Pour mettre en œuvre les dispositions de l’article 123 bis du CGI et imposer en RCM, entre les mains d’un associé personne physique, le bénéfice de l’entité non résidente en proportion de ses droits, le Conseil d’État juge possible de se référer à la valeur vénale (versus valeur comptable) d’un élément d’actif incorporel pour vérifier que la condition tenant au caractère principalement financier de l’actif est satisfaite.
Rappel
Economie générale du dispositif de l’article 123 bis
L’article 123 bis du CGI prévoit l’imposition des avoirs détenus à l’étranger par une personne physique fiscalement domiciliée en France, par l’intermédiaire d’une entité, dont les actifs sont principalement financiers, établie hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.
Les bénéfices et les revenus positifs de cette entité établie à l’étranger sont réputés acquis par la personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu’elle détient dans cette entité et soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur une assiette majorée de 25 %. Cette majoration est la conséquence mécanique de la disparition et de l’intégration de l’abattement général de 20 % dans le barème progressif de l’impôt sur le revenu (Loi de finances pour 2006).
Ce mécanisme anti-abus s’applique en cas de détention, directe ou indirecte, d’au moins 10 % dans l’entité étrangère. La détention de 10 % est présumée lorsque l’entité considérée est située dans un ETNC et également, depuis le 1er janvier 2022, pour le constituant (ou bénéficiaire réputé constituant) d’un trust.
Condition tenant à la composition de l’actif de l’entité
Le dispositif de l’article 123 bis s’applique aux bénéfices ou revenus positifs des entités dont l’actif ou les biens sont constitués, à hauteur de la moitié au moins de leur valeur totale, de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants.
L’Administration considère qu’il en est ainsi lorsque les éléments de cette nature constituent plus de 50 % de l’actif ou des biens de l’entité étrangère (BOI-RPPM-RCM-10-30-20-10, 6 juin 2023, § 320).
En pratique, cela a pu conduire le juge de l’impôt, pour la détermination du caractère principalement financier de l’actif de l’entité étrangère considérée, à écarter la prise en compte d’un fonds de commerce non inscrit au bilan de l’entité (CAA Versailles, 21 juin 2015, n°15VE01546, pourvoi non admis).
L’histoire
L’Administration a entendu faire application des dispositions de l’article 123 bis à un joueur de football du PSG, contribuable résident de France, à raison des sommes perçues au cours de l’année 2015, par une société panaméenne dont il détenait l’intégralité du capital.
Si les juges de première instance ont écarté l’application du dispositif sur le terrain de la clause de sauvegarde, les débats se sont déplacés, au niveau de l’appel, sur le terrain de l’appréciation de la condition tenant au caractère principalement financier de l’actif de la société panaméenne.
La CAA de Paris a confirmé la non-application du dispositif de l’article 123 bis du CGI. Elle a jugé qu’il convenait de retenir la valeur vénale du droit à l’image, inscrit à l’actif de l’entité, et non sa seule valeur comptable comme le soutenait l’Administration. Cette dernière s’est pourvue en cassation.
La décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État juge que, pour apprécier le caractère principalement financier d’une entité étrangère au sens de l’article 123 bis du CGI, il convient de se référer à la valeur réelle de ses éléments d’actif. À défaut, pour le contribuable, de démontrer un écart entre cette valeur réelle et la valeur comptable, l’Administration est fondée à retenir cette dernière.
On relèvera que cette formulation est proche de celle retenue pour apprécier la prépondérance immobilière, laquelle s’apprécie au regard de la « valeur réelle » des éléments de l’actif (CE, 8 octobre 2025, n° 493896).
Au cas d’espèce, le Conseil d’État souscrit à l’analyse de la CAA de Paris qui, se fondant sur une étude d’expert produite par les contribuables et établissant qu’à la clôture de l’exercice 2015, les droits à l’image représentaient 55 % de l’actif de la société panaméenne, a considéré à bon droit que ces droits ne constituaient pas une créance au sens de l’article 123 bis du CGI.
L’Administration, qui se bornait à invoquer la valeur comptable inscrite au bilan de la société, ne pouvait utilement soutenir le contraire.
Par ailleurs, le Conseil d’État confirme l’appréciation de la CAA de Paris, retenant que la valeur réelle du droit à l’image devait être fixée au montant résultant de l’expertise. Constatant que la valeur réelle des autres éléments de l’actif, principalement des dépôts, comptes courants et obligations, n’était pas contestée par l’Administration et ne divergeait pas de leur valeur comptable, il juge que la Cour a pu, sans commettre d’erreur de droit, ne réévaluer que le droit à l’image pour apprécier le caractère financier de la composition de l’actif au sens de l’article 123 bis du CGI.
En déduisant que ce droit représentait, au 31 décembre 2015, 55,5 % de l’actif et que celui-ci n’était donc pas principalement constitué de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants, la Cour a, à bon droit, écarté l’application de l’article 123 bis.
