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Réduction de RAS sur les dividendes de source française perçus par une caisse de retraite étrangère

Dans la lignée de la jurisprudence National Pension Service (NPS), le TA de Montreuil juge contraire au principe de libre circulation des capitaux le refus d’appliquer le taux de RAS de 15 % aux dividendes de source française perçus par une Caisse de retraite résidente d’un État tiers (Iles Caïman) ayant signé une convention d’assistance administrative avec la France.

La Caisse de retraite du service public des Iles Caïmans, entité publique exonérée d’impôts, contrôlée par le Gouvernement des Iles Caïmans, ayant pour principales fonctions de gérer ses actifs, de recevoir les cotisations obligatoires et de verser les pensions de retraite aux fonctionnaires des Iles Caïmans a perçu au cours des exercices 2015 à 2017 des dividendes de source française.

Ces dividendes ont fait l’objet d’une RAS au taux de droit interne (30 % à l’époque) en application des dispositions de l’article 119 bis, 2 du CGI.

La Caisse de retraite revendique à titre principal la décharge des RAS prélevées sur les dividendes qui leur ont été versés par des sociétés françaises, et à titre subsidiaire la réduction de ces mêmes RAS par application d’un taux d’imposition ramené de 30 % à 15 %.

Confronté au refus de l’administration fiscale, l’affaire est portée devant les juridictions.

La décision

La remise en cause de la RAS au taux de 30 % versée au titre des dividendes perçus au cours des exercices 2015 et 2016 est écartée d’entrée de jeu par le TA, la requérante n’ayant produit à l’appui de sa réclamation aucune pièce de nature à établir l’identité de l’établissement payeur des dividendes perçus au cours de ces 2 années, ni la date à laquelle ces RAS ont été opérées (LPF, art. R. 197-3).

Le Tribunal revient donc uniquement sur la question de la RAS applicable au titre des dividendes de source française distribués en 2017.

Exonération totale de RAS sur les dividendes de source française distribués en 2017

La Caisse requérante revendiquait l’application de l’article 131 sexies du CGI qui prévoit une exonération de la RAS visée à l’article 119 bis, 2 du CGI en faveur des organisations internationales, des États souverains étrangers et des banques centrales de ces États.

Ce moyen est rejeté par le TA de Montreuil au motif que la Caisse requérante doit être regardée comme une entité distincte du Gouvernement des Iles Caïmans. Elle relève de surcroit que les Iles Caïmans, territoire d’outre-mer britannique, ne peuvent être regardées comme un État souverain étranger au sens de l’article 131 sexies du CGI.

Application du taux réduit de RAS de 15 % sur les dividendes de source française distribués en 2017

Pour mémoire, il résulte de la lecture combinée des articles 206,5 et 219 bis du CGI, que les organismes sans but lucratif établis en France ayant pour objet de servir des pensions de retraite sont assujettis à l’IS au taux de 15 % à raison des dividendes de source française perçus.

L’article 187 du CGI prévoit également un taux de RAS de 15 % pour les dividendes de source française perçus par des organismes ayant leur siège dans un État membre de l’UE où de l’EEE et ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

En revanche, les organismes sans but lucratif établis dans des États tiers sont, eux, assujettis à une RAS au taux normal de l’IS (25 % en 2022) à raison des dividendes de source française perçus (CGI, art. 187 – qui prévoyait un taux de RAS de 30 % au moment des faits).

Dans ce contexte, le TA de Montreuil relève que l’imposition plus élevée pesant sur les dividendes versés à un organisme étranger localisé dans un État tiers constitue une restriction à la libre circulation des capitaux (TFUE, art. 63) dès lors que la France et cet État tiers sont liés par une convention d’assistance administrative.

Ainsi, le Tribunal estime que la différence entre la charge fiscale pesant sur une caisse de retraite française et celle pesant sur une caisse de retraite établie dans un État tiers, à raison des dividendes de source française perçus, n’est pas justifiée par une différence de situation objective, le régime de faveur français étant justifié par le caractère non lucratif de l’activité des organismes et non pas par une charge d’intérêt général qui pèserait sur les seuls organismes résidents de France.

Le Tribunal relève que la France et les Iles Caïmans ont conclu en 2009 une convention sur l’échange de renseignements en matière fiscale (convention d’assistance administrative). De plus, il estime que la Caisse de retraite étrangère remplit les critères de non-lucrativité nécessaires, à savoir :

Par conséquent, il juge que la Caisse de retraite du service public des Iles Caïmans est fondée à revendiquer l’application du taux réduit de 15 % sur les dividendes de source française.

Cette décision du TA de Montreuil s’inscrit dans la droite lignée de la récente jurisprudence National Pension Service du Conseil d’État (CE, 6 décembre 2021, n°433301) qui a consacré la possibilité de comparer un organisme de retraite étranger à un organisme sans but lucratif français et en tire les conséquences en faisant application de la RAS au taux de 15 % sur les dividendes de source française perçus par celle-ci.

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