu’à hauteur de 60 % de leur montant brut – et non sur la base de leur montant intégral.

L’Administration faisait, elle, valoir que ces stipulations conventionnelles avaient pour seul objet d’expliciter les règles d’imposition des redevances de leasing dans l’Etat de la source, et qu’elles n’avaient pas vocation à s’appliquer dans l’Etat de résidence du bénéficiaire.

La décision du TA de Montreuil

Le TA de Montreuil ne souscrit pas à cette analyse, et juge qu’« il résulte clairement de ces stipulations conventionnelles » que cette limitation de l’assiette imposable s’applique dans les 2 Etats contractants, et non pas uniquement dans l’Etat de la source des revenus.

Il confirme, en conséquence, l’imposition en France des redevances litigieuses à hauteur de seulement 60 % de leur montant brut.

On notera que l’Administration tentait de se prévaloir des travaux parlementaires de la loi de ratification de la convention franco-chinoise de 2013, ce qu’a écarté le TA au motif que de tels travaux ne sont pas de nature à révéler l’intention des parties lors de la négociation de cet accord.

Dans ses conclusions (suivies), le rapporteur public indique que de tels travaux parlementaires « ne peuvent en aucun cas servir directement à interpréter un traité en droit français » et rappelle que le Conseil constitutionnel a indiqué, en 2003, que les « membres du Parlement n’ont pas compétence pour assortir de réserves, de conditions ou de déclarations interprétatives l’autorisation de ratifier un traité ou d’approuver un accord international non soumis à ratification » (décision n°2003-470 DC du 9 avril 2003).

En revanche, il indique qu’ils peuvent « avoir un caractère informatif indirectement ».

La position du TA est contraire à celle exprimée par l’Administration dans ses commentaires au BOFiP de novembre dernier sur les dispositions de la nouvelle convention franco-chinoise (soit plus de 10 ans après sa signature). A cette occasion, elle a expressément indiqué que les stipulations en litige visent uniquement à plafonner l’imposition dans l’Etat de la source – sans application donc dans l’Etat du bénéficiaire (BOI-INT-CVB-CHN, 20 novembre 2024, § 210).

L’analyse de la Cour d’appel saisie sera donc à suivre.

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