Dans une affaire relative à une demande de remboursement de CICE, la CAA de Paris apporte des précisions de portée plus générale sur la notion d’« évènement motivant la réclamation », permettant la réouverture du délai de réclamation.
Eléments de contexte
Délai général de réclamation
En application de l’article R. 196-1 du LPF, le contribuable peut présenter des réclamations à l’Administration dans un délai expirant le 31 décembre de la 2e année suivant la mise en recouvrement de l’impôt, ou, à défaut, son versement, ou l’évènement motivant la réclamation.
Le CICE
De 2013 à 2018, les entreprises ont pu bénéficier d’un « crédit d’impôt compétitivité emploi » (CICE), destiné à financer l’amélioration de la compétitivité des entreprises, au titre des rémunérations versées à leurs salariés (CGI, art. 244 quater C ancien).
A l’instar du CIR, ce crédit d’impôt était imputable sur l’impôt dû au titre de l’année au cours de laquelle les rémunérations avaient été versées, et des 3 années suivantes. Le remboursement de l’excédent était, le cas échéant, effectué à l’expiration de cette période (étant précisé que le remboursement immédiat était prévu pour certaines catégories d’entreprises).
L’histoire
En 2019, une société a sollicité le remboursement de son CICE 2015.
Par un courriel daté du 2 septembre 2020, l’Administration a informé la société qu’elle avait effectué une erreur dans l’imputation de son CICE 2013 sur l’impôt dû en 2014, de sorte qu’à ce titre, il subsistait un reliquat de CICE 2013 non imputé. Elle a invité la société à déposer une demande de restitution de ce reliquat.
Le 8 septembre 2020, la société a formé une demande de remboursement en ce sens, demande qui a finalement été rejetée par l’Administration, comme étant tardive.
La décision de la CAA de Paris
Sur le caractère tardif de la demande de remboursement de CICE
La Cour juge que la demande de remboursement d’une créance de CICE constitue une réclamation au sens de l’article L. 190 du LPF et que la décision par laquelle l’Administration rejette tout ou partie d’une telle réclamation n’a pas le caractère d’une procédure de redressement (adaptation de la jurisprudence bien établie en matière de CIR, notamment CE, 8 novembre 2011, n°433682).
Le délai de réclamation pour former une telle demande de remboursement court à compter de la date limite de dépôt de relevé de solde d’IS, auquel doit être jointe la déclaration spéciale relative à ce crédit d’impôt.
Cette date limite, qui constitue la réalisation de « l’évènement qui motive la réclamation », est fixée au plus tard au 15 du 4e mois qui suit la clôture de l’exercice, ou, si aucun exercice n’est clos en cours d’année (ce qui était le casici), au 15 mai de l’année suivante, soit en l’espèce le 15 mai 2017.
Aussi, en application des dispositions de l’article R. 196-1 du LPF, le délai de réclamation dont disposait la société pour demander le remboursement de son CICE 2013 expirait le 31 décembre 2019, de sorte que la demande présentée en 2020 était bien tardive.
Sur la notion d’« évènement motivant la réclamation »
La société tentait de faire valoir que son délai de réclamation devait être décompté à partir du 2 septembre 2020, date à laquelle l’Administration l’a informée de l’existence d’une erreur dans l’imputation de son CICE 2013 et de l’existence d’un reliquat de CICE 2013.
La Cour refuse toutefois d’assimiler la transmission de cette information par l’Administration à un évènement nouveau de nature à rouvrir le délai de réclamation (en cohérence avec la lettre stricte du texte et la jurisprudence du juge de l’impôt en la matière).
Sur un éventuel manquement au devoir de loyauté de l’Administration
La société tentait également de mettre en évidence un manquement de l’Administration à son devoir de loyauté en ce que celle-ci :
- N’avait informé qu’en 2020 la société de l’existence d’un reliquat de CICE 2013 (soit un an après la réception de la demande de remboursement du CICE 2015) ;
- Et l’avait engagée à présenter une demande de remboursement, alors même que le délai de réclamation avait déjà expiré.
La Cour rejette toutefois l’argument. Rappelons que le juge de l’impôt ne se réfère que très rarement au principe de loyauté (pour une illustration – négative – récente, voir CE, 5 février 2024, n°470616).