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Loi Industrie Verte : de nouvelles opportunités en matière d’épargne et d’épargne retraite

La loi n°2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte (la « Loi ») a été publiée au Journal officiel de la République française n°0247 du 24 octobre 2023.

Elle vise deux principaux objectifs : d’une part, de faire de la France, réindustrialisée, le leader de l’industrie, et des technologies, vertes en Europe, et d’autre part, de verdir les industries existantes. Il s’agit de répondre autant à un défi environnemental de décarbonation s’inscrivant dans la stratégie nationale bas carbone (SNBC), qu’économique en matière de création d’emplois industriels.

Comprenant 40 articles répartis en 3 titres, son champ est relativement large, voire hétéroclite, ayant toutefois comme fil conducteur constant le développement des activités industrielles.

Le titre I porte sur la réindustrialisation, tout en favorisant la transition écologique, par le biais de mesures destinées à faciliter et à accélérer les implantations industrielles.

Le titre II vise à renforcer la prise en compte des enjeux environnementaux dans la commande publique.

Enfin, le titre III porte sur l’amélioration du financement de la transition écologique. C’est cette dernière partie que nous allons aborder ci-après.

Création d’un nouveau plan d’épargne et évolution du plan d’épargne retraite

Création du plan d’épargne avenir climat

La Loi crée un nouveau produit d’épargne générale à régime fiscal spécifique, exclusivement réservé aux jeunes de moins de 21 ans résidant en France à titre habituel : le plan d’épargne avenir climat (PEAC). Le PEAC sera clôturé au plus tard lorsque son titulaire aura atteint l’âge de 30 ans.

Les versements effectués sur le PEAC devront être affectés à l’acquisition de titres financiers contribuant au financement de la transition écologique et d’instruments financiers bénéficiant d’un faible niveau d’exposition aux risques et dont les émetteurs ont leur siège en France ou dans un autre État membre de l’Union européenne ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

Les titres et les instruments financiers pouvant être logés dans un PEAC, les principes d’allocation de l’épargne auxquels il sera soumis et les stratégies d’investissement qu’il pourra proposer seront définis par décret. La liste des titres et instruments éligibles comprendra, a minima, les valeurs mobilières ou les actifs ayant notamment obtenu l’un des labels prévus au cinquième alinéa de l’article L. 131-1-2 du Code des assurances (i.e. labels reconnus par l’État au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou de l’investissement socialement responsable, dont la liste est précisée par décret) ainsi que les obligations vertes.

La gestion du PEAC s’inspirera de celle du Plan d’Épargne Retraite (PER). Le PEAC se traduira par l’ouverture d’un contrat de capitalisation ou d’un compte de titres et d’un compte espèces associé. Les plafonds de versement seront fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie, tandis que le régime fiscal du PEAC sera déterminé par décret en Conseil d’État.

Le PEAC pourra être distribué par les établissements de crédit, les entreprises d’investissement, les entreprises d’assurance, les mutuelles, les unions de mutuelles, les institutions de prévoyance et les unions d’institutions de prévoyance.

La date d’entrée en vigueur des dispositions portant sur le PEAC sera ultérieurement fixée par décret, sans pouvoir être postérieure au 1er juillet 2024.

Modernisation du PER

La Loi cherche également à faire évoluer le PER (articles 32, 35, 36 et 37 de la Loi).

Ainsi, à compter du 24 octobre 2024, il est prévu :

Dès le 1er janvier 2024, il est également requis la prise en compte des éventuelles préférences en matière de durabilité du titulaire du PER au stade de la définition des grilles d’investissement précitées.

En outre, les articles 36 et 37 de la Loi permettent, dès à présent, d’autoriser des entreprises d’assurance à transférer l’intégralité d’un régime de retraite supplémentaire (article 83) vers un PER obligatoire. Le délai de préavis maximum applicable à une demande de transfert collectif de PER d’entreprise est également réduit de 18 mois à 6 mois.

