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Publication du Guide CIR 2025 – Épisode 2

Dans la continuité de notre première analyse du Guide CIR 2025, qui posait les bases de la qualification des activités “indispensables” en matière de R&D, nous abordons, dans ce second article, les modifications relatives à l’appréciation des activités éligibles dans le cadre spécifique du domaine de l’informatique.

Opérations de R&D éligibles au CIR

Pour rappel, l’article 49 septies F de l’annexe III du CGI (s’appuyant sur le Manuel de Frascati) dispose que « Pour l’application des dispositions de l’article 244 quater B du code général des impôts (CGI), sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique :

a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale ;
b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée ;
c. Les acti
vités ayant le caractère d’opérations de développement expérimental.”

Ainsi, comme dans les autres domaines, les travaux menés dans le cadre du domaine informatique peuvent être prise en compte au titre du CIR dès lors que la nature des activités menées entre dans l’une des trois définitions susvisées.

Compte tenu des difficultés d’application de ces critères et de la spécificité tenant à certains domaines, le MESR est venu, au sein du Guide CIR, fournir un cadre d’analyse dans différents domaines d’activités, dont celui de l’informatique, afin de permettre, in fine, d’identifier plus aisément les activités susceptibles de relever du dispositif.

Spécificité du domaine de l’informatique

Ainsi, dans son Titre 6 intitulé « Spécificité du domaine de l’informatique » le MESR nous précise que, « comme dans tout autre domaine, les travaux de recherche et développement (R&D) en informatique doivent être issus d’un problème clairement identifié pour lequel il n’existe pas de solution évidente et disponible dans l’état de l’art du domaine. Ils doivent s’inscrire dans une démarche scientifique rigoureuse et documentée permettant de lever les incertitudes. »

Pour la nouvelle version de son Guide, le MESR a effectué une réécriture complète des activités éligibles dans le domaine de l’informatique, initialement introduites en 2018. On peut ainsi noter des différences substantielles apportées dans cette édition 2025.

Tout d’abord le MESR indique que « le seul développement d’un logiciel ou d’une application ou d’une nouvelle fonctionnalité dans un logiciel existant, sans démarche explicite de recherche, n’est pas éligible au Crédit d’Impôt Recherche (CIR) ».

La création ou l’amélioration d’une méthode, d’un algorithme ou d’un protocole

Cette première catégorie a été révisée et complétée :

Avant

Opération de R&D ayant créé une technique prouvée originale et/ou meilleure que celles existantes. En général, cette opération apparaît lorsqu’un problème a été identifié dans le cadre d’une autre activité de l’entreprise et c’est sa résolution qui est l’objectif de l’opération de R&D. Dans ce cas, la technique devra être décrite de manière à pouvoir être réutilisée. Elle sera prouvée originale et/ou comparée à celles existantes.”

Après

« il s’agit de produire un élément technique nouveau, seul ou en complément d’un système existant, avec une documentation détaillant les verrous identifiés, les principes de fonctionnement, les étapes de mise au point, les solutions développées et les résultats obtenus. Cette approche se concentre sur des livrables techniques précis, dont les performances ou les fonctionnalités doivent être comparées à celles des solutions antérieures. »

Notre avis

Avec cet ajout, cette catégorie vise désormais le développement d’une méthode, d’un algorithme ou encore d’un protocole tout en ouvrant la possibilité à l’amélioration, et non seulement la création comme dans l’ancienne rédaction.

La formalisation ou l’adaptation d’une méthodologie originale

Concernant cette catégorie, le MESR n’a opéré qu’une reformulation sans apport significatif. La nouvelle version décrit ainsi cette catégorie.

Avant

“Opération de R&D ayant défini une méthodologie prouvée originale et/ou meilleure que celles existantes. Il peut s’agir de la conception d’une nouvelle méthodologie ou d’une nouvelle stratégie de développement de logiciels ou encore l’adaptation d’une méthodologie existante avec application systématique à un cas d’étude particulier. Dans ce cas, la méthodologie devra être décrite de manière à pouvoir être appliquée, analysée et/ou comparée à celles existantes.”

Après

« cela concerne la formalisation d’un processus global de travail (stratégie de développement, de test, de déploiement ou de validation) qui n’était pas documenté auparavant ou l’adaptation substantielle d’une méthodologie existante à un cas d’étude spécifique.

L’enjeu est de créer un cadre reproductible et évaluable (étapes, rôles, outils, critères de réussite) permettant d’assurer cohérence et traçabilité dans un projet R&D. L’accent est mis sur l’organisation, la séquence des actions et les critères d’évaluation du processus, plutôt que sur un composant technique isolé ».

L’application innovante de concepts scientifiques récents ou émergents

Le MESR apporte ici une précision dans la nouvelle rédaction de ce critère.

Avant

“Amélioration du savoir‑faire concernant des concepts ou technologies existants mais récents et dont le savoir‑faire concernant l’utilisation ou l’application n’est pas encore établi et pose de réels problèmes. Dans ce cas, l’amélioration du savoir‑faire qui a été acquis pourra être décrite, analysée et/ou comparée pour démontrer en quoi il y a eu amélioration.”

Après

« cela concerne la mise en œuvre expérimentale de concepts récents à la pointe de l’état de l’art (intelligence artificielle, calcul quantique, cryptographie avancée, etc.) dans un contexte nouveau ou contraint, accompagnée d’une validation rigoureuse (prototype, tests, métriques) démontrant un bénéfice ou une avancée par rapport aux approches existantes ».

Notre avis

Dans cette nouvelle version, la formulation de cette troisième catégorie semble donc préciser les améliorations du terme « amélioration du savoir-faire » employé dans les précédentes versions avec une ouverture sur l’innovation de l’application.

