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IP Box : une première décision sur l’option d’un groupe de logiciels

Dans son jugement n° 2204103 du 20 octobre 2025, le TA de Montpellier s’est prononcé sur l’application du dispositif « IP Box » (article 238 du CGI) dans le cadre de licences de plusieurs logiciels.

Il s’agit à notre connaissance de l’une des premières décisions des juges du fond sur ce dispositif tel que remanié depuis 2019 (en sus du jugement n° 2307194 du 4 février 2025, TA de Lyon – analysé dans notre article dédié).

L’affaire

La société PC Soft Informatique, éditeur de solutions logicielles, avait opté, dans le cadre d’une réclamation, pour le taux réduit d’IS de 10 % au titre d’un groupe de 29 logiciels, considérant qu’il n’était pas possible de suivre individuellement les dépenses de R&D afférentes à chacun d’eux.

Pour appuyer son option globale, la société indiquait pouvoir identifier précisément les revenus de chaque logiciel. En revanche, elle estimait impossible de suivre les dépenses de R&D par logiciel : en particulier, 8 des 29 logiciels concernés étaient des modules intégrés ne générant pas de revenus propres et les équipes de développement travaillaient simultanément sur plusieurs logiciels.

Dans cette logique, PC Soft avait réparti l’ensemble des dépenses de R&D au prorata des revenus générés par chaque logiciel.

Le Tribunal rappelle qu’aux termes des dispositions de l’article 238 du CGI « éclairées par l’approche « nexus de l’OCDE et de l’Union Européenne », « (…) doit exister un lien étroit entre les revenus éligibles et les dépenses correspondant aux actifs facteurs de ces revenus et que l’entreprise doit démontrer l’impossibilité dans laquelle elle se trouverait de ne pouvoir procéder à une formulation globale du résultat net des concessions actif par actif. ».

Or, selon les juges du fond, alors que la société est bien en mesure d’isoler les revenus par actif, celle-ci n’a pas démontré l’impossibilité de suivre les dépenses de R&D à ce même niveau, c’est-à-dire actif par actif.

Deux éléments sont déterminants selon le Tribunal administratif.

Premièrement, la mutualisation des travaux de R&D et l’existence de modules intégrés ne suffisent pas, à elles seules, à justifier l’impossibilité d’un suivi analytique pour le groupe.

Deuxièmement, la société bénéficiait du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) qui impose « une documentation technique permettant de justifier de chacune des dépenses engagées au titre de la recherche et du développement et en particulier la part de participation du personnel y contribuant ».

La société ne justifiant pas non plus d’un périmètre pertinent au titre d’une famille cohérente de logiciels, l’Administration était fondée à refuser l’option globale et à maintenir l’imposition au taux normal.

Quels enseignements ?

Ce jugement rappelle que l’option pour le dispositif « IP Box » par groupe de logiciels n’est envisageable que si l’entreprise démontre concrètement qu’un suivi actif par actif est impossible ou conduirait à une répartition artificielle des dépenses.

En effet, il semble que l’élément déterminant pour les juges du fonds ait été le mode de répartition des dépenses de R&D, à savoir le fait que l’ensemble des dépenses de R&D aient été affectées de manière transverse au « groupe » de logiciels considérés

Or, selon le Tribunal « (…) une telle ventilation, dans les circonstances de l’espèce […] , ne permet pas de traduire de façon suffisamment précise le lien d’affectation devant nécessairement exister entre l’actif retenu et les dépenses correspondantes et apparait ainsi comme une affectation artificielle voir arbitraire contraire aux exigences des dispositions de l’article 238 du code général des impôts ». 

La solution aurait peut-être été différente si la société avait pu opter de manière individualisée pour au moins certains des 29 logiciels en leur affectant directement et de manière distincte des dépenses de R&D, et limiter ainsi la ventilation « transverse » uniquement pour un groupe plus limité de logiciels (par exemple pour les 8 « modules » qui semblent selon la société indissociables).

La référence faite par le Tribunal au dispositif du CIR pour justifier l’absence d’impossibilité d’opter actif par actif laisse un peu plus songeur. En effet, si la doctrine prévoit que la « R&D » à retenir pour le dispositif « IP Box » est celle au sens du CIR (BOI-BIC-RICI-10-10-10-20), les dossiers justificatifs produits en support du CIR ne sont en revanche eux pas nécessairement organisés par logiciels.

En tous cas, cette décision rappelle qu’une entreprise capable de suivre ses projets de R&D et de les documenter pour les besoins du CIR doit pouvoir assurer un suivi comparable pour l’IP Box, ce qui renforce l’importance d’une documentation technique rigoureuse et d’outils de suivi analytiques et comptables adaptés.

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