Le Conseil d’État se prononce sur la qualification que doivent recevoir, tant au regard du droit interne que de la convention France-US, les revenus provenant de la cession d’un bien immobilier situé aux États-Unis par une personne physique résidente de France, via l’intermédiaire de 2 partnerships de droit américain.
L’histoire
Une personne physique résidente de France est associée d’un general partnership de droit américain, détenant une participation dans un limited partnership, également de droit américain.
En 2012, ce limited partnership a réalisé une plus-value immobilière aux États-Unis, dont le general partnership a perçu une fraction au titre de sa participation, avant d’en reverser une partie à son associée personne physique résidente de France.
Celle-ci a spontanément déclaré ce revenu à l’administration fiscale française dans la catégorie des plus-values immobilières et a entendu bénéficier du crédit d’impôt conventionnel, prévu par la convention France-US, égal à l’IR français correspondant.
L’Administration n’a pas remis en cause la qualification retenue, mais a contesté le montant du crédit d’impôt conventionnel imputable (qu’elle entendait limiter au montant de l’impôt US supporté à raison de ce même revenu).
Le litige a été porté devant le TA, devant lequel le contribuable français a changé d’approche, estimant que les revenus perçus par la double intermédiation des partnerships devaient s’analyser comme des revenus de capitaux mobiliers. Cette demande a été favorablement accueillie par le TA.
La CAA de Nancy, a, elle, retenu la qualification de BIC, et jugé qu’en application des stipulations conventionnelles relatives aux bénéfices des entreprises (art. 7 de la convention France-US), les revenus litigieux n’étaient pas imposables en France.
La décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État rappelle, en 1er lieu, le principe de subsidiarité des conventions fiscales, en vertu duquel il incombe au juge de l’impôt, saisi d’une contestation relative à l’application d’une convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si la convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale (CE, 28 juin 2002, n°232276, Sté Schneider Electric).
Or, il juge qu’au cas d’espèce, l’imposition litigieuse avait été établie par l’Administration sur un fondement légal erroné, de sorte que les arguments avancés par les parties s’agissant de la qualification du revenu au regard de la convention franco-US présentaient un caractère surabondant.
Il va pourtant se prononcer, au seul plan des principes, sur ce point.
Il juge, à cet égard, que par application des stipulations de la convention franco-US, l’associé d’un partnership de droit américain doit être regardé comme ayant réalisé lui-même les revenus réalisés par ce partnership (article 4 §3 de la convention France-US).
Il en résulte, en particulier, que pour l’application de la convention, une plus-value immobilière réalisée par un partnership, y compris par l’intermédiaire d’un autre partnership, doit être regardée comme une plus-value immobilière réalisée par l’associé de ce partnership à hauteur de ses droits dans celui-ci, et imposable en application des dispositions de l’article 13 de la convention, relatif aux gains en capital (attribuant, s’agissant des gains provenant de l’aliénation de biens immobiliers, le droit d’imposer à l’Etat de situation de ces biens immobiliers).
Lorsque cet associé se trouve être une personne physique résidente de France, un tel revenu peut également être pris en compte pour le calcul de l’impôt dû en France, et la double imposition doit alors être éliminée par l’octroi d’un crédit d’impôt imputable sur l’IR français dans la limite de celui-ci et égal au montant de l’impôt payé, à raison de ce gain, aux États-Unis.
Cependant, au cas d’espèce, il n’était pas besoin de se placer sur le terrain conventionnel, puisqu’en tout état de cause, le fondement légal retenu par l’Administration au regard du droit interne était erroné (plus-value immobilière pour établir l’imposition initiale, revenus des capitaux mobiliers retenu au stade de l’appel).
Le Conseil d’État confirme ici la correcte application par les juges d’appel de la méthode dite de l’assimilation (dégagée par le Conseil d’État dans sa décision du 24 novembre 2014, n°363556, Sté Artémis, assimilation d’un « general partnership » constitué au Delaware à une société de personnes).
La CAA de Nancy avait, à cet égard, procédé à une analyse détaillée des modalités de constitution et de fonctionnement des deux partnerships interposés avant de conclure que :
- Le limited partnership devait être assimilé à une société en commandite simple de droit français, de sorte que le general partnership – qui avait la qualité de « limited partner» au sein de ce limited partnership, devait être regardé comme étant, dans la situation, en droit français, d’un associé commanditaire qui perçoit d’une société en commandite simple des revenus mobiliers ;
- Le general partnership, dont l’activité est à prépondérance commerciale, devait, lui, être assimilé à une société de nom collectif en droit français (outre la prépondérance commerciale de son activité, la CAA de Nancy avait relevé que le partnership ne réunissait que des associés dont la responsabilité était illimitée), dont la personne physique résidente de France est un associé en nom collectif.
Aussi, elle en a, à bon droit, déduit que le bénéfice distribué par le limited partnership au general partnership constituait pour lui un revenu distribué ayant contribué à la formation de son bénéfice, calculé selon les dispositions de l’article 38 du CGI (régime des BIC), de sorte que le revenu litigieux versé par le general partnership à son associé personne physique résidente de France était imposable entre ses mains, dans la catégorie des BIC.
Le Conseil d’État confirme donc la décharge des impositions litigieuses.