Le contexte est le suivant. C&D FOODS est la holding d’un groupe de sociétés. Cette société détient indirectement la société AROVIT PETFOOD via une sous-holding. C&D FOODS rend des services de gestion et des services informatiques, soumis à la TVA, à la société AROVIT PETFOOD. Les titres de C&D FOODS ont été acquis pour un euro par un établissement de crédit du fait de la défaillance de l’ancien propriétaire dans le remboursement d’un prêt qui lui avait été consenti par ce dernier.
Cet établissement de crédit va chercher à céder les titres de la société AROVIT PETFOOD afin de se rembourser. Dans ce cadre, des conventions de conseils sont conclues et des honoraires versés par la société C&D Foods. Cependant, aucun acquéreur n’est trouvé et il est mis fin au processus de cession.
Le litige TVA naît de la contestation de la récupération de la TVA grevant les frais supportés.
La question de la récupération de TVA grevant des frais de cession de titres a déjà donné lieu à la décision AB SKF rendue par la CJUE le 29 octobre 2009 (CJUE 29 octobre 2009, SKF, C‑29/08) et à l’arrêt PFIZER rendu par le Conseil d’Etat le 23 décembre 2010 (CE, 8e et 3e ss-sect., 23 déc. 2010, n° 307698, Sté Pfizer Holding France). Le rappel de ces précédents est nécessaire car il est fort probable qu’à l’aune de ces deux décisions, la TVA aurait été considérée comme déductible dans l’affaire qui nous intéresse. En effet, dans la mesure où la cession de titres ne se réalise pas, l’arrêt PFIZER nous enseigne que la TVA grevant les frais est déductible au titre des frais généraux. Or, telle n’est pas la solution retenue par la décision C&D FOODS.
Si l’on simplifie, la présente décision retient qu’une cession qui ne se réalise pas doit suivre le régime qui aurait été le sien si elle avait été menée à son terme. Au cas particulier, la cour retient que dans cette hypothèse la déduction n’est pas permise car la cession aurait été placée en dehors du champ de la TVA. Une telle solution apparaît d’emblée sévère puisque l’absence d’opération aurait pu conduire à rattacher les frais en cause aux frais généraux de la société C&D FOODS et motiver une récupération au titre du principe de neutralité.
L’analyse de l’arrêt laisse pour le moins perplexe et on peut légitimement se demander s’il ne s’agit pas d’un arrêt d’espèce, motivé par les circonstances exceptionnelles qui entourent l’affaire.
Plusieurs éléments militent en ce sens.
Compte tenu des questions posées par la juridiction de renvoi, la question de savoir si les frais devaient effectivement être portés par la société C&D FOODS n’a pas été étudiée.
L’analyse retenue par le juge communautaire perd rapidement le lecteur. Tout d’abord, le juge ne suit pas les étapes qu’il rappelle en introduction, qui résultent de l’arrêt AB SKF, à savoir (i) le régime de la cession, (ii) le principe du droit à déduction et (iii) le détermination du quantum de TVA déductible.
Le juge se réfère à l’arrêt AB SKF sans pour autant suivre les principes qu’il était censé contenir. On comprenait de l’arrêt AB SKF que la qualification de la cession était sans importance puisque les frais généraux étaient applicables que la cession soit placée en dehors du champ ou dans le champ, exonérée.
Le juge communautaire dans cette affaire télescope les critères de champ d’application (la cession est-elle hors du champ ou dans le champ exonérée de TVA) et de droit à déduction (théorie des frais généraux) pour les appliquer tantôt à l’opération tantôt à la dépense.
Au final, à la lumière (bien obscure) d’une théorie hybride et complexe, il apparaît que la cession est hors champ de la TVA et le droit à déduction n’est pas permis.
Adieu la prise en considération de l’immixtion pour qualifier une cession exonérée de la TVA ! Adieu, la non incorporation dans le prix de cession pour ouvrir la voie des frais généraux !
Les circonstances de la cession deviennent primordiales y compris la prise en compte d’éléments extérieurs à la société cédante. Ainsi, au cas particulier, le fait que la cession ne soit pas effectuée pour réinjecter le produit de cession dans l’activité, mais pour distribuer à l’actionnaire/établissement financier, est un premier élément bloquant.
Le fait que la cession des titres ne résulte pas de la cessation de l’activité taxable de services de gestion et de services informatiques est le second élément bloquant retenu par le juge.
Au final, même si on peut comprendre la solution qui a été souhaitée par le juge dans cette affaire, la rédaction de la décision C&D FOODS est si confuse au regard des principes qu’elle ne peut, en aucun cas, servir de guide dans une autre affaire.