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PSE : des précisions sur le régime social des sommes versées à l’organisme accompagnant le reclassement externe des salariés

Dans le cadre d’un PSE, les sommes directement versées par l’entreprise à un organisme extérieur pour financer des actions de formation et d’accompagnement destinées au reclassement externe des salariés sont exonérées de cotisations sociales

Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 janvier 2024, n°20-23.379 20-23.449 20-23.452 20-23.663

Dans un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE), rappelons-le, un certain nombre d’actions de formation et/ou de reconversion doivent être prévues pour favoriser le reclassement externe des salariés, lorsqu’il n’a pas été possible de les repositionner au sein du groupe. De surcroît, la rupture du contrat de travail des salariés concernés est nécessairement précédée de l’offre d’un congé de reclassement lorsque l’entreprise compte plus de 1 000 salariés. Ce congé a pour objet de « permettre au salarié de bénéficier d’actions de formation et des prestations d’une cellule d’accompagnement des démarches de recherche d’emploi » (Code du travail – Art. L. 1233-71, alinéa 1er). La préparation du salarié au reclassement externe incombe au seul employeur qui a l’obligation de proposer des formations ciblées, un accompagnement individualisé et surtout de financer ces mesures (Code du travail – Art. L. 1233-71, alinéa 4).

Les aides versées pour l’accompagnement et la formation du salarié étant, le plus souvent, directement payées par l’entreprise auprès du prestataire retenu pour animer le congé de reclassement, la question de leur régime social demeurait encore ouverte.

Les sommes versées au cabinet d’outplacement devaient-elles être purement et simplement exonérées de cotisations sociales, ou fallait-il au contraire les considérer comme les autres indemnités de rupture et les soumettre, au-delà des plafonds d’exonération prévus par les textes, à cotisations de sécurité sociale et CSG/CRDS ?

Le débat sur la qualification des sommes versées au prestataire

S’appuyant sur une position administrative ancienne, de nombreuses entreprises estimaient que les sommes directement versées au cabinet d’outplacement devaient être totalement exonérées. Une réponse ministérielle du 25 janvier 1993 précisait en effet que ne devaient pas rentrer dans l’assiette des cotisations « les dépenses correspondant au prix des prestations de conseil en réinsertion professionnelle effectuées par des cabinets spécialisés pour le compte d’une entreprise qui envisage le licenciement de certains de ses salariés » (RM Godfrain n° 58282,  JO AN 25 janvier 1993, p. 286).

L’Urssaf, dont le raisonnement était confirmé par certains juges, considérait toutefois que les financements d’outplacement s’inscrivaient dans la continuité des mesures inscrites dans le PSE, et constituaient, à ce titre, des indemnités de ruptures, même si les montants versés n’étaient pas perçus directement par le salarié (Cour d’appel d’Amiens, 19 novembre 2020, n° 19/02891).

Retenir cette analyse était d’autant plus tentant pour l’Urssaf que les modalités d’accompagnement des salariés dans les PSE ont sensiblement évolué ces dernières années : les programmes étant de plus en plus individualisés, la tendance est de prévoir un honoraire par salarié pour un coaching personnalisé plutôt qu’un budget global, ce qui rend d’autant plus facile, en cas de contrôle Urssaf, leur réintégration dans l’assiette des cotisations.

Telle était d’ailleurs l’analyse retenue par l’Urssaf dans les affaires ayant donné lieu aux sept arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 11 janvier 2024.

La solution rendue par la Cour de cassation

Dans les PSE concernés, les inspecteurs avaient réintégré dans l’assiette de la CSG/CRDS l’ensemble des sommes versées au cabinet d’outplacement au motif que « les sommes allouées en application du plan de sauvegarde de l’emploi à une société tierce pour la mise en œuvre des congés de reclassement et des obligations de formation, étaient constitutives d’indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail » (Voir référence en tête d’article).
En d’autres termes, selon l’Urssaf, les montants venant financer les actions de formation et d’accompagnement des salariés dans leur recherche d’emploi effectuées en lieu et place de leur préavis correspondaient à des indemnités de rupture et devaient donc être pris en compte pour apprécier les limites d’exonération de cotisations de sécurité sociale et de CSG/CRDS. Cette analyse avait été validée par la Cour d’appel de Riom à la suite des différentes contestations de redressement dont elle avait été saisie.