Contribution de l’assurance-vie au financement d’actifs réels et encadrement du mandat d’arbitrage

Encadrement du mandat d’arbitrage

 À compter du 24 octobre 2024, l’article 35 de la Loi prévoit une définition légale et un encadrement du mandat d’arbitrage de contrats d’assurance sur la vie et de capitalisation par le Code des assurances, en définissant le mandat d’arbitrage comme la convention par laquelle le souscripteur ou l’adhérent à un contrat d’assurance sur la vie ou de capitalisation confie à une personne agissant dans le cadre de ses activités commerciales ou professionnelles la faculté de décider des arbitrages.

Le nouveau texte précise également que seuls peuvent exercer l’activité de mandataire de ces arbitrages, les intermédiaires et les entreprises d’assurance ou de capitalisation et que l’exécution du mandat ne peut donner lieu à aucune commission ni à aucune rémunération versée à l’occasion d’opérations d’investissement ou de désinvestissement entre les supports proposés (cette interdiction entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2026). Par ailleurs, sont également déterminés par les textes le contenu et la forme de la convention, ainsi que les modalités d’information de l’organisme d’assurance et du mandant par le mandataire.

En outre, le mandataire a la faculté de déléguer à un prestataire de services d’investissement, autorisé à fournir le service d’investissement de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, l’exécution des opérations relevant du mandat d’arbitrage qui lui aura été confié, sous réserve du respect des conditions cumulatives suivantes :

Le mandat d’arbitrage sera soumis aux règles usuelles du Code des assurances (exemple : règles de prévention des conflits d’intérêts).

Modernisation de l’assurance-vie

Evolution ambitieuse, car ayant pour objectifs d’entraîner de véritables changements de comportement des épargnants, les nouvelles dispositions en matière d’assurance sur la vie, qui entrent en vigueur le 24 octobre 2024 :

Obligation générale de référencement des labels d’État dans les contrats d’assurance-vie

La Loi généralise le référencement des labels reconnus par l’État au titre du financement de la transition énergétique et écologique et de l’investissement socialement responsable dans la présentation des contrats d’assurance sur la vie comportant des garanties exprimées en unités de compte. Ces labels, leurs critères et leurs modalités de délivrance seront précisés par décret.

Ces dispositions entreront en vigueur au 1er janvier 2024.

Le droit français définit actuellement de façon limitative trois catégories de fonds (fonds professionnels à vocation générale, fonds professionnels de capital investissement et fonds professionnels spécialisés respectant certains quotas), ainsi que deux typologies de label (label reconnu par l’État et satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique, et label reconnu par l’État et satisfaisant aux critères d’investissement socialement responsable) que les assureurs sont tenus de présenter aux souscripteurs de contrats d’assurance-vie (article L. 131-1-2 du Code des assurances). Or, les deux typologies de label (ISR et Greenfin, limités aux activités cotées et déjà durables) s’avèrent insuffisantes pour l’ensemble du marché de la finance dite « durable ».

Renforcement de la protection de l’épargnant

La Loi complète les dispositions permettant à l’épargnant d’investir, par le biais de son contrat d’assurance sur la vie, dans des unités de compte, en renforçant le devoir de conseil de l’entreprise d’assurance afin de rendre ce devoir effectif tout au long de la vie du contrat.

Ainsi, à compter du 24 octobre 2024, lorsque le gestionnaire du contrat sera informé d’un changement dans la situation personnelle et financière du contractant ou de ses objectifs d’investissement, il devra s’assurer que le contrat demeure approprié ou adéquat aux exigences et aux besoins exprimés, et informer l’épargnant dans le cas contraire.

Par ailleurs, si le contrat n’a fait l’objet d’aucune opération (hors opérations programmées) au cours d’une durée précisée par arrêté du ministre chargé de l’économie, le gestionnaire du contrat devra procéder, à moins d’un refus ou d’une absence de réponse du contractant, à une actualisation des informations recueillies afin de s’assurer que le contrat demeure approprié ou adéquat aux exigences et besoins exprimés, et informer l’épargnant si cela n’est plus le cas.