[NEW] La mise en place d’expérimentations ou de prototypes

Le Guide 2025 ajoute cette quatrième catégorie et la définit ainsi :

« il s’agit de développer et mettre en œuvre des prototypes et maquettes pour tester et mesurer des avancées scientifiques ou techniques, avec des protocoles expérimentaux clairement définis (jeux de données, scénarios de test, critères de performance) et une documentation des résultats pour valider l’apport R&D ».

Notre avis

Cette nouvelle catégorie engloberait les opérations de R&D dont les apports semblent être principalement liés aux résultats de tests de techniques existantes et non forcément la création d’éléments techniques nouveaux. Par exemple, le développement d’un démonstrateur pour tester une technique non éprouvée dans un contexte nouveau et contraint ?

Cette nouvelle version précise notamment que « pour chaque catégorie, il est impératif de justifier en détails :

Ces informations détaillées faciliteront la justification de la dimension R&D de l’opération ». Ainsi, la validation des critères d’éligibilité reste primordiale.

L’ajout de cette quatrième catégorie laisse toutefois pensif.

La mise en place d’expérimentations étant une partie constitutive de la démarche scientifique, nous devrions donc retrouver cette dernière au sein de chaque projets éligibles (et non en tant que catégorie de projet).

Plusieurs questions peuvent ainsi se poser au regard d’un tel ajout : Quel était l’objectif des rédacteurs ? Quel type de projet éligible, ne figurant pas déjà dans les trois catégories existantes souhaitaient-ils inclure ici ?

Cela reste à clarifier.

Des remarques plus claires et concises pour une meilleure appréciation de l’éligibilité dans le domaine de l’informatique

Le MESR conclut cette section par une liste de remarques de bon sens, qui permettent de filtrer une longue liste d’erreurs communes dans les dossiers existants.
On remarquera que certains de ces conseils ne sont pas spécifiques à l’informatique, et mériteraient de figurer au sein d’une partie du Guide plus générale.

Outre une réorganisation de l’ordre de ces remarques – induisant un nouveau classement  d’importance – la version 2025  supprime les remarques relatives, d’une part, à la réalisation d’un modèle d’une réalité présente ou future (remarque 2 du Guide 2024), et d’autre part, à la description de la démarche poursuivie pour résoudre un verrou (concernant les problèmes rencontrés lors d’un développement logiciel, remarque 10 du Guide CIR 2024, et concernant la description du raisonnement poursuivi, remarque 11 du Guide CIR 2024).

On émettra à ce titre deux remarques qui, à notre sens, méritent d’être soulignées.

OrdreRemarquesDescriptionNotre avis
1Nouveauté vs. R&DToute nouveauté logicielle n’est pas synonyme d’éligibilité.Le guide 2025 ajoute que seules les avancées qui impliquent une résolution de problèmes scientifiques ou techniques nouveaux avec une production de connaissance sont éligibles
2 (antea 7)Complexité vs. R&DLa complexité d’un projet informatique n’est pas synonyme d’éligibilité.
L’éligibilité requiert la démonstration d’une solution originale à un problème complexe, avec une approche générique et réutilisable.
3 (antea 12)Acquisition de compétences vs Acquisition de connaissancesL’acquisition de compétences sur les techniques et outils informatiques n’est pas éligible CIR.
Le CIR finance la création de connaissances scientifiques exploitables, et non la formation des équipes aux outils et technologies informatiques.
4 (antea 8 et 9)Exploration et Intégration de technologies émergentesL’exploration ou l’intégration de technologies récentes est éligible si elle implique la résolution de problèmes scientifiques ou techniques liés à leur mise en œuvre.
Il est essentiel de bien décrire le problème rencontré et la démarche de R&D adoptée.
5 (antea 4)PrototypageLa réalisation d’un prototypage n’est pas suffisante pour justifier de l’éligibilité au CIR.
Le Guide 2025 précise que pour être éligible, le prototype doit être un outil de validation de concepts de R&D.
 Le Guide 2025 précise que pour être éligible, le prototype doit être un outil de validation de concepts de R&D.
6Méthodologie de développementLa conception ou l’adaptation de méthodologies de développement logiciel peut être éligible, à condition de clairement expliciter la démarche de R&D sous-jacente
7 (antea 3)Cycle de développementLe développement logiciel itératif (en ayant recours à des méthodes Agile par exemple) n’est pas en soi synonyme de R&D. Le développement logiciel itératif (en ayant recours à des méthodes Agile par exemple) n’est pas en soi synonyme de R&D.
8 (antea 5)Informatique comme outilL’utilisation de l’informatique pour résoudre des problèmes non informatiques ne constitue pas en elle-même de la R&D. Dans les projets multidisciplinaires, il est crucial de bien délimiter les opérations de R&D informatique éligibles.

Ont été supprimées les remarques relatives, d’une part, à la réalisation d’un modèle d’une réalité présente ou future (remarque 2 du Guide 2024), et d’autre part, à la description de la démarche poursuivie pour résoudre un verrou (concernant les problèmes rencontrés lors d’un développement logiciel, remarque 10 du Guide CIR 2024, et concernant la description du raisonnement poursuivi, remarque 11 du Guide CIR 2024).

Un crû 2025 qui va dans le bon sens ?

Pour conclure, cette nouvelle mouture de la description des spécificités de l’appréciation de l’éligibilité dans le domaine de l’informatique apporte plus de clarté et introduit une catégorie nouvelle, dont l’apport au raisonnement sur l’éligibilité reste, néanmoins, à apprécier.

De façon prévisible on peut y lire également une insistance sur les attendus documentaires pour justifier les verrous scientifiques et techniques, l’objectif scientifique poursuivi, la nouveauté technique ou méthodologique obtenue ainsi que les protocoles expéri­mentaux et validations réalisées.

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