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L’existence d’une voie alternative licite permettant d’obtenir le même gain fiscal ne fait pas obstacle à la qualification d’abus de droit

Le Conseil d’Etat juge que ne remet pas en cause l’existence d’un abus de droit, la circonstance que le contribuable aurait pu parvenir au même résultat par le biais d’une opération alternative licite.

Eléments de contexte

Le Conseil d’Etat a jugé à plusieurs reprises que, même lorsqu’une opération poursuit un but exclusivement fiscal, elle n’est pas constitutive d’un abus de droit si le résultat obtenu ne modifie, en définitive, pas la charge fiscale de celui qui l’a mise en place (CE, 9 décembre 1992, n°71859, Ravot, CE, 5 mars 2007, n°284457, SELARL Pharmacie des Chalonges, plus récemment, CE, 24 juillet 2019, n°411382).

Aussi, la mise en évidence d’un abus de droit nécessite de rechercher quel aurait été le sort fiscal du contribuable s’il n’avait pas passé les actes litigieux.

Demeurait toutefois en suspens le point de savoir si, dans le cadre de cette analyse, il convenait d’aller une étape plus loin, en tenant compte d’autres actes réguliers que le contribuable aurait pu passer pour obtenir le même résultat sur le plan fiscal.

L’histoire

En 2006, deux frères, résidents fiscaux français, reçoivent, à parts égales, par voie d’héritage de leur père, les titres d’une société française détenant elle-même diverses participations dans des sociétés opérationnelles ainsi que des biens immobiliers.

En 2009, les frères apportent les titres de la société française à une société luxembourgeoise, créée pour l’occasion. Au cours des exercices suivants, la société française, disposant d’une trésorerie significative en raison de la cession de diverses participations, procède à d’importantes distributions de dividendes au profit de sa mère luxembourgeoise. Aucune retenue à la source n’est prélevée en France en raison de l’exonération prévue à l’article 119 ter. Par la suite, diverses réductions de capital de la société luxembourgeoise sont réalisées, permettant aux deux frères d’appréhender la trésorerie dont disposait la société.

L’Administration a remis en cause ces opérations sur le terrain de l’abus de droit, en considérant que la société luxembourgeoise était dépourvue de substance économique et que son interposition présentait le caractère d’un montage artificiel, réalisé dans le but exclusif de permettre aux contribuables personnes physiques de s’approprier en franchise d’impôt le produit de la cession des actifs de la société française via la société luxembourgeoise.

Les contribuables ont contesté le redressement, en faisant valoir qu’ils auraient pu obtenir le même gain fiscal en se livrant à une opération parfaitement licite.

Ils arguaient, à cet égard, qu’ils auraient également eu la possibilité, au moyen d’un rachat par la société française de ses propres titres suivi de leur annulation, d’appréhender en franchise d’impôt la trésorerie de cette société, compte-tenu du montant élevé des droits de mutation à titre gratuit acquittés lors de l’entrée de ces titres dans leur patrimoine.

La décision du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat juge, de manière dépourvue de toute ambiguïté, que la circonstance qu’un contribuable aurait pu, en opérant d’autres choix fiscaux que ceux qu’il a faits, obtenir un gain fiscal équivalent, est sans incidence sur l’existence d’un abus de droit.

Ainsi que le souligne le rapporteur public dans ses conclusions (suivies), l’exercice de reconstitution auquel doit se livrer le juge de l’impôt doit s’opérer au regard de la situation réelle du contribuable, sans entrer « dans une spéculation quant aux chemins qui s’ouvraient à lui, à situation de départ donnée, mais qu’il n’a pas choisi de suivre, pour s’en tenir au seul examen des opérations économiques qu’il a effectivement réalisées et qui ne sont pas remises en cause par l’élimination de l’artifice ».

Autrement dit, si le Conseil d’Etat ne revient pas sur sa jurisprudence Pharmacie des Chalonges (sans gain fiscal, il n’y a pas d’abus de droit), il n’entend pas en étendre la portée en explorant les voies alternatives licites que le contribuable aurait pu emprunter.

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