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Précisions sur la méthode de détermination du prix de pleine concurrence

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La CAA de Versailles apporte des précisions utiles sur le recours à la méthode transactionnelle de la marge nette (MTMN).

Rappel

Pour mémoire, en matière de prix de transfert, l’OCDE préconise 5 méthodes selon le type de fonction exercée – i.e. 3 méthodes traditionnelles fondées sur les transactions (le prix comparable sur le marché libre, le prix de revente, le prix de revient majoré) et 2 méthodes transactionnelles fondées sur les bénéfices (la méthode du partage des bénéfices et la méthode transactionnelle de la marge nette).

L’histoire

Une société française exerçant une activité de distribution sur le marché français d’appareils électroniques médicaux achetés auprès d’autres sociétés du groupe a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre des exercices 2010 à 2012.

L’Administration a relevé que, bien que la société ait indiqué dans sa propre documentation de prix de transfert que la méthode la plus appropriée à sa fonction de distributeur était la méthode transactionnelle de la marge nette (MTMN), elle n’en a toutefois tiré aucune conséquence en pratique, justifiant sa rémunération comme étant de pleine concurrence par l’utilisation d’une autre méthode attachée à la fonction de distributeur, celle du prix de revente, en opérant une analyse de profitabilité par la marge brute.

Rappelons à cet égard que :

La substitution de méthode pratiquée par l’Administration

L’Administration a, dès lors, substitué à la méthode du prix de revente celle de la MTMN et s’est fondée sur l’étude des prix pratiqués pour des transactions entre des entreprises indépendantes, à partir d’un échantillon de 8 sociétés regardées comme comparables, et a reconstitué les résultats d’exploitation en appliquant au chiffre d’affaires la valeur médiane du ratio « résultat d’exploitation/chiffre d’affaires » des sociétés de l’échantillon.

Elle a ensuite réintégré dans les résultats de la société française la différence entre les résultats d’exploitation de pleine concurrence ainsi déterminés et ceux qu’elle avait déclarés, estimant que les sommes correspondantes étaient constitutives d’un transfert indirect de bénéfices (au sens des dispositions de l’article 57 du CGI), consenti, sans contrepartie, par la société à ses fournisseurs étrangers appartenant au même groupe. L’Administration a soumis à la RAS les distributions ayant ainsi bénéficié aux sociétés du groupe et mis à la charge de la société française des suppléments de CVAE.

La décision de la CAA de Versailles

Sur le choix des comparables

La Cour relève qu’en appliquant la MTMN sur la base de 8 sociétés comparables, l’Administration a déterminé un intervalle interquartile compris entre le 1er et le 3e quartile, situé entre 1,37% et 5,03%, avec une médiane de 3,90%, tandis que la marge nette de la société était de -0,68% au titre de l’année 2010.

La société, qui avait utilisé 10 comparables, contestait l’exclusion de 2 termes de comparaison par l’Administration. La Cour approuve la démarche de l’Administration, dès lors que l’une des entités exclues était une coopérative (ne pouvant dès lors être regardée comme une société indépendante, dans la mesure où elle n’a pas pour objet la recherche d’un profit de pleine concurrence, mais la réalisation d’économies pour ses actionnaires), et l’autre, une société exerçant son activité dans le domaine de la fabrication (activité non comparable).

Sur la substitution de méthode

La société soutenait qu’en appliquant la méthode du prix de revente, elle aurait obtenu un prix de pleine concurrence. Elle indiquait que sa marge brute était supérieure à celle des entreprises retenues à titre de comparaison (46,07% versus une médiane de 39,33%), mais que sa marge nette était substantiellement dégradée en raison de charges de personnel très importantes (31,62% versus une médiane de 13,18%).

Elle prenait à titre d’exemple une autre société appartenant au même groupe, qui distribue en France des machines à ultrason utilisées dans le domaine médical et qui, selon elle, supporte des charges de personnel inférieures, mais aurait réalisé, avec une politique de prix de transfert identique, une marge nette supérieure au titre de l’exercice considéré.

La Cour écarte toutefois l’argument, en indiquant qu’à la supposer établie, cette circonstance n’implique pas nécessairement, en l’absence notamment de toute information quant à la nature des approvisionnements et à la structure des ventes de la société en question, ainsi qu’à sa clientèle, que la politique de prix de transfert du groupe reflèterait des résultats de pleine concurrence, ni que les résultats insuffisants de la société requérante seraient imputables au seul poids de ses dépenses de personnel.

En tout état de cause, ces charges apparaissent excessives sur le long terme au regard des principes dégagés par l’OCDE, selon lesquels une entreprise indépendante ne saurait raisonnablement supporter des pertes de manière constante, et de la fonction de distributeur de routine assumée par la société.

Enfin, elle juge que le niveau de charges de personnel de la requérante ne peut être comparé à celui des autres sociétés, en l’absence de précisions permettant d’établir que ceux-ci seraient équivalents.

Elle en conclut que l’Administration justifie du bien-fondé du recours à la MTMN, et n’a pas méconnu, à cet égard, le principe de non-immixtion.

Dans ces conditions et compte-tenu de l’importance de l’écart constaté entre les résultats déclarés par la société et les résultats d’exploitation de pleine concurrence résultant de la MTMN, l’Administration établit bien l’existence d’un transfert indirect de bénéfices au sens de l’article 57 du CGI, dépourvu de contrepartie pour la société requérante.

L’avis du praticien : Aymeric Nouaille-Degorce

Cet arrêt illustre à nouveau l’application de la méthode transactionnelle de la marge nette (MTMN) pour justifier une rectification dans le cas d’une société qui a des résultats opérationnels faibles (en l’occurrence des pertes). La MTMN permet à l’administration de se prévaloir d’une présomption de transfert de bénéfices dès lors que la marge opérationnelle de la société n’est pas dans l’intervalle de pleine concurrence, défini comme un intervalle de résultats opérationnels de sociétés comparables. La Cour n’a pas suivi les arguments du contribuable qui soutenait que la méthode du prix de revente (comparaison de marges brutes) était la plus appropriée au cas d’espèce.

En substance, la société estime que ses résultats opérationnels ne peuvent être comparés du fait de la spécificité de son niveau de dépenses de personnel et que les pertes qu’elle génère ne sont pas liés au prix de transfert. Ainsi, elle invoque le fait que si elle avait eu le même niveau de charges de personnel qu’une autre société française du groupe soumise à la même politique de prix de transfert, elle aurait eu une marge opérationnelle suffisamment élevée. Cependant la Cour ne retient pas la comparaison, en particulier à cause d’un manque de détails sur l’autre société du groupe (clientèle, approvisionnements, ventes) et s’appuie sur les principes de l’OCDE pour relever par ailleurs qu’une société indépendante ne pourrait supporter à long terme des charges de personnel excessives.

Ainsi, on ne peut que recommander de documenter précisément les spécificités de la partie testée lors de l’application de la MTMN si celles-ci ont un impact sur le résultat opérationnel et procéder à un ajustement de comparabilité afin de présenter une marge opérationnelle ajustée dans l’intervalle de pleine concurrence. Les chances de succès de cette approche seront d’autant plus grandes que l’ajustement n’est nécessaire que sur une courte période.

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