Tel n’est pourtant pas le raisonnement adopté par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. Au visa des articles L. 136-2, II, 5° et  L. 242-1 du code de la sécurité sociale (dans leur rédaction applicable au litige) d’une part, des articles L. 1233-71 et R. 1233-32 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige) et de l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 d’autre part, la Haute juridiction casse les arrêts d’appel en énonçant que « les sommes versées par l’employeur à un tiers, en vue de financer des actions de formation et d’accompagnement prévues par un plan de sauvegarde de l’emploi, qui ont pour objet de favoriser le reclassement et le retour à l’emploi des salariés dont les licenciements pour motifs économiques sont envisagés, n’entrent pas dans l’assiette de la contribution sociale généralisée, ni de la contribution au remboursement de la dette sociale » (Voir référence en tête d’article).

Ainsi, les sommes payées par un employeur à un organisme extérieur pour la formation et l’accompagnement de salariés licenciés dans le cadre d’un PSE ne sont pas assimilables à des indemnités de rupture et leur montant ne doit pas être pris en compte pour apprécier les limites d’exonération de CSG/CRDS, étant précisé que la solution devrait logiquement être la même pour les cotisations de sécurité sociale.

Une extension aux ruptures conventionnelles collectives ?

Quel argument a-t-il déterminé la Haute juridiction à trancher en faveur de l’exonération des sommes versées au cabinet d’outplacement ?

 Le fait que les sommes concernées soient payées non pas au salarié mais directement au prestataire peut expliquer cette approche. Assimiler à des indemnités de rupture des sommes ne transitant pas par le portefeuille du salarié licencié était souvent pour lui source d’incompréhension, et ce d’autant que les honoraires versés à l’organisme d’outplacement sont rarement inscrits en tant que tels dans les PSE.

Les magistrats de la deuxième chambre civile ont-ils également été convaincus par l’argument du pourvoi selon lequel, dans un PSE, l’employeur a l’obligation légale de financer les actions de formation et d’accompagnement de ses salariés en congés de reclassement ?

Sans juger expressément que l’existence d’une obligation légale de financer les actions de formation et d’accompagnement justifie l’exonération, la Cour vise l’article L.1233-71 du code du travail dont le dernier alinéa rappelle que « L’employeur finance l’ensemble de ces actions [d’accompagnement au reclassement] ».

Est-ce à dire que l’existence de cette obligation légale de financement justifiait, à elle seule, la solution ? Une clarification de la Cour de cassation sur ce point serait appréciée, car, à notre connaissance, la deuxième chambre civile n’a jamais eu l’occasion de se prononcer sur le traitement social des sommes versées aux prestataires extérieurs au titre des actions de formation et d’animation du congé de mobilité prévu dans le cadre d’une Rupture Conventionnelle Collective (RCC).

Or, là où proposer un congé de reclassement est une obligation légale dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, la mise en place d’un congé de mobilité n’est qu’une faculté offerte aux négociateurs dans les RCC.

À l’heure actuelle, la position de l’Urssaf, en matière de RCC, est de considérer que « les sommes versées visant à faciliter l’accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents » doivent être considérées comme des indemnités de rupture et sont, ainsi « totalement exonérées d’impôt sur le revenu, et dès lors exclues de l’assiette des cotisations, dans la limite de 2 fois le montant annuel du plafond de sécurité sociale (PASS) » (BOSS, Indemnités de rupture, chapitre V, n°1080).

Pourtant, dans ces nouveaux plans de départs volontaires, les textes assimilent expressément le traitement social de l’allocation de congé mobilité à celui de l’allocation versée au bénéficiaire d’un congé de reclassement (code du travail – Art. L. 1233-71, alinéa 4). La logique voudrait donc que les sommes payées par l’employeur accessoirement à ce congé mobilité, et en particulier celles venant financer les mesures d’accompagnement proposées aux salariés en congé mobilité à la suite d’une RCC (code du travail – Art. L. 1237-18, alinéa 2), suivent le même régime social que les sommes avec un objet analogue dépensées pour les bénéficiaires d’un congé de reclassement dans le cadre d’un PSE.

Gageons donc qu’en cas de RCC, la solution rendue par la Haute Juridiction sera étendue aux sommes directement versées par l’employeur à l’organisme d’outplacement au titre de la formation et de l’accompagnement des salariés en congé de mobilité. Cette solution ferait sens et encouragerait les entreprises à privilégier un reclassement de qualité pour les salariés concernés.

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