La société civile professionnelle (SCP) dont les titres sont cédés ne peut, elle-même, être regardée comme le cessionnaire de l’opération. La circonstance que les détenteurs des parts cédées reçoivent postérieurement à la cession des parts en industrie, leur ouvrant droit au partage des bénéfices, ne saurait donc déclencher la clause anti-abus prévue à l’article 238 quindecies du CGI pour remettre en cause le bénéfice de l’exonération de PV prévue par ces dispositions.
Pour mémoire, en application de l’article 238 quindecies du CGI, les PV professionnelles réalisées dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l’occasion de la transmission d’une entreprise individuelle, d’une branche complète d’activité ou, par assimilation, de l’intégralité des droits ou parts détenus dans une société translucide par un contribuable qui y exerce son activité professionnelle sont exonérées d’IR dès lors que les 3 conditions suivantes sont remplies :
- L’activité doit être exercée pendant au moins 5 ans
- Le cédant doit être un contribuable exerçant son activité professionnelle dans une société soumise à l’IR
- Le cédant n’exerce pas, en droit ou en fait, la direction effective de l’entreprise cessionnaire ou ne détient pas, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette entreprise.
En l’espèce, 2 personnes physiques ont cédé à leurs associés les parts qu’elles détenaient dans une SCP d’avocats. La PV professionnelle dégagée à l’occasion de cette opération de cession a donc été placée sous le régime d’exonération prévue à l’article 238 quindecies du CGI.
Quelques jours plus tard, cette même SCP leur a attribué des parts en industrie leur ouvrant droit à un partage des bénéfices sociaux. À l’issue d’un contrôle sur pièces, l’Administration remet dès lors en cause le bénéfice de cette exonération.
Pour juger de l’affaire, la CAA de Nantes a estimé que :
- le cessionnaire des parts devait être regardé comme étant la SCP elle-même (dès lors que les associés d’une SCP d’avocats ne peuvent exercer leur activité que dans le cadre de cette société)
- au sein de laquelle les contribuables personnes physiques ont poursuivi leur activité
- du fait de l’attribution ultérieure de parts en industrie dans cette même société à ces mêmes contribuables, les cédants détenaient directement ou indirectement des droits dans les bénéfices sociaux de l’entreprise cessionnaire, de nature à remettre en cause le bénéfice de l’exonération de la PV de cession sur le fondement des dispositions du IV de l’article 238 quindecies du CGI (e. 3e condition décrite ci-dessus non remplie).
Le Conseil d’État ne donne pas pour autant la même portée à cette clause dite « anti-abus » de l’article 238 quindecies du CGI. Il décide dès lors qu’en statuant ainsi, alors que la cession de parts représentatives du capital social d’une SCP peut être réalisée auprès d’associés d’une telle société et que la détention de ces nouvelles parts par les associés ne saurait être assimilée à une détention de celles-ci par la société civile elle-même, qui a une personnalité juridique distincte de ceux-ci, la Cour a commis une erreur de droit.
Il juge l’affaire sur le fond et décide qu’alors même que les ex-associés ont reçu des parts en industrie de la SCP leur ouvrant droit au partage de ses bénéfices, celle-ci n’était pas le cessionnaire de leurs parts. Ils ne peuvent dès lors être regardés, à raison de ces parts en industrie, comme ayant cédé leurs parts à un cessionnaire dans lequel ils auraient détenu pendant la période de 3 années suivant la cession directement ou indirectement des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux.
Il annule l’arrêt de la CAA de Nantes ainsi que le jugement du TA d’Orléans et décharge en conséquence les contribuables des cotisations supplémentaires d’IR et de contributions sociales réclamées.