Le Sénat adopte un amendement visant à rendre non-déductible, à l’actif successoral, la dette de restitution portant sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit (CGI, art. 774 bis, I nouveau).
Cette mesure ayant été adoptée par le Sénat après avis favorable du Gouvernement, il est peu probable qu’elle soit supprimée au fil de la navette parlementaire.
Un amendement destiné à rééquilibrer le rapport entre usufruitier et nu-propriétaire
La donation d’une somme d’argent avec réserve de quasi-usufruit au profit du parent donateur était jusqu’alors valable sous réserve du respect de conditions de fonds et de forme de l’acte de donation et, notamment, celle de garantir au donataire nu-propriétaire la possibilité de porter au passif de la succession du quasi-usufruitier la créance de restitution correspondant au montant de la somme d’argent donnée initialement.
La réserve de quasi-usufruitier dont dispose le parent donateur lui permet de disposer de la somme d’argent donnée. Les droits de l’enfant nu-propriétaire se trouvent garantis par l’existence d’une créance de restitution dont demeure débiteur le parent quasi-usufruitier.
Compte tenu de la nature même d’une donation démembrée (a fortiori portant sur une somme d’argent), seule la nue-propriété de la somme d’argent donnée est soumise aux droits de donation calculés selon l’âge du donateur usufruitier au jour de la donation en application de l’article 669 du CGI.
Lors du décès du parent donateur quasi-usufruitier, la créance de restitution est portée à l’actif successoral pour sa valeur en pleine propriété, qui constitue, selon les sénateurs à l’origine de cet amendement, une incohérence qu’il convient de corriger.
Par ailleurs, et bien que la donation de la nue-propriété d’une somme d’argent est prévue par l’article l’article 587 du Code civil, les sénateurs considèrent que de telles donations démembrées ne peuvent s’apparenter à un réel transfert de propriété dans la mesure où, de par le caractère consomptible du bien donné (i.e. une somme d’argent), le droit d’aliéner le bien et d’en disposer appartient, de facto, à l’usufruitier et non au nu-propriétaire qui ne détient qu’une créance de restitution à l’égard du quasi-usufruitier.
Une première application pour les successions ouvertes à compter de la promulgation de la Loi de finances pour 2024
Pour reprendre l’exposé des motifs, cet amendement vise donc à limiter le recours aux donations démembrées de somme d’argent.
En effet, cet amendement remet en cause la déductibilité de la dette de restitution de l’actif successoral du quasi-usufruitier.
Par ailleurs, il prévoit également une liquidation des droits de succession par le nu-propriétaire sur la valeur de cette dette au jour du décès du quasi-usufruitier. Notons à ce sujet qu’il est précisé que les droits déjà acquittés lors de la donation avec réserve d’usufruit seront imputés sur les droits de mutation par décès auxquels le nu-propriétaire serait assujetti, sans que cela ne puisse donner lieu à restitution.
Fort heureusement, deux exceptions sont prévues dans le cadre de cet amendement :
- les quasi-usufruits d’origine successorale, en application de l’article 757 du code civil
- les quasi-usufruits nés de la cession d’un bien démembré dont le défunt s’était réservé l’usufruit, à condition qu’il soit démontré que la dette de restitution n’a pas été contractée dans un objectif principalement fiscal
Cette mesure s’appliquerait pour les successions ouvertes à compter de la date de promulgation de la loi de finances pour 2024
Cet amendement ayant pour finalité de mettre fin à la possibilité reconnue par la loi (art. 768 du CGI) de porter au passif successoral du quasi-usufruitier les dettes de restitution nées à la suite des donations démembrées de sommes d’argent, il conviendra de s’interroger au cas par cas sur le recours à ce type de donation si cet amendement est inclus dans la version finale du texte de la Loi de finances pour 2024.