Enfin, à l’occasion de toute opération susceptible d’affecter le contrat de façon significative, le gestionnaire devra conseiller à l’épargnant une opération cohérente avec ses exigences et besoins.

Soutien au développement des fonds français labellisés ELTIF 2.0

Parmi les mesures de mobilisation des financements vers les projets favorisant la transition énergétique, les nouvelles dispositions visent également à soutenir le développement des fonds français ELTIF (European Long Term Investment Funds) afin de rediriger l’épargne vers les PME, les ETI, l’immobilier et les projets d’infrastructure favorisant la décarbonation de l’économie française.

 

Le règlement (UE) 2023/606 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023, qui entrera en vigueur le 10 janvier 2024, a procédé à un assouplissement des exigences actuelles des fonds labellisés ELTIF dans le but de (i) mobiliser des financements à long terme en faveur de la croissance durable et de la compétitivité, (ii) mobiliser une épargne paneuropéenne et offrir une source de rendement aux investisseurs de détail, là où l’ancien règlement n’avait pas pu réellement parvenir à cet objectif.

Les principaux assouplissements sont :

  • un abaissement du ratio minimal d’actifs éligibles de 70 % à 55 %,
  • un rehaussement du ratio de diversification de 10 % à 20 % par actif,
  • la suppression de l’exigence selon laquelle la valeur des actifs physiques doit être d’au moins 10 millions d’euros,
  • une extension du champ des actifs éligibles, pour y inclure les parts de Fonds d’Investissement Alternatifs (FIA) et d’Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM) ayant investi dans des actifs éligibles, les obligations émises conformément au futur règlement sur les obligations vertes européennes et certaines titrisations simples, transparentes et standardisées,
  • une intégration dans les entreprises éligibles des entreprises financières de moins de 5 ans,
  • un relèvement du seuil de capitalisation des sociétés cotées éligibles de 500 millions d’euros à 1.5 milliard d’euros, vii) une suppression du ticket d’entrée de 10.000 euros pour les investisseurs de détail au patrimoine financier inférieur à 500.000 euros ainsi que du plafond de 10 % du patrimoine investi dans des ELTIF,
  • une simplification des règles de commercialisation et un ajout de certaines possibilités de sortie.

Toutefois, il a été reconnu que la gamme de fonds français actuelle n’était pas suffisamment compétitive pour favoriser la domiciliation ELTIF 2.0 en France et qu’il était nécessaire de la revoir afin d’assurer sa complémentarité avec le label ELTIF 1

 

La Loi vise donc à inciter les fonds communs de placement à risques (FCPR) et les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) à obtenir une labellisation ELTIF 2.0 en prévoyant un régime dérogatoire : les FCPR et OPCI labellisés ELTIF pourront, au cours d’une période de 2 ans ouverte à compter du 10 janvier 2024, choisir d’être régis par les règles plus souples des fonds professionnels spécialisés (FPS) pour échapper à certaines contraintes d’investissement et de diversification.

Les conditions d’éligibilité des fonds ELTIF au plan d’épargne en actions (PEA) sont modifiées afin de faciliter l’accès des épargnants à ces produits (article 39 de la Loi).

Enfin, la Loi habilite le gouvernement à prendre des mesures d’adaptation des dispositions relatives aux placements collectifs pour faciliter l’obtention du label ELTIF et des règles relatives à la composition et à la constitution des FIA ouverts à des investisseurs non professionnels pour assurer leur complémentarité avec les fonds ELTIF 2.0.

Même s’il demeure, à ce stade, un grand nombre d’éléments qui devront être précisés par voie de décret, ce nouveau texte, dans ses dispositions consacrées au financement de la transition écologique fixe un cap clair et offre de nouvelles opportunités ainsi que des débouchés très attractifs pour les acteurs des secteurs bancaire, de la gestion d’actifs et assurantiel. L’ensemble de ces évolutions va donc bien au-delà de mesures tournées uniquement vers le développement d’une nouvelle industrie verte.


1 : Étude d’impact du projet de loi, p. 260 et Rapport n°1512 de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’industrie verte sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’industrie verte (n°1443 rectifié), 7 juillet 2023.